Chapitre 9 : Clisse

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Anisse retrouve avec plaisir « les appartements » qu'elle partage avec sa sœur. Ces derniers se résument à une grande pièce rectangulaire qui, quoi qu'éclairée par de hautes fenêtres, est bien indigne de leur rang. Deux grands lits disposés en L répondent à deux armoires en chêne massif. Celles-ci encadrent une cheminée ouvragée qui n'est plus que décorative depuis bien des années.

- Aide-moi à me défaire, ordonne gentiment Anisse à sa suivante en lançant sa coiffe sur son lit. Je transpire trop.

Corale défait les cordons de la lourde robe de velours de sa maîtresse. Tandis que la tension retombe, l'image de Coléass effleure esprit d'Anisse. Elle grimace. Le jeune homme, précieux, est d'une compagnie insupportable. Un prétentieux sans fondement. Un estomac sur patte. Telles sont les qualités dont elle le pare. Que Filéass le veuille marier à sa sœur la bouleverse. Heureusement Clisse, qui a du caractère, a tiré la conclusion qui s'imposait quand la rumeur était parvenue à leurs oreilles.

- Le Duc sait parfaitement que devant toute la cour je ne pourrais refuser. Je disparaîtrais donc avant !

- Mais il a organisé ce banquet pour ton anniversaire, Clisse !

- Tu crois vraiment qu'il tient à me fêter ?

Après s'être défaite de sa robe et de ses jupons, Anisse enfile un linge plus léger puis se dirige vers la cheminée. Elle hésite un temps en caressant une des briques apparentes de son manteau. Cela fait des mois qu'elle n'a plus osé franchir le pas. Y parviendra-t-elle aujourd'hui ?

La gorge serrée elle se décide à retirer la brique de ses doigts fins, découvrant un petit levier. Elle l'actionne sans plus réfléchir et aussitôt le fond de l'âtre pivote dans un grincement sourd. Elle s'immobilise après avoir effectué un quart de tour.

- Vous voulez vraiment y aller, lui demande Corale qui sait son angoisse des endroits clos et obscurs.

Cette dernière opine du chef.

- Si le Duc me fait mander, dis que j'ai une migraine, ajoute-t-elle en s'engouffrant dans l'ouverture. Je ne serai pas longue.

Elle prend son souffle comme si elle allait s'immerger dans un bain puis, sa respiration suspendue, avance. Quelques instants plus tard, la porte se ferme. Corale remet la brique à sa place. Dans le passage, Anisse attend quelques secondes que ses yeux s'habituent à la pénombre pour s'élancer. Elle expire longuement, inspire, sent son rythme cardiaque s'accélérer et frissonne. Elle déteste se trouver là. Elle exècre cette sensation d'emprisonnement que l'endroit lui procure. Et plus encore les rongeurs qu'on y peut rencontrer et sa raideur trahit sa peur.

Elle se concentre sur la fraîcheur qu'il y règne et, dès qu'elle peut différencier les parois du couloir lui-même, démarre. Une torche l'attend un peu plus loin. Celle qui aurait dû se trouver à l'entrée, Clisse l'a emportée. Après l'avoir récupérée, Anisse descend une volée de marches. Un lumignon reposant sur une pièce en fer forgé l'attend à ce premier palier. Des deux mains, elle le fait pivoter d'un quart de tour. Aussitôt un court pan de la paroi se déplace, dévoilant une lourde tenture. Les sons étouffés d'un combat qui se déroule non loin parviennent à ses oreilles. Elle récupère un bâton et se précipite ; Clisse a peut-être besoin d'aide ! Elle traverse en courant l'ancienne chambre de garde, ignorant les murs lépreux et les matelas de paille crevés qui puent le moisi, et déboule dans la salle d'entraînement attenante où elle se statufie. Le cri qui lui vient du cœur s'étouffe au fond de sa gorge. Face à elle, Wallass, le Capitaine de la garde ducale, abat son épée d'un ample mouvement sur sa pauvre sœur.

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⏰ Last updated: Jun 22, 2020 ⏰

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Le jugement de la FleurWhere stories live. Discover now