Capítulo II

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Un flux de lumière le sortit des ténèbres.

— Réveille-toi, mi hijo, tout va bien.

Domenico se releva, passa des doigts tremblants sur son thorax, puis tourna sa tête vers la douce voix qui essayait de le calmer. Assise sur une branlante chaise en bois, une dame âgée à la tête aussi fripée qu'une vieille pomme lui tendait un verre d'eau. Il s'en empara avec avidité et le termina en une gorgée.

— Comment te sens-tu, Domenico ? 

— Où sont papa et mamà ?

— Ils sont déjà repartis. Trop occupés, paraît-il, remarqua la femme avec une amertume que le garçon ressentit immédiatement.

Ses parents n'étaient même pas restés pour vérifier son état de santé. Ou même pour lui dire au revoir. Ils avaient dû être soulagés de pouvoir enfin se défaire de lui. De lui et de tous les problèmes qui traînaient dans son sillage.

— Qu'est-ce qui m'est arrivé ? Je ne me souviens de rien... Et vous, vous êtes...

Une fois les mots sortis, il les regretta aussitôt.

— Ah, là là, tu ne reconnais donc pas ton abuela préférée, Domenico ? Mais c'est vrai que tu étais encore tout petit la dernière fois qu'on s'est vu. Je suis tellement contente que tu sois là. Tu as faim ? Ma belle-fille m'a dit que tu as fait une attaque, probablement à cause de tes médicaments... Tu dois recouvrir des forces.

Sa grand-mère se releva en prenant appui sur le lit avant de traverser la petite pièce en quelques pas énergiques.

— Je vais préparer le petit-déjeuner, toi, repose-toi ! Ah, et en passant, ajouta-t-elle juste avant de fermer la porte, j'ai retiré tous ces petits sachets blancs de ta valise et de tes pantalons. Je ne veux plus voir ce genre de chose sous mon toit, compris ?

Elle gloussa devant la grimace déconfite du garçon, puis s'en alla, le laissant seul avec ses pensées. Pris de vertige, il reposa sa tête contre l'oreiller.

— Qu'est-ce que ça va être, ma vie ici ? marmonna-t-il dans la pénombre avant de s'assoupir à nouveau, l'esprit plus tranquille, cette fois.

***

Il ne l'aurait avoué pour rien au monde, mais Domenico se sentait apaisé par la vie tranquille du manoir de Nana, sa grand-mère. Les journées passaient sans aucune source de stress, ni sociale, ni physique, avec le ressac de la mer comme seul bruit de fond. Il se contentait d'errer dans les hautes herbes, à contempler l'océan se dessiner au loin sous les falaises. Nana lui avait promis de lui montrer une des rares plages accessibles au milieu des rochers acérés. Quand il se serait rétabli.

Entretemps, il lisait, mangeait avec appétit les excellents plats confectionnés par son aïeule et dormait. Enormément. Son corps lui tenait rigueur de ne plus consommer de substance excitante et le lui rappelait à chaque effort plus soutenu. Mais les migraines et nausées se retiraient lentement et Domenico s'autorisait des balades de plus en plus longues, sous l'œil vigilant de Nana. Il avait bien tenté de se faufiler plusieurs fois vers le village qui s'étendait au pieds du cafouillis de colline, mais elle l'avait toujours intercepté à temps.

— Demain, lui annonça-t-elle un jour, tu iras à l'école. J'en ai assez de te voir fouiner tous les recoins du manoir. Le Dia de los Muertos approche, je dois préparer la cérémonie, et toi, je crois que voir des gens de ton âge ne peut que t'apporter le plus grand bien.

Le garçon acquiesça, silencieux. Sa cousine, qu'il avait été sensé rejoindre ici, était décédée dans un horrible accident quelques semaines auparavant. Sa grand-mère ne parlait pas beaucoup d'elle, mais le poids de la tristesse encombrait encore chacun de ses gestes. Elle n'avait pas encore fait son deuil et si la présence de Domenico la distrayait et la comblait, elle ressentait encore un besoin de solitude, en harmonie avec le souvenir des défunts.

Alors que le Dia n'était célébré que dans quatre jours, la vieille dame s'affairait déjà pendant des heures dans une galerie annexe réservée au rituel destiné aux morts, interdite à Domenico. Elle en ressortait toujours la larme à l'œil, agrippée à son pendentif en forme de croix. Une étrange odeur de cannelle et d'encens se répandait alors dans la demeure.

Domenico avait lui-même hâte d'enfin voir de nouvelles têtes et, surtout, pouvoir enfin mettre la main sur un téléphone. Celui de la vieille femme faisait des simagrées à chaque fois qu'il tentait de le manipuler et le réseau se montrait frondeur et rare, le coupant du monde extérieur. Il fallait pourtant absolument qu'il parle à Mariana. S'inquiétait-elle du manque de nouvelles à son propos ? Probablement pas, il ne l'avait jamais vu s'inquiéter de quoi ce soit.

Enfin, ils riraient à nouveau ensemble, se donneraient du courage et aviseraient quoi faire pour la suite. Peut-être fêter le Dia ensemble ? L'idée de ne plus la voir pendant une année entière l'insupportait au plus haut point, quoiqu'en dise les médecins et leur pseudo-psychologie.

Dia de los MuertosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant