Capítulo VI

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Non, il ne s'agissait sûrement que d'une supercherie supplémentaire... Les personnes qui l'entouraient ne pouvaient pas toutes appartenir au monde des morts ! Mais le doute ne le quitta pas. Toute la nuit, il ressassa les paroles de sa cousine. Le sommeil le fuyait et, bien qu'il sache qu'une deuxième nuit blanche ne lui serait pas favorable, Domenico se leva et sortit de sa chambre.

Comme le manoir paraissait effrayant de nuit ! Les meubles s'allongeaient au gré de leur ombre, les charpentes craquaient en de sombres présages, le bois sous ses pieds nus perdait toute chaleur et les échardes se redressaient, à l'affût. Une drôle odeur d'encens et de cannelle flottait dans les escaliers. Il descendit avec précaution, posa ses orteils sur une arête et...

Nico ! Qu'est-ce que tu fais là ? Va dans ta chambre, tu y seras plus en sécurité.

Sa grand-mère, une chandelle dans la main, venait d'apparaître aux pieds des marches. La flamme creusait ses rides et transformait son vieux visage en une pâte de chair difforme. Comme pour confirmer ses dires, un éclair tonna. La maisonnée s'illumina d'un éclat bleuté.

Domenico étouffa un cri. L'espace d'une seconde, l'amas de peau et de plis qui alourdissait la figure de son abuela s'était dissipé. Un crâne aux orbites vides l'avait alors fixé avec intransigeance. Le garçon se passa un doigt tremblant sur le front. En sueur, mais tiède. Rêvait-il éveillé ?

— Je... j'ai un petit creux, Nana. Il y a encore du saucisson dans la cuisine, non ?

Elle le dévisagea un instant, puis soupira avec fatigue.

— Alors, vas-y. Mais fais attention et ne vas surtout pas dehors, compris ! N'ouvre les fenêtres sous aucun prétexte. Les esprits rôdent, marmonna-t-elle en passant devant lui. Ce n'est pas bon, non, pas bon du tout.

Après s'être assuré d'être hors de portée des fines oreilles de sa grand-mère, Domenico dévala les deux étages et, nonobstant la cuisine, se faufila dans la galerie interdite. L'odeur d'encens s'accentuait au et fur et à mesure qu'il progressait dans le couloir étroit et tapissé d'écarlate, jusqu'à en devenir étouffante.

Il ne savait d'ailleurs pas pourquoi ses pieds continuaient d'avancer, sous le regard inquisiteur de ses aïeules. Les portraits, entourés de bougies et de fruits, semblaient hurler leur désapprobation malgré leur immobilité sans âge. Lentement, les peintures firent place aux photographies et Domenico se surprit à reconnaître un oncle, une grand-tante. Des personnes qu'il n'avait pourtant pas très bien connues.

Tout ça à cause de son père et d'une embrouille familiale qui durait depuis si longtemps dont personne ne se rappelait la cause. Quel lâche, lui. Ne pas oser confronter les erreurs du passé, soit, mais Domenico lui en voulait d'avoir abandonné Nana. La vieille femme respirait l'amour pour sa famille et rien ne l'aurait rendue plus heureuse qu'une visite de sa part.

— Remarque, s'agaça-t-il, il a bien lâché son propre fils, ce suelto à la con.

Peut-être était-ce pour cela que ses pas le conduisaient jusqu'à la fin du couloir, à la recherche d'une réponse. L'espoir que, quelque part, ses parents veillaient sur lui. Il s'arrêta net. Devant lui se dressait une sorte de chapelle, à la façade richement décorée. Les offrandes de toutes sortes, fruits et crânes fleuris, s'entassaient en plus grand nombre encore, devant un immense tableau recouvert d'un rideau. D'un bleu soyeux, celui-ci ondulait, comme sous les caresses des esprits qui se dissimuleraient derrière.

Domenico l'ouvrit d'un coup sec. Sans surprise, la silhouette altière d'Alba se dessina sous la chaude lumière. Le garçon se perdit quelques minutes dans une contemplation fascinée avant de remarquer d'autres rideaux, plus petits, placés non loin de là. D'autres proches, morts récemment ?

Dia de los MuertosWhere stories live. Discover now