Quand j'ai vraiment compris *

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A Frank Giraud, avec tout mon amour



Me revoilà avec un texte autobiographique, sans filtre, sans fioriture, sans imagination. Juste une mémoire, un souvenir, un au revoir.

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Prenez soin de vous. Ce texte va parler de maladie, de cancer, de paraplégie, de deuil. Si vous le sentez pas, si ça vous met mal, passez votre chemin. Aucun mot ne vaut de faire resurgir des maux.

Douce soirée

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Ces images tournent en boucle dans ma tête. Un an et deux jours que tu es tombé. Je revois tout, j'entends tout. Les mots. Le silence aussi. Les cris me transpercent le cœur.

Je suis avec toi. Je me dis que probablement tu es en train de beaucoup prendre sur toi, pour ne rien dire, pour ne pas être en colère. Ton unique enfant qui t'emmène au toilette.. Je sais combien ça peut être violent pour toi. Alors j'essaie de prendre le maximum de distance. Te laisser le plus d'autonomie possible. C'est là que tu es tombe. C'est là que tu as crie, hurle. J'entends ta détresse. Et moi je te regarde avec toute mon impuissance. Quand tu nous hurle ne plus sentir tes pieds, ça confirme que je ne peux pas, je ne dois pas te toucher, te déplacer seul.e. Je risque d'aggraver les choses, d'aggraver ce que je viens de faire. Maman et Sophie arrivent vite et prennent le relais. On t'emmène au salon, pendant que les pompiers sont appelés. Le pompier, le samu.... comment savoir. Je deviens décisionnaire puisque j'ai les connaissances. Des connaissances que je déteste dont je ne veux plus, mais qui peut-être aujourd'hui peuvent nous servir. Mon self-control est nécessaire, maman perd pied. Les pompiers arrivent enfin. Ils restent longtemps et si calme. Comme moi. Je ne peux pas papillonner comme maman et ma tante. Je n'ai rien à faire. Rien n'est possible. Le court de la vie est là et nous ne pouvons que le suivre. Tu ancre ton regard dans le mien et j'ai attendu. Tu ne détourne pas les yeux. Nous sommes mutuellement une ancre à la réalité. Et beaucoup de chose se disent dans le silence.

Aujourd'hui je vois tout ça avec un œil extérieur. Sur le moment j'ai culpabilisé, j'aurais du faire différemment, j'aurais dû te tenir, t'empêcher de tomber...J'aurais dû, j'aurais pu... Mais cette culpabilité est vite partie parce que tout au fond de moi, je savais où l'histoire nous menait.

Tu es calme, impassible. Tu réponds calmement au début aux pompiers, tu t'énervent parce que ça ne va pas assez vite à ton goût. Mais tes yeux reviennent toujours dans les miens.

Sur le moment je n'ai pas compris. Je ne savais pas ce que ce moment représentait. J'y ai pas pensé. Pendant un an, j'ai évité d'y penser. Ce moment n'était rien. Et depuis deux jours, tout repasse en boucle. Dès que je ferme les yeux, dès que mon esprit n'est pas empli de mots ou d'émotions. Deux jours que je lis. Que je m'enferme dans ma bulle, j'essaie de la faire le plus hermétique possible. Chaque personne qui entre dans cette bulle est une opportunité pour ce souvenir. Et puis l'évidence ! C'était un au revoir. J'ai longtemps douté, j'ai longtemps pensé ce que tout le monde voulait bien de me faire croire. Mais toi et moi on sait. Toi et moi on s'est dit beaucoup de chose dans ce regard. Tu m'as dit tes doutes, tes peurs et je t'ai dit que ça allait aller. Que la fin était proche mais que c'était okay.


Le 10 août sera toujours marqué de cette abominable fatalité.



Au revoir Papa ! Je t'aime et ce pour toujours.

Exorciser ses émotionsWhere stories live. Discover now