TRENTE-QUATRE

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— Tyler... chuchoté-je, la gorge écorchée.

Il resserre son étreinte, n'exprimant que douleur.

— Est-ce que tu penses que tu aurais pu aimer Malia ?

Mes mots me blessent tellement qu'un sanglot me secoue. Mais je devais demander. Je dois savoir ce qui, au fond de lui, est aussi brisé.

— C'était déjà le cas, répond-il d'une voix à peine audible.

Un horrible frisson me parcourt, et je laisse cette fois des larmes couler sur mes joues. C'est injuste.

— Mais Malia n'a jamais existé, pas vrai ? souffle-t-il.

À cet instant, il relâche son emprise sur moi, et j'ai l'impression qu'avec ça, il abandonne aussi ses propres sentiments. Il fait un pas en arrière, me laissant seule sans son contact grisant. Le froid se réinstalle en moi avec brutalité.

Malia n'a jamais existé. Je ne sais même plus ce que cela signifie. Mais je résume le dernier regard que nous échangeons avec une simplicité déchirante. Il aimait une fille qui n'existait pas, j'aimais un garçon qui ne me connaissait pas.

Que vais-je faire de cette conclusion ? Que dois-je faire ?

Tyler est interpellé par Jason, dont je vois vaguement la silhouette. Ne cherchant pas à capter son dernier regard, je lève la tête vers le ciel. Les yeux fermés, je retrouve le noir insoutenable de mon esprit.

C'est en abandonnant l'idée d'une vie à leurs côtés que j'ai pu les remercier. C'est en acceptant mes erreurs et me promettant d'aller de l'avant que j'ai pu survivre. Je me tuais à petit feu en mentant, alors je sais que j'ai bien fait. Mais maintenant ? Dois-je encore leur parler, ou simplement partir ? Dois-je tout quitter, repartir à New York avec April ? Ou puis-je peut-être rattraper les choses ?

Lâchant un juron, je baisse les yeux. Je ne peux rien rattraper. Je n'ai plus rien à dire. Je ne pourrai jamais oublier Malia si je reste à leurs côtés. J'ai préparé tout ça, je ne dois pas douter alors que j'ai atteint le point de non-retour. Malia ne me manquera pas. Eux, oui. Mais j'ai répété ça des dizaines de fois dans ma tête. Continuer serait de la torture. Alors au fond, je sais quoi faire.

— Angie.

Je rouvre les yeux en sursautant. Je ne l'avais pas entendu arriver, mais Jason est devant moi. J'ai un mouvement de recul et le considère sans un mot, le cœur battant.

— Je te ramène chez toi, viens.

Je reste figée, n'essayant même pas de protester. Je le regarde et me sens trembloter. Mes épaules s'affaissent et je serre les paupières. La pluie qui s'abat sur nous me paraît se taire, le froid qui m'enveloppe se geler. À quoi bon lutter, de toute façon ? Où pourrais-je bien aller ?

Alors je hoche la tête avec lenteur, et soutiens le regard doux de Jason. Je pourrais lui en vouloir de ne pas m'avoir plus défendue face aux autres, mais je suis épuisée. Cela n'a plus d'importance, de toute façon.

Je le suis sans un mot jusqu'à la voiture de Connor, étonnée que ce dernier ait bien voulu la lui prêter.

En passant devant l'entrée, j'ai bien conscience de tous les regards qui me scrutent, mais je suis incapable de lever la tête et préfère entrer dans la voiture sans me retourner.

Le trajet me paraît interminable. Je reste accoudée à la vitre, regardant l'eau s'écouler dessus avec tristesse. L'orage me semble se calmer peu à peu, et l'aube qui pointe le bout de son nez me déprime plus qu'elle ne devrait. Savoir qu'un nouveau jour se lève me donne la nausée.

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