Austin: Je m'en fous des bulles des autres, j'ai crée la mienne.

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La fête était à son comble. Des corps se déhanchaient dans le petit salon de l'appartement, mélangeant l'odeur de la sueur avec celle de l'alcool, créant un résultat d'odeurs nauséabondes. Au milieu de ces silhouettes qui ne semblaient se soucier de rien, mis à part du jour qui approchait dangereusement, se tenait un jeune garçon. Immobile, cherchant du regard une quelconque issue à ce bain de foule. Son regard balayait rapidement tous les coins du salon, jusqu'à tomber sur une porte-fenêtre qui menait à un balcon.

Il essayait tant bien que mal de se frayer un chemin à travers cette foule. Austin avait toujours trouvé ça curieux, dès que les gens se trouvaient en groupe le monde extérieur les importait peu - voire pas du tout -, comme si le monde n'était qu'un espace rempli de bulles géantes, et que dans chacune des bulles se trouvait un autre monde. Un peu comme des mondes parallèles en soi. Alors, quand vous rentrez dans l'une d'elles, l'espace qui contient toutes les autres bulles ne devient qu'un souvenir lointain. Un souvenir dont personne ne se souviendra et qu'ils veulent tous oublier. Certaines personnes y rentrent plus ou moins facilement, d'autres se heurteront à des murs de briques avant de trouver leur monde. Celui dans lequel ils passeront la plus claire partie de leur temps. Mais on oublie trop souvent les abandonnés, ceux qui ne trouvent jamais leur bulle. Ceux qui se sentent orphelins en quelque sorte. Ils passeront leur vie à vagabonder entre les bulles, à la recherche de la leur. Ce n'est pas qu'ils sont difficiles, non ! C'est juste que le monde ne s'accommode pas à eux. Ce sont les parias des relations interpersonnelles.

Austin, lui, ne sait toujours pas s'il est dans une bulle ou pas. Il n'est pas exclu, mais il n'est pas vraiment là non plus. Il erre. Où ? Il ne sait pas, on pourrait le comparer à un voyageur égaré et cela lui importait peu en toute honnêteté.

Il fit coulisser la porte-fenêtre doucement, laissant l'air nocturne s'engouffrer dans la petite pièce remplie, se glissant à l'extérieur avant de refermer derrière lui, filtrant au passage la musique pour qu'elle ne devienne qu'un murmure à ses oreilles. Il souffla bruyamment, bien content de sentir l'air frais - bien que pollué - envahir ses poumons. Il avait, à cet instant précis, l'impression de ne pas avoir respiré d'air potable depuis au moins des semaines. C'était souvent ça quand on se retrouvait dans l'inconfort quelque temps. On avait l'impression que la situation avait duré une éternité. Si bien que si elle dure assez longtemps, on a l'impression qu'on a connu que ça. Totalement inconnu des sensations qu'on avait vécues auparavant et ayant comme seul ressenti nos sensations actuelles.

Il s'accoudait à la rampe, courbant son dos au passage. Il regardait le ciel se faire peindre de nuages gris clair, comme ses pensées avaient pu auparavant peindre son moral. Il inspirait et expirait bruyamment, croyant que cela pourrait calmer, un minimum, son pouls qui s'était accéléré quand il s'était retrouvé encerclé de dizaines de personnes. Austin craignait particulièrement la foule, et ça, depuis tout petit. Il se rappelait qu'une fois, vers ses six ans, sa mère l'avait emmené dans un centre commercial bondé de personnes. Il s'était mis littéralement à hurler, ses cris ressemblant à des gémissements de douleur mélangés à des hurlements de détresse. Sa mère lui avait vite attrapé la main; marchant rapidement vers la sortie. À peine était-il sorti dehors, loin de cet imposant bâtiment, que les cris se stoppèrent d'un coup. Si abruptement qu'elle croyait qu'il avait fait semblant sur le coup.

Une légère brise fit voler une de ses mèches sur son front, mais il ne s'en rendit pas compte. Austin était dans sa bulle, pas celle où l'on peut s'introduire. Non, la sienne, celle qu'il s'était forgée. Son petit monde rien qu'à lui. En fond sonore, le bruit des véhicules qui passaient de manière irrégulière dans la rue en dessous du balcon - comme on dit Paris ne s'endort jamais -, la musique atténuée par la fenêtre, sa respiration et un bruit qu'il n'identifia pas aussitôt. C'est seulement quand il entendit le crissement d'une chaise qu'il identifia la source du bruit.

-Hé merde...

Il se retourna, trouvant derrière lui, dans le coin gauche, une jeune fille debout, un mégot de cigarette consommé à la main.

-Je suis désolée, je ne voulais pas te déranger. Disait-elle en se frottant nerveusement sa nuque, manifestant sa gêne.

-Ce n'est rien, t'inquiète. La rassura-t-il d'une voix fébrile.

Ses sourcils, auparavant froncés durement, avaient repris leur place initiale; chose qui détendit la jeune fille. De là où il était, Austin ne pouvait discerner que le galbe de sa silhouette. Les quelques nuages voyageurs avaient absorbé toute la lumière lunaire laissant peu de chances à Austin de pouvoir détailler, plus en profondeur, la personne en face de lui. C'est seulement quand elle avança jusqu'à lui, devant la porte-fenêtre, qu'il put la voir. Les lumières du salon se reflétaient jusqu'à l'extérieur, laissant derrière elles deux individus se fixant sur le petit balcon en pierre. Et ce soir-là, Austin ne savait pas encore qu'elle serait la première personne à visiter sa bulle.

Balcon d'AureWhere stories live. Discover now