Exorciser ses émotions

Une drôle de vie

Je suis là à regarder le plus grand de mes enfants construire sa vie pendant que moi je suis paralysée, obnubilée par la vie des autres.

Quelle amie a fait ça, quel pote célèbre telle réussite, quel cousin vient de mettre au monde son petit dernier.

Des années qu'on me dit de me laisser aller, de réaliser mes rêves, que je peux être qui je veux. Des années que je réponds que ce n'est pas le bon moment, que je suis chargée de famille, que je ne peux pas me le permettre. Des années que secrètement je fais des plans à court ou moyen terme mais qu'il y a toujours quelqu'un ou quelque chose qui met à mal mes projets. Sans le vouloir, sans le faire exprès.

J'ai fini par développer une rancune silencieuse... Une rancune contre moi-même. Je me déteste pour de bon.
Je me suis longtemps détestée pour des erreurs que je commettais à agir selon les désidératas de chaque proche qui estimaient avoir son mot à dire sur ma vie.
Aujourd'hui je me déteste pour être à l'automne de ma vie sans n'avoir réalisé aucun rêve. Avoir attendu le bon moment, les jours meilleurs, ils ne sont jamais arrivés.

Je n'ai jamais considéré qu'on doivent vivre par procuration en temps que parents. Nos enfants ne sont pas l'accomplissement de rêves inavoués, be peuvent réparer les erreurs de notre vie. Pourtant aujourd'hui, clouée dans ce lit... je vis au travers l'aîné de mes enfants. Je n'envie ni sa vie routinière, ni son travail insupportable à mon avis : professeur des écoles. Apprendre à la marmaille des autres à écrire, lire, coller, couper.... Très peu pour moi.
Mais la chair de ma chair a réussi là où je n'ai même jamais essayé. La prunelle de mes yeux réalise ses rêves.

Au crépuscule de ma vie c'est le seul réconfort qu'il me reste. Avoir donné suffisamment d'impulsion et de courage à mes enfants pour qu'il se réalise.

Si l'opportunité m'était donnée de tout recommencer, je ne changerais rien, juste pour être sûre qu'ils aient la même opportunité.

A mes enfants, pour qui j'ai dédié ma vie.