— On a pensé à tout, l'appuya Chris. J'y ai personnellement veillé. En fait, le tuyau est plutôt étroit aux niveaux des appartements, et comme tu l'as si bien dit, Megan, il est impossible de s'y glisser. Par contre, à chaque étage, dans le couloir principal, ce tuyau s'élargit considérablement, et une simple grille en bloque l'accès.

— Vous avez trouvé tout ça juste en regardant des plans ? s'étonna la jeune fille brune.

Elle avait elle-même passée une nuit entière à les lire et relire, et jamais elle n'avait remarqué ces tuyaux.

— On a mit pas mal de temps avant de se rendre compte de l'épaisseur particulièrement grande des murs, j'avoue, concéda Jayden. Mais le résultat valait largement l'insomnie d'hier soir, non ?

— Oui, bien sûr.

Tandis qu'un silence pesant s'installait, les pensées d'Eva entrèrent en ébullition. Elle tentait d'analyser chaque détails de cette idée, d'imaginer tous les problèmes auxquels ils pourraient faire face : comment passer par ce tuyau en pleine journée, lorsque les couloirs gruilleraient de monde ? Comment sortir de ces derniers, s'ils aboutissaient plusieurs dizaines de mètres au dessus du sol ? Que faire si...

Une main se posa lourdement sur son épaule, la faisant sursauter violemment. Elle tourna vivement la tête vers la personne responsable de cette frayeure, et ses yeux rencontrèrent des iris vertes vivent.

— Tout va bien se passer,Ev', lui sourit Chris d'une voix apaisante. Comme je l'ai dit, j'ai veillé à tout. Fais-moi confiance.

— Tu as dit il y a même pas cinq minutes que ce plan n'était pas infaillible.

Le sourire de son ami s'effaça un bref, instant, avant de revenir illuminer son visage, rallumant l'étincelle dans ses yeux.

— Détends-toi. Ça va être drôle.

La jeune fille lui lança un regard perplexe. Il était vraiment difficile à cerner, voir bipolaire. Ou peut-être était-il tout simplement fou ?

— Assez parlé ! s'exclama à nouveau Megan en sautillant presque sur place. Vous allez évitez cette question à jamais où quoi ? Quand est-ce qu'on part ?


—•—•—•—•—•—


Un souffle glacé s'échappa des lèvres d'Eva, bien que son esprit semblait littéralement prêt à bouillir sous son crâne. Elle se força à rester immobile, malgré l'envie de se ronger les ongles jusqu'au sang : le moindre mouvement la trahirait, elle en avait bien conscience.

Tapie entre les longues tiges de blés qui couvraient toute la partie nord de la Serre, elle attendait. Elle attendait que les couloirs se désertent, que le ciel blanc s'éteigne, que l'heure du départ sonne enfin. En vérité, elle avait déjà résonné pour Eva, depuis qu'elle avait quitté la salle de sport, presque une heure auparavant. Depuis qu'elle avait assuré à ses parents qu'elle passait la nuit chez Megan, qu'elle n'avait plus le temps de voir beaucoup ces dernières semaines, avec tout le travail qu'elle avait à faire pour l'école.

Sa mère lui avait sourit, et la jeune fille avait sentit sa gorge se nouer douloureusement dans sa poitrine. Les larmes lui étaient montées aux yeux, et elle avait eu bien du mal à les dissimuler à ses parents. Elle n'avait pas réaliser que partir de la Ville signifiait abandonner sa famille. Eva n'avait pas eu le courage d'écrire un mot d'adieu, ou même d'excuse. De toute manière, il valait mieux ne rien dire quand à la raison de leur départ.

Chris et Jayden ne mentaient pas lorsqu'ils avaient dit avoir pensé à tout. Ils avaient calculé que si ils quittaient la Ville le plus vite possible juste après que le ciel se soit éteint, ils bénéfiraient de toute la nuit pour fuir, puisque personne ne remarquerait leur absence avant le matin, voir même avant le soir d'après. En effet, s'ils prétendaient chacun dormir chez un autre, leur départ ne serait remarqué que lorsqu'ils ne renteraient pas chez eux, après l'heure de sport. Ils seraient alors déjà bien loin — du moins Eva l'espérait.

Elle entendait le souffle étouffé de Megan, cachée à quelques mètres d'elle, dans la même position : couchée, mais les muscles tendus, prêt à réagir au moindre mouvement, et à s'enfuir. Le stress faisait s'emballer le cœur de la jeune brune, et elle sentait une sueur épaisse apparaitre sur ses tempes, bien que la température ambiante soit agréable. Elle et sa meilleure amie étaient seules, seules au milieu de l'immensité qu'était la Serre, silencieuses dans le silence, tremblantes dans le calme des cultures. Deux ombres parmi les ombres, dans un royaume de gens sans visage.

La jeune fille ne sentait plus les tiges s'enfoncer dans sa peau. Elle avait perdu toutes sensations depuis de longues minutes, et seule la chaleur et le souffle de Megan la rattachait encore à la réalité. En silence, elle se mit à compter.

Six cent-trente-trois secondes s'écoulèrent avant que le ciel ne s'assombrisse. Huit-cent autres avaient passés lorsqu'une lumière, à travers la baie vitrée, s'illumina, comprimant par la même action le cœur d'Eva.

— Il est temps, souffla la voix de Megan, rendue enrouée par le long silence qui avait précédé la phrase.

La jeune brune acquiesça d'un discret mouvement de la tête, et les deux jeunes filles se mirent en mouvement. Le plus silencieusement possible, elles se redressèrent, grimaçant lorsque les tiges trop longtemps écrasées bruissèrent. Puis, sans échanger une parole, elles se faufilèrent telles deux ombres vers le mur le plus proche. Eva parcouru les deux-cents mètres qui la séparaient de la baie vitrée dans un état de détresse, consciente d'être à découverte, et trop paniquée pour oser imaginer ce qui lui arriverait si quelqu'un la remarquait. Bien sûr, personne n'était censée circuler dans la Ville à cette heure tardive, mais Eva avait déjà été surprise une fois. Une seconde n'était pas nécessaire.

Enfin, elle se plaqua contre le verre, la respiration sifflante, le cœur battant la chamade dans sa poitrine, et résonnant tel un marteau dans ses tempes. La jeune fille reprit vivement son souffle, avant de jeter un regard vers la lumière, qui, après s'être éteinte durant quelques secondes, s'illumina de nouveau. Sans quitter le contact de la paroie de verre, Eva se dirigea du pas le plus discret possible vers la grande ouverture qui perçait le mur, vers un accès direct aux escaliers. Elle se laissa glisser par la porte, et s'affaissa.

— Ev', t'arrêtes pas, lui ordonna la voix de sa meilleure amie.

Elle lui paraissait lointaine, comme étouffée. Peut-être les coups de son cœur, qui rytmaient sa course, la rendait-elle sourde. La fuyarde ne prie pas le temps d'y réfléchir davantage. À la suite de Megan, elle escalada les quelques marches qui la séparaient du premier étage, où elle ne tarda pas à s'engouffrer. C'est à ce moment là qu'elle entra en collision avec une matière molle.



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Soo...Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? —>

L'action arrive enfin ! Je sais que 15 chapitres d'introduction c'est long, même s'ils sont courts... Je me suis mal débrouillée. Surtout qu'on arrive déjà à la moitié du tome 1. Enfin presque.

En tout cas, j'ai vraiment aimé l'écrire : après avoir bloqué pendant 30 ans sur le chapitre 16, celui là s'est fait tout seul et l'impression était assez bizarre. Je saurais pas mieux l'expliquer.

J'ai des questions pour vous :

- Vous préférez les chapitres avec ou sans titre ?

- Vous pensez quoi de l'histoire pour l'instant ? 

- Le planning des chapitres vous convient ? (un chapitre par semaine)

- et rien à voir : si je devais écrire un autre livre, vous préférerez de la fantasy ou un roman pour adolescent avec un brin de romance ? (ne me dites pas : "comme tu veux")


Un énooooorme merci à tous ceux qui commentent et votes, je vous nèm beaucoup trop


-Candesia


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Je sais pas si pinterest compte comme un réseau, mais j'ai commencé à faire des boards et j'ai même posté quelques trucs, si ça vous intéresse ;)

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⏰ Last updated: Jun 13, 2020 ⏰

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Memoriae - Tome 1 : No man's landWhere stories live. Discover now