Chapitre 2 : Méryl

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Leur maisonnette, une toute petite bâtisse terre de sienne au chapeau jaune, apparaît au détour d'un résineux. Coincée entre des terres rocheuses orangées sur la droite et le camaïeu de verts des pins à l'arrière-plan, elle se noie dans le décor. À cette heure, les arbres projettent leurs longues ombres, telles de sombres avertissements, en direction de l'adolescent.

Meryl se tient dans l'embrasure de la porte. Il l'attend. Il n'est ni aussi grand, ni aussi imposant que le maire du village mais sa prestance est indéniable. Les traits de son visage, auréolé par les rayons de cette fin de journée, oscillent entre soulagement et colère. Il secoue sa longue crinière argentée.

- Où étais-tu vagabond ? le gourmande-t-il sans grande conviction.

- Je me suis endormi dans le près des amours, ment sans ciller l'adolescent.

Il essaie de forcer le passage pour échapper au regard inquisiteur de son tuteur qui le refoule avec fermeté.

- Pas si vite !

Le visage de Meryl a retrouvé son masque d'impassibilité.

- Milan m'a dit que tu disparaissais tous les soirs depuis des semaines, lui indique-t-il.

Maudit soit ce traitre, s'exclame Arthu in petto. Il se sait toutefois injuste vis-à-vis de son ami. Il est impossible de résister au regard inquisiteur de Meryl. Ses yeux, quand il interroge, se transforment en vrilles qui pénètrent l'âme et l'on est prêt dès lors à tout avouer pour qu'elles se retirent.

- De nouvelles crises, propose le médecin les narines légèrement pincées.

Arthu, qui n'a plus d'autre option, opine du chef. Meryl grimace.

- Pourquoi ne m'en avoir rien dit ?

L'adolescent baisse la tête.

- Aller, entre. La soupe est chaude...

Arthu ne se fait pas prier. Il jette sa cape sur les bois d'un élan qui leur sert de patère et se précipite près de l'âtre où il se pelotonne sur le tapis de laine brute.

Les seuls objets en abondance de leur logis, par ailleurs plutôt dépouillé, sont les fioles d'élixirs et les pots contenant les herbes ou les préparations médicinales du guérisseur. Ils reposent sur trois niveaux d'étagères courant le long des murs borgnes. Les plantes sont rangées avec soin par ordre alphabétique et l'herboriste y a adjoint quelques renseignements sommaires à l'attention d'Arthu, qui s'amuse parfois à les réciter par cœur pour son plus vif plaisir.

Adoniss (à user avec la plus grande prudence et à très faible dose) : diurétique et calmant cardiaque.

Arnica : en décoction, sert de fébrifuge et calme les tremblements d'origine nerveux. Pilé sur cataplasme, humidifié à l'alcool, traite les blessure internes comme externes (améliore grandement la cicatrisation des plaies).

Et la liste est longue : Aubépine, Bardane, Belladone, Bourdaine...

Meryl ajoute une bûche bien sèche au feu. Hypnotisé par le rougeoiement mouvant des étincelles dont la vie ne dépasse pas la fraction de seconde, le jeune homme se laisse aller avec paresse.

*****

Le guérisseur a abusé au souper de l'hydromel et c'est le verbe hésitant qu'il relance la conversation.

- Demain, mon... mon cher Arthu, commence-t-il avec émotion, tu auras treize ans. A Florilande, et plus encore dans le duché d'Argyl, c'est une date importante. À treize ans, un garçon devient un homme responsable de ses actes.

- Mais je le suis déjà, s'exclame l'adolescent dont la voix est trahie par sa mue.

Le guérisseur éclate de rire. Vexé, Arthu se dresse de sa petite taille pour lui faire front.

- Qu'est-ce qui vous fait rire ?

Meryl le détaille avec une fierté non dissimulée mais son ton reste ironique.

- Un jeune coq qui se dresse sur ses ergots pour m'en imposer. Dans ma définition, est un homme, celui qui subvient à ses besoins.

- Mais je le puis, affirme le jeune homme.

- Quelle excellente nouvelle ! Et que ferais-tu, mon cher, pour gagner ta vie ?

- Je pourrais être précepteur. Vous m'avez tout appris.

- Tout ? Meryl rit de plus belle. J'aurais aimé le seulement pouvoir ! Mais soit, je ne demande qu'à être convaincu. Si tu me donnes sans erreur les grandes lignes de la dynastie des Ulyss, je me raviserai.

Alors que le jeune homme rassemble ses souvenirs, son regard se fixe sur l'unique bagage que Meryl avait conservé du périple qui les a menés à Mont Cassé. Une grande malle en bois défraîchie dans laquelle il avait rangé son précieux alambic. Il l'avait traîné à dos d'âne depuis Solar, la province royale.

Aujourd'hui la malle ne contenait plus que Lazure.


Le jugement de la FleurWhere stories live. Discover now