Chapitre 3

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Je fis comprendre à Lilo que j'allais ouvrir et il me fit un vague mouvement de tête en signe d'approbation. Je me levai et me dirigeai vers la porte. Lilo ne possédant pas d'oeilleton, j'ouvris. Je fus bouche bée de voir Dérick devant moi.

Il me sourit et me demanda s'il pouvait entrer. Je lui répondis positivement ou du moins j'essayai. Il me dit qu'il avait quelque chose de très important à me dire.

- Voilà, commença-t-il, j'ai récemment appris que...

- Mais, mais, mais... bégayai-je, tu, tu, tu ne me connais pas ! Tu ne m'as jamais adressé la parole... Et là, tu débarques, comme une fleur chez Lilo - d'ailleurs comment tu sais que j'étais chez lui ?! - et tu me dis que tu as quelque chose à me dire ?

Il me sourit tristement, et tendit la main vers ma joue comme s'il voulait la caresser. Je reculai instinctivement et répondis prudemment :

- D'accord, je vais t'écouter, mais je te demanderai de parler devant Lilo.

Il me fit un signe de tête en faveur de ma requête, et nous nous dirigeâmes vers le salon.

- Alors c'était qui Maya ? demanda Lilo, toujours concentré sur la série.

- Retourne-toi et tu verras, répondis-je calmement.

Il fut encore plus troublé que moi de voir Dérick dans son salon. Il secoua la tête comme pour sortir d'un rêve, et demanda à celui-ci s'il voulait quelque chose à boire ; Dérick déclina poliment son offre.

- Vas-y poto, installe-toi sur celui que tu veux, reprit Lilo en désignant les nombreux fauteuils de la pièce.

Dérick s'installa sur le fauteuil qui était le plus proche de sa droite et de la porte d'entrée. J'étais restée debout depuis que je l'avais mené au salon, me demandant ce qu'il se passait. Lilo me tira de ma rêverie et me fit signe de m'asseoir face à Dérick.

- Comme je te l'ai dit, j'ai quelque chose d'important à te dire et j'ai besoin que tu m'écoutes sans m'interrompre. Tu pourras me poser toutes les questions que tu veux une fois que j'aurai fini, mais laisse-moi parler.

Je pris une grande inspiration et l'invitai à parler.

- Tout d'abord, je dois te parler de moi, commença-t-il posément. Comme tu le sais, je m'appelle Dérick Marco, ou du moins c'est ce que j'ai cru jusqu'à ce que j'apprenne récemment que j'ai été adopté. Mes parents avaient décidé de me le cacher jusqu'au jour de ma majorité. Mais le jour arrivé, ils n'ont pas pu me le dire. Ils appréhendaient ma réaction. Mais quand je suis allé chez ma tante un weekend, elle m'a plus ou moins... laisser entendre que maintenant que je savais que j'étais adopté, tout allait être plus simple. J'ai évidemment fait comme si je savais pour ne pas la mettre mal à l'aise, et une fois rentré chez mes parents, j'ai commencé à faire des recherches. Ma véritable mère est décédée il y a quelques années déjà, et était mariée à mon père. Mais il a été tué récemment lors d'un voyage d'affaires. C'était un personnage important, et je pense que je me serai bien entendu avec lui.

- Mais qu'est-ce-que ça à voir avec moi ?!

- Tu ne comprends pas ?

Dérick me regardait tristement. Je m'étais levée sans m'en rendre compte. Je le regardai sans comprendre, en me disant que même s'il était beau à croquer, il était peut-être complètement fou à lier.

- Tu n'es pas au courant pour ton père... me dit-il visiblement confus et mal à l'aise.

Je mis du temps à comprendre de quoi il parlait. Mon père était actuellement en voyage d'affaires. Il était parti il y a trois jours, mais son voyage devait durer une semaine, et il ne me contactait que rarement. Je fis rapidement le lien : toutes les pièces du puzzle se remettaient en place. Ce garçon, sur lequel j'avais craqué depuis deux mois, me disait non seulement que mon père était... mort, et qu'il était mon frère... ? Attendez là, quoi ??

Pourquoi mes parents ne m'en avaient pas parlé ? Et comment savait-il que mon père était mort ? Comment se faisait-il que personne ne m'ait contactée pour m'annoncer une nouvelle aussi importante ?!

- Quand j'ai appris qu'ils avaient eu une fille qui était dans le même établissement que moi, j'ai voulu la retrouver. Et j'ai continué mes recherches, continua-t-il sans me regarder. Je me suis dit qu'avec ta perte, tu ne serais pas restée seule chez toi, donc j'ai cherché à savoir de qui tu étais le plus proche, en demandant à certains camarades de classe, et j'ai appris que tu avais un ami d'enfance. C'est pour cela que je suis venu tapé à la porte de chez Lilo.

- Nan, mais tu te prends pour qui ? répliquai-je furieusement en me levant. Tu croyais quoi en venant ici ? Tu croyais que j'allais te dire : "Mais c'est merveilleux, mon père est décédé mais j'ai hérité d'un frère à la place. Merci !" ?! Tu crois vraiment que ça me fait plaisir de savoir ça ?

Je m'étais rapprochée de lui tout doucement. Dérick s'était lentement levé.

- Je suis désolée, dit-il sincèrement.

- Ouais, moi aussi je suis désolée, lui dis-je en lui envoyant mon poing sur la figure.

Il tomba au sol ne s'attendant pas à la force que je lui avais assenée. Il saignait du nez, mais ça ne me dérangeait pas. Je voulais qu'il souffre. Ce "connard" méritait plus qu'un poing... Je commençai à le frapper à terre. Je voyais son visage en sang et mes mains brûlaient tellement elles me faisaient mal. Il ne m'arrêtait pas ou du moins c'est ce que je croyais. Au loin, j'entendais "Arrête Maya, je ne veux pas te frapper !" et "Arrête, tu vas le tuer !" Mais mon père était mort... Et c'était ce garçon, que j'appréciais, qui me l'annonçait et je ne l'acceptai pas.

Lilo m'arrêta ou du moins, essaya de m'arrêter. Il appela les secours et peu après, nous nous rendîmes à l'hôpital.

Quelques heures plus tard, j'étais dans la salle d'attente, lorsqu'une infirmière intervint.

- Excusez-moi, l'un d'entre vous serait-il de la famille ? demanda-t-elle doucement.

- Malheureusement oui, répondis-je en soufflant.

- Suivez-moi, mademoiselle.

Je la suivis et elle continua sans s'arrêter.

- Il est vivant, mais très mal en point. La personne qui lui a fait ça l'a vraiment amoché...

- Je crois que c'était le but !

Elle me regarda avec horreur mais me dit tout de même d'entrer dans sa chambre d'hôpital, avec un visage interrogateur, comme si elle se demandait si elle était en train de faire une erreur.
Je lui souris hypocritement et elle s'en alla.

- Alors, ça va ? lui demandai-je sans attendre de réponse, une fois à l'intérieur.

Et c'est là que je vis ce que j'avais fait. Lorsque j'avais des accès de rage, ils étaient très... violents. Vous ne voudriez certainement pas croiser mon chemin. Moi-même j'avais peur de ce que je pouvais faire. J'avais blessé Lilo au moment où il avait essayé de m'arrêter. Et j'avais complètement défiguré Dérick.

Son visage était bandé de partout mais on voyait encore ses yeux, deux trous pour le laisser respirer par le nez, et sa bouche était affreusement violette.

- Comme une rose, me répondit-il péniblement.

Les larmes me montèrent aux yeux, je me retournai pour les essuyer.

- Je ne te poursuivrai pas en justice, dit-il posément, toujours difficilement.

- Manquerait plus que ça ! répondis-je en levant les bras au ciel. Et ne réponds pas, tu te fais du mal pour rien. Tu as voulu connaître ta famille. La voilà, en chair et en os. Mais c'est tout ce que tu auras. Quand tu seras remis sur pieds, éventuellement, ne me parle plus jamais. N'essaye pas de t'approcher de moi. N'essaye pas de me contacter. Je suis peut-être ta sœur, mais les liens du sang ne font pas tout. Alors oublie-moi.

Je sortis furieusement de sa chambre voulant ma sortie théâtrale, et je libérai enfin les larmes que j'avais retenues pendant ma tirade.

Sourires fragiles - En Pause -Where stories live. Discover now