[Chapitre 1 - 2/4] L'endoctrinée

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Lorsque le soleil atteint son zénith, les cellules photovoltaïques que l'on m'a greffées fonctionnent à plein régime et je sais qu'il est l'heure. Légèrement mélancolique à l'idée d'abandonner l'Éden parfumé de ces jardins, je me lève et descends les majestueux escaliers qui mènent à l'arène. Là, j'affronterai un hérétique pour lui apprendre la puissance que Suurya lègue à ses serviteurs. Là, je l'obligerai à comprendre son erreur et, en signe de rédemption, à nous révéler des informations. Là, enfin, il vénèrera notre Déesse à tous avant de payer son hérésie de sa vie.

Les grilles s'ouvrent et les bottes de mon armure crissent contre le sable chaud. Avant d'avancer plus loin, j'arme dans ma main mon Vajra. La puissance que Suurya m'accorde, et qui déferle en moi, fait battre plus vite mon cœur et donc circuler plus rapidement mon sang. La chaleur émise par ma main augmente et alimente mon arme en énergie. Entre les griffes inférieures du Vajra, le champ de l'analyseur de spectre se déploie, prêt à anticiper chacun des mouvements de mon adversaire, lieutenant de l'incarnation du Mal. Entre chaque paire de griffes supérieures de mon arme, un laser mortel se tend.

Ainsi prête à défendre l'honneur de Suurya face à cet Apostat, je m'avance. Contrairement à la pécheresse de ce matin, il ne mérite pas une mort purificatrice. Lui qui a vécu dans l'opposition mourra dans un duel. Si nous lui laissons l'illusion d'une chance, il mourra après avoir avoué les informations qu'il nous doit. Suurya hait la torture et les exécutions. Toutefois je ferai durer avec plaisir l'agonie de cet hérétique jusqu'à ce qu'il nous révèle la cachette de Mathusalem, son chef et notre dernière cible. Pour que le combat garde un sens, l'Inquisition offre au condamné un moyen illusoire de défense, un couteau à peine plus long que le poing.

Les premiers coups sont échangés. Il est agile. Sa lame fuse et je n'évite que de justesse de sérieuses égratignures. Pourtant, je suis confiante. 3.1010 battements de césium avant chacune de ses frappes, l'analyseur de spectre émet un signal auditif qui raffermit ma concentration et communique par signaux optiques avec mon armure. Celle-ci me transmet alors une légère décharge électrique sur le muscle que je devrais actionner pour me défendre, le contractant ainsi pour moi. Aussitôt mon bras se lève et j'évite une sérieuse blessure.

Preste, il tente d'atteindre les points faibles de mon armure. Je ne lui en laisse pas l'occasion et réplique, blessant tout ce qui peut l'être. Rien ne m'empêche de charcuter ses chairs ou de verser son sang impie à chacun de mes coups. Ses frappes rencontrent toujours une résistance ou une parade. Pourtant, ma force ne durera pas éternellement, je dois me hâter. D'une dague courbée qu'il a camouflée dans les plis de sa bure expiatoire, il me porte un coup dans un défaut de mes épaulières. Je réprime un cri et réplique en emprisonnant son poignet. Sa mâchoire se brise sous mon poing.

Le combat s'éternise et le soleil redescend de son piédestal. L'odeur ferreuse du sang ne provient plus seulement des blessures de l'Apostat, qui refuse de répondre à mes questions.

« Ô Suurya, je T'en supplie, garde moi sous Ton Saint Regard ! »

Les impulsions électriques sur mon armure se multiplient et je m'épuise en esquives vaines. Mes doigts se resserrent de rage sur mon Vajra, lance qu'il ne semble pas craindre. Mourir ici, ainsi, serait insulter la Déesse sous Sa propre Lumière. Mon cœur se révolte à cette idée et, dans un sursaut, je saisis l'Apostat à la gorge pour le soulever du sol. Ses pieds battent dans le vide tandis qu'il cherche pitoyablement de l'air.

Les griffes de la couronne offensive du Vajra s'enfoncent lentement dans son plexus solaire. Je lui imprime une rotation dans le sens horaire. Son passage laisse les chairs de l'Apostat déchiquetées et brûlées par les lasers. Je ressens la satisfaction du devoir accompli.

Ténèbres et Silence [sous contrat d'édition]Where stories live. Discover now