Les ascenseurs

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Les ascenseurs se trouvaient dans un grand couloir assez large. Les silhouettes s'y engouffraient au compte goutte. Ils paraissaient tous regarder quelque chose dans leurs mains, probablement le fameux classeur manquant à Félix. Il essaya de se souvenir ce que lui avait dit Coré "Ascenseur sept puis sélectionner le... moins onze ou moins douze ? Oui, le moins douze, c'était cela. Puis le guichet numéro trois." Le premier problème lui apparut très rapidement, dès qu'il fut à portée des deux premiers qui se faisaient approximativement face, car rien n'était vraiment symétrique dans ce couloir. Il n'y avait aucun numéro pour désigner les machines. À chacun était adjoint une petite pancarte, mais cette dernière présentait, non pas des chiffres, mais une sorte de glyphe, qui semblait être a priori un caractère d'un alphabet inconnu de Félix. Ou peut-être justement un nombre dans ce même langage.

Une des solutions eut été de demander à l'une des silhouettes, mais il se sentait tout bonnement incapable de leur parler. Non pas qu'il fut pris d'une soudaine timidité exacerbée, mais il s'en sentait physiquement incapable. Comme si quelque chose en lui était bloqué, cadenassé, comme si une entité l'avait pénétré pour le limiter. "Un contrôle coloscopique, tout ce qui me manquait !" pensa-t-il. Il chercha un autre moyen. Peut-être un employé, il avait pu facilement parler à Coré... enfin relativement facilement, mais c'était plus dû à sa logorrhée qu'à ce blocage énigmatique. Mais il n'y avait dans cet espace aucune personne non-floue et c'est bien la première fois que ce concept et que cette phrase lui passait par la tête. Il commençait doucement à s'habituer au fait que tout soit étrange et incongru.

Il choisit donc la dernière solution qui lui vint à l'esprit et qui lui paraissait la plus rationnelle : prendre le septième ascenseur le plus éloigné de l'endroit par lequel il arrivait. Cette solution était facilitée par le manque de symétrie de l'endroit. S'ils avaient été placés de façon "ordinaire", il aurait été bien embêté de choisir le bon puisqu'il se serait trouvé tantôt à gauche, tantôt à droite après les trois premières paires d'élévateurs. Ici, aucun problème pour compter de cette manière. Il y avait deux lifts plutôt quelconques sur la gauche, de ceux que l'on trouve dans les immeubles d'habitation, et trois sur la droite, dont un panoramique et un autre de type monte-charge, avant d'arriver, toujours sur la droite, à une petite cage avec une structure en bois comme il en existe dans les vieux immeubles cossus et un peu chics.

Il s'arrêta devant ce dernier et l'ouverture de la porte fut automatique, ce qui était plutôt étrange pour un appareil qui semblait si vieux, mais il n'était plus à cela près. Il y monta et les portes se refermèrent rapidement derrière lui. L'inspection du tableau de contrôle lui posa un nouveau problème. Le tableau de commandes était cette fois-ci tout à fait compréhensible avec de beaux chiffres,  "bien comme il connaissait, bien comme il savait lire", mais ces derniers s'étendaient de moins quatre à quinze. Pas de moins douze en vue. Il n'avait pas tiqué à l'idée qu'il y ait autant  d'étages en soubassement de cette surprenante bâtisse, mais il était plutôt catégorique sur le fait que cette dernière ne possédait pas quinze étages au-dessus du sol. Il n'y avait donc pas de niveau moins douze et encore moins de bouton pour commander l'ouverture des portes. Il avait bien pensé appuyer sur le zéro pour voir la porte se rouvrir, mais il n'était pas certain d'être monté au rez-de-chaussée et n'aurait pas su quoi faire ensuite, quel ascenseur prendre après cela. Dépité et à court d'idées, il sélectionna le numéro douze.

La porte s'ouvrit immédiatement. Il venait donc du douzième étage !? Pas du tout. Le décor était tout à fait différent. La scène qui se déroulait sous ses yeux était à la fois ridicule et effrayante. Sur ce qui avait l'air d'être un très long tapis de course, un homme était fixé par la taille et donc obligé de courir au rythme du mécanisme, à reculons. Face à lui, un énorme buffle qui affichait une expression terrifiante avançait et reculait à des allures variables et derrière eux un faux paysage peint sur une toile déroulait de droite à gauche. Si l'on observait la scène en occultant le tapis roulant, le buffle donnait l'impression de foncer vers l'homme, qui était contraint de courir à reculons, le rattrapant puis laissant un peu de distance avant de le rattraper à nouveau et de ralentir dès qu'il arrivait à portée, etc... La pièce, quant à elle, avait l'allure d'un laboratoire. Des instruments de mesures étaient connectés au coureur et filaient vers des machines que surveillait une personne en blouse blanche.

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