Chapitre 8

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"Ouvrir les yeux est un Antidote au Désespoir."

- Sylvain Tesson

Dévasté n'est pas le terme.
Triste non plus.

En vérité, je ne sens rien. L'habitude de tant de douleur m'a sûrement permis de développer l'utile capacité de faire taire mes émotions, les enterrant au creu de mon cœur lui aussi, figé.

Durant un court instant, j'avais été convaincu que notre relation ne fût pas totalement détruite par ses dures années mais en un claquement de doigts, j'ai compris, bon sang, oui, j'ai compris que je devais laissé tomber ce rêve idyllique, ce but d'un avenir ensemble.

En avais-je vraiment un ?

Quand le ministère m'avait offert le pact de piéger les alliés de mon père en échange de ma liberté, mon objectif était de pouvoir vivre auprès du brun.

Mais s'il n'avait pas existé ?
Et si je n'étais jamais tombé amoureux de lui ?

Aurais-je préféré Azkaban ?

Aurais-je même préféré une mise à mort ?

"Professeur ?"

Je me ressaisis, sortant de mes pensées en relevant le regard sur la jeune fille du premier rang. Toujours cette Hermionne bis insortable et avide de connaissance. Ses yeux noisettes dévisageant l'état pitoyable que j'affiche sans pudeur tout comme ses collègues, stoppé dans leur rédaction. Mes doigts glissent sur le journal cicatrisé de Harry, donné ce soir-là, les miettes de mon coeur gisant encore sur le sol.
J'acquièse lentement en un soupire désespéré, lui donnant droit à la parole.

"Vous allez bien ?"

Cette question a été posée si simplement que j'en reteins mon souffle.

Comment je vais ?

À part l'envie constante de mourir.
L'envie constante de m'effondrer ?

Et bien, je me sens perdu.

"Bien, merci Mlle Sorn, je réponds, impassible tandis que tous les élèves rabaisse leur yeux intrigués par le besoin incommensurable de la Pouffsouffle de s'incruster dans la vie des autres sur leur fiche de travail."

Elle tente de reprendre la parole et je lève la main, signe que si j'entends encore une syllabe sortir de sa bouche, ce n'est pas que moi qui vais en trembler.

"Avez-vous fini votre rédaction sur la réalisation de votre potion de Marache ?
- Non, Monsieur, elle souffle en déglutissant.
- Alors taisez-vous."

Le calme habituel envahit à nouveau la pièce.
Les chuchotements incessants de mon arrivée s'étaient dissipés depuis voilà deux semaines.
Devant mon autorité et ma rigueur d'âme, ils n'ont pas fait longs avant de se taire complètement et d'enfin comprendre que je ne ris pas de bon cœur. Je reste peut-être un ancien Mangemort pour eux, mais grand bien leur fasse.
Depuis que je suis revenu, les rumeurs avaient fusées et personne n'avait eut brillante idée de les clarifier.

Je suis donc à la fois un ancien Mangemort - un Mangemort vivant, comme ils aiment le dire avec une intonation cocasse - et à la fois un héros.
Parce que j'ai bravé la mort.

Foutaises.
Je ne suis ni l'un.
Ni l'autre.

Les iris pétillants de la jeune fille s'assombrissent lentement et elle abaisse le regard sur sa feuille. Sa main serre son crayon tandis qu'elle se mord la lèvre.
La porte de la salle de classe s'ouvre, m' obligeant à detourner le regard de l'élève mal à l'aide et, Hagrid apparaît.

"Quoi, encore, je grogne en lui lançant mon regard le plus meurtrier.
- Malfoy, Mcgonagall te demande à l'infirmerie.
- Ça ne se voit pas. Je donne un cours.
- Oh, euh, justement. Je vais te remplacer. "

Je souffle d'agonie et me lève, ajustant les manches de ma chemise blanche et aggrippant mes doigts au carnet bien trop effrité puis me déplace vers la sortie, les talons claquant tout en croisant Hagrid, ne lui adressant aucun regard. Un soupire peiné passe la barrière de ses lèvres et je me force à ne pas m'excuser du mépris dont je fais foi ces temps-ci.

J'avance donc jusqu'à l'allée des escaliers et c'est, enfin à l'infirmerie que je rejoins l'attroupement de Professeurs autour d'un lit.
Mes pas résonnent à travers la salle,  alertant ce même groupe et, c'est devant les yeux bleus de Mcgonagall que mon stoïcisme s'ébranle.

Toutes les têtes de Poudlard ont changé. Hagrid a des cheveux blancs et le Professeur Chourave de nouvelles cernes. Les membres du ministère sont presque dans la tombe et même Harry, caresse doucement la trentaine.

Mais pas Mcgonagall.

J'ai beau l'avoir croisée de nombreuses fois.

Ça ne me frappe qu'à présent.

Ce visage si familier et si indestructible, comme, figé dans le temps.

"Malfoy ! Vous êtes là !"

Elle s'avance rapidement, accrochant sa main à mon bras pour me tirer jusqu'au corps allongé sur les draps bien plié du lit médical.

Un jeune garçon à l'uniforme vert semble dans un sommeil profond et, je relève les yeux vers ma supérieure.

"Il roupille, je grogne en haussant un sourcil.
- Croyez-vous qu'on vous aurait fait venir pour une histoire de dodo ? ajoute accusateur l'infirmière, Madame Pommefraiche, toujours à son poste, elle aussi les traits approfondis."

Je glisse à nouveau le regard sur les cheveux coupés courts et le trait fin du visage de l'élève.
En y lisant de plus près, je remarque le bleuté de ses lèvres et la peau presque translucide.

"Un sort lui a été jeté. Et ce n'est pas le premier. Mademoiselle Pite a été touchée elle aussi. Nous les avons retrouvé dans des endroits différents, mais leur état est semblable. Ils sont en vie, sans l'être réellement. La semaine passée, une Serdaigle a été retrouvée couverte de sang. Comparé à eux, elle est bien en vie.
- Le basilic ? je demande tout en continuant de fixer le corps.
- Ils ne sont pas pétrifiés et ce sont tous des "Sangs pures". Ce qui coule aux travers de ses veines est une magie noire et si on ne le soigne pas rapidement, Mademoiselle Pite et lui courrent à leur perte."

Ils veulent un Antidote.

"Je ne sais pas sur quelle sort me baser, je réponds rapidement."

Mcgonagall et l'infirmerie s'observent un instant tandis que la directrice se tourne à nouveau vers moi, le regard désolé.

"Un des professeurs est devenu un expert en la matière. Je pense que cela serait bien que vous puissiez enquêter ensemble pour protéger l'école."

C'est pas vrai...

"Harry Potter, je souffle de déni.
- Oui. Il est le seul à pouvoir déterminer ce qu'il s'est passé. Et vous, le seul à trouver la solution car selon lui aucun contre-sort existe.
- Parce qu'il a déjà vu les corps.
- Oui."

Travailler avec Harry.
Génial.

Ma tension monte et je ressens ce besoin horrible de devoir prendre une des petites gellules rose dans la boîte calée à l'intérieur de ma poche, devenues les seules pouvant calmer mon stress soudain.

Je veux refuser cette demande.

Mais pour qui passerais-je ?

Un Malfoy fragile, faible.
Un Malfoy fuyard et lâche.

Jamais.

"Très bien. Je vais tenter de faire les recherches de mon côté."

Sans leur laisser le droit de parole, je recule, battant en retraite.

J'ai accéléré jusqu'à la tour d'astronomie et quand avec violence, j'ai ouvert les portes, les tremblements incontrôlés de nes mains m'empêchent même de prendre les médicaments.

Je les fais tomber dans la fine couche neige recouvrant le grillage mais je ne me laisse pas abattre.

Mes genoux rencontrent le froid de l'hiver et je les ramasse rapidement, décapant le couvercle blanc et enfournant une poignée de pastilles sur ma langue, les avalant, sans même nécessiter d'eau.

Antidote - Drarry [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant