Chapitre 5

1.3K 70 11
                                    

Je m'approchai d'elle en tendant les bras pour la serrer contre moi tant j'étais heureux de la retrouver, mais elle m'arrêta immédiatement.

- Reste où tu es. J'ai pas envie de mourir encore une fois.

- Mais enfin, je t'ai sauvée. Les sirènes ont voulu t'atteindre pour m'avoir et elles ont réussi à te retourner contre moi. N'oublie pas qu'elles ont tenté de te noyer.

Elle se figea et fit silence. Au fond d'elle, je pense qu'elle savait que je n'avais pas tort, elle refusait simplement de l'admettre. Elle détourna son regard de moi pour le poser sur Crochet.

- Vous êtes qui, vous ? interrogea-t-elle sèchement, à deux doigts d'être agressive.

- Capitaine Crochet, ou plutôt Crochet puisque mon vaisseau vient de tomber à l'eau à cause de ce maudit gosse !

- Alors tu as tué Félix, qui d'après les sirènes, était ton second, ce qui a fait fuir ma mère et en plus tu fais en sorte que son navire sombre ?!

- Je me suis battu pour sauver ta vie, au passage, tenu-je à préciser.

- Peu importe. Je rentre.

Mon cœur se mit soudain à battre plus fort, à tel point que je le sentais taper dans mes tempes et mon cerveau bouillonner.

- Où comptes-tu aller ? demandai-je sur un ton que je voulais menaçant mais dont un esprit perspicace pouvait repérer de la panique.

- Au camp, où veux-tu que j'aille ? riposta-t-elle agressivement.

Soulagé qu'elle ne désire pas s'enfuir, je la regardai nager pour rejoindre les Garçons Perdus quand Crochet vint bloquer mon champ de vision.

- Puisque tu as fait en sorte que mon navire périsse, ton camp est aussi ma destination, même si ça ne m'enchante pas.

- Tu peux t'en imaginer un autre, Crochet.

Sur ces mots, je lui en crée un autre - je n'avais aucune envie de supporter sa présence, la situation était assez difficile avec Jeanne. Je volai donc jusqu'à la plage et me posai au camp. Je mis à peine un pied au sol que je cherchais déjà Jeanne du regard. Croisant Will sur mon chemin, je lui demandai où se trouvait la fille. Sans me répondre verbalement, il se contenta de désigner ma cabane. J'empruntai donc l'échelle pour la rejoindre et la trouvai entrain de tailler une grande branche à l'aide d'un caillou afin qu'elle devienne pointue à l'extrémité et ainsi s'en faire une arme.

- C'est un coin tranquille ici. C'est toi qui as fabriqué la cabane ? interrogea Jeanne avant que je ne puisse dire un mot.

- Oui, je viens ici quand je veux être seul. Alors fiche-moi le camp ! la congédiai-je.

Dans un premier temps, elle ne broncha pas, se contenta seulement de poursuivre son activité sans obéir. Puis elle se ravisa.

- Sache que je n'ai pas peur de toi, Pan, s'exprima-t-elle d'un ton parfaitement calme. Vois-tu, je suis entrain de tailler ce bout de bois afin de pouvoir me défendre et chasser pour survivre.

- Parce que tu penses vraiment pouvoir y parvenir sans bénéficier de ma protection ?

- Ta protection ? Tu as tué ton meilleur ami parce qu'il s'était un peu trop approché de ma mère, d'après les sirènes.

- Elles mentent, me défendis-je. Je voulais la protéger contre Félix qui menaçait de la tuer alors qu'il pensait que je dormais juste à côté d'elle, me justifiai-je ensuite.

- Peu importe. Je m'en sortirai mieux sans les garçons dans mes pattes et sans toi à rôder dans les parages.

Sur ces fâcheuses paroles, elle se leva dignement puis descendit l'échelle avant de disparaître dans la nuit. Malheureusement pour elle, je ne comptais pas la laisser filer et diriger sa vie ici comme bon lui semblait. Jusque là, j'avais apprécié sa résistance due à son fort caractère et l'indépendance qu'elle semblait dégager. Mais je refusai de l'autoriser à me tenir tête et de se croire tout permis car même si l'idée lui déplaisait fortement, j'étais le seul maître de l'île et personne ne me dominerait. Par ailleurs, j'avais connaissance du lieu où elle se rendait. Alors, pour lui faire croire que je lui laissais la liberté de vivre sur mon île sans que je n'intervienne dans sa vie, je ne m'obstinai pas à marcher dans ses pas, mais préférai envoyer mon ombre la surveiller et exigeai un rapport détaillé à chaque fois qu'elle entreprenait la moindre activité, même anodine.

Peter Pan et la Fille PerdueWhere stories live. Discover now