Chapitre 2

2.1K 96 6
                                    

Sept jours plus tard, je revins au foyer des Darling pour emmener Jeanne avec moi. Quand j'arrivai, la chambre était illuminée par un grand lustre. Un sourire se scotcha sur mes lèvres quand je compris aussitôt que la fille ne dormait donc pas. J'étais alors certain de ne pas repartir seul. J'allais appeler Wendy, quand elle surgit de ce qui me sembla être un couloir. Elle avait l'air en colère, presque féroce. Au dessus de ses yeux qui me regardaient durement, ses sourcils froncés accentuaient le peu de rides qui dessinaient son visage.

-          Bonsoir, Wendy. Est-ce que tout va bien ? me souciai-je.

-          Figure-toi que non, ça ne va pas, rétorqua-t-elle fermement.

-          J'ai fait quelque chose de mal ? demandai-je sans supposer que c'était le cas.

-          En effet, oui. Ma fille n'est plus la même. Elle emploi un vocabulaire incorrect, tient parfois des propos obscènes pour son âge. Quand je la laisse sortir, elle est recouverte de boue et donne même des coups de pieds à son frère ! Et ce depuis une semaine.

-          Il est vrai que je l'ai incité à mal se comporter, admis-je.

-          Désolé, Peter, mais il ne vaut mieux pas qu'on se revoit. Je voulais te laisser une chance car je pensais que tu aurais changé mais il s'est passé trop de temps après notre aventure.

-          Enfin, Wendy, j'ai dix-sept ans et je vis dans un lieu où je peux faire ce que je veux. Qu'espérais-tu en me laissant ta fille ?

-          Je ne sais pas vraiment, en fait, avoua-t-elle en haussant les épaules. Je préfère qu'on en reste là.

La déception fut telle que je ressentis un poids sur le cœur. Je l'avais déjà perdu une fois et voilà qu'elle me repoussait à nouveau. Finalement, je m'étais contrarié moi-même.

-          Je reviendrai, promis-je.

Je vis qu'elle le prit comme une menace car aussitôt, elle recula d'un pas avant de vite refermer la fenêtre. Pourtant, je n'étais plus dangereux, je voulais simplement garder sa fille pour qu'une partie de Wendy reste avec moi, pour combler ce manque qui me rongeait depuis qu'elle avait quitté le Pays Imaginaire. Le cœur lourd, je repartis chez moi en tentant désespérément de l'oublier, en vain.

Pendant trop de temps je m'étais exercé à ne plus penser à elle, mais elle me hantait même la nuit et je n'avais rien pour me soulager de cette douleur constante qui me grignotait de l'intérieur. Je l'aimais tellement que j'en avais physiquement mal au cœur. Honteux de devoir demander de l'aide, je m'étais rendu au Campement des Indiens pour qu'ils me fournissent un antidote qui pourrait apaiser ma souffrance, mais ils m'avaient rétorqué qu'aucun ne guérissait un chagrin d'amour. Furieux, j'avais alors anéanti leur territoire en brûlant leurs tentes, détruisant leur totem, volant leur réserve de nourriture pour l'hiver. Et comme ils étaient démunis, j'avais invoqué une tempête de neige glaciale, tandis qu'ils ne pouvaient pas se réfugier au chaud.

Mais cette méchanceté ne m'avait soulagé que temporairement et c'est ainsi que le Pays Imaginaire fut plongé dans un hiver infernal, en proie au vent et à la glace qui avait recouvert la mer. Parfois, la douleur m'était tellement intolérable que le corps des habitants de cette île était congelé, je me retrouvais alors seul avec ma peine qui ne cessait de grandir. Plus l'affliction m'envahissait, plus mon âme était noire comme le ciel obscur recouvert de sombres nuages qui menaçaient en permanence le Pays Imaginaire d'une tempête mortelle qui exterminerait l'île entière si je ne me ressaisissais pas.

-          Peter, il faut que tu cesses tout ça ! me cria Will dans le vent.

Mais ses mots s'envolèrent loin de moi, ils n'eurent pas le temps de m'atteindre, je me fichais royalement de ce qui pourrait advenir de cette île, j'étais trop malheureux pour me préoccuper de son avenir ou même du mien.

Peter Pan et la Fille PerdueWhere stories live. Discover now