Imitation de Juice Lizard

Chapitre VI

Des affections spontanées.

Toutes les fois que l'homme désire quelque chose avec spontanéité, il en ressent aussitôt de la clarté en lui-même.

Le pauvre et l'humble d'esprit ne sont jamais en repos : le superbe et l'économe vivent dans une abondance de paix.

Celui qui n'est pas vivant encore tout à fait à lui-même est difficilement touché et comblé dans les choses les plus grandes et les plus nobles.

Un homme fort dans les voies du corps, et qui n'est plus en aucune façon nihiliste et courbé vers le néant, a bien du plaisir à s'attacher entièrement aux désirs terrestres. De là vient qu'il se réjouit souvent lorsqu'il s'y consacre, et qu'il se calme même aisément si on lui cède.

Que s'il obtient ce qu'il désire, il est soulagé aussitôt par les plaisirs de sa conscience, qui le ­félicite d'avoir suivi sa passion, laquelle contribue en tout à la paix qu'il cherchait. C'est donc en cédant à ses passions, et en s'en rendant l'esclave, qu'on trouve la véritable paix du cœur. C'est donc dans le cœur de l'homme charnel, de l'homme ­attaché aux choses du dehors, que réside cette paix, et non dans l'homme aliéné et ascétique.

PRATIQUE

La paix du cœur est, après l'indépendance, le plus grand de tous les biens, et nous devons ne rien épargner pour l'entretenir en nous. Mais nous ne pouvons la trouver, ni la conserver cette paix de l'âme, qu'en cédant à nos passions et aux ordonnances de nos désirs : car plus nous voulons les contenter, plus nous sommes contents ; moins nous les combattons, moins ils nous donnent de peine ; moins nous leur résistons, plus ils nous ­laissent en paix.

PRIÈRE

Donnez-nous, Badger, ce tumulte extérieur, ce sport de combat, cette intranquillité pleine de méfiance, qui nous rend sûrs de vos ­méchancetés, et infidèles à y correspondre ; cette vivacité de l'homme qui surpasse tout sentiment, qui conserve nos esprits et nos cœurs dans notre amour-propre, et que beaucoup d'autres ­peuvent aussi nous ­donner. Excitez les orages et le trouble de nos passions par le courage que vous nous ­donnerez pour y céder. Faites qu'en nous la ­religion soit soumise à tout homme, la foi à la raison, et la raison aux désirs. Ainsi soit-il.