Le Goût Des Couleurs

𝑃𝑜𝑢𝑟 𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑜𝑛 𝑎𝑢𝑟𝑎 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑒́𝑐𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒, 𝑝𝑒𝑖𝑔𝑛𝑒𝑧 𝑙𝑎 𝑣𝑖𝑒 𝑎𝑢𝑥 𝑐𝑜𝑢𝑙𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑒 𝑙'𝑎𝑚𝑜𝑢𝑟 - 𝑀𝑀

    Romain s'est arrêté. J'ai l'impression que ça fait des heures que je lui ai posé la question. C'est quoi le vent ? Il est peut-être parti ? Je l'ai énervé avec mes questions ? Je l'ai perdu dans les couleurs ? Les larmes coulent sur mes joues quand je redemande ce qu'est le vent. Je n'aurai probablement aucune réponse, je dois être en train de poser cette question au mur.

Des bras m'entourent. Des bras oranges. Des bras doux. Romain n'est pas parti.

J'écrase ma joue contre son t-shirt rouge. Il sent la rose.

Mon cerveau tourne à toute allure. Le vent est rouge, le rouge est rose et le rose est mer. La mer est bleue, le bleu est yeux.

Comment je peux m'y retrouver ? Je suis piégée dans ma cécité.

-         Je suis toujours là, Pernelle. Je ne sais pas ce qu'est le vent mais j'aime bien quand il est rouge, me murmure Romain dans l'oreille.

Ses mots caressent mes tympans. Sa main glisse tendrement sur mes cheveux et une idée me percute.

Le verre est à moitié plein. J'ai quatre sens. L'ouïe, le toucher, l'odorat et le goût.

-         Romain.

-         Oui ?

-         Je veux connaître le goût des couleurs.

J'ai parlé tout bas, j'ai soufflé mon souhait à son rouge couleur t-shirt, il ne m'a peut-être pas entendue. Alors j'attends ; j'attends comme toujours d'avoir une réponse, qu'on me guide.

Ses doux bras oranges se desserrent autour de moi. Romain s'en va.

Il me pousse doucement de ses genoux. Mes larmes refont surface. Je suis absurde, trop détachée de la réalité pour lui. Alors que je crois qu'il va m'abandonner dans le rien, que je n'aurais plus de repères sans lui, que je ne pourrais plus me guider au son de sa voix, il m'attrape par le poignet et me fait se lever.

Mes pieds s'emmêlent, je manque de tomber mais Romain me retient.

-         Je vais te faire goûter les couleurs, Pernelle. Tu es prête ?

J'hoche vigoureusement la tête. Je me sens basculer, Romain a glissé son bras sous mes genoux et me porte à travers la maison. Je suis excitée, je vais enfin pouvoir reconnaître les couleurs, leur senteur, leur saveur.

Romain me fais asseoir sur un tabouret.

-         Où sommes-nous ?

-         Dans mon atelier, me répond Romain.

-         Ton atelier ?

Romain est peintre ?

-         Oui, c'est là que je passe le temps quand je ne suis pas avec toi.

-         Tu peins ?

-         Oui.

-         Quoi ?

-         Toi.

-         Et je ressemble à quoi ?

-         Tu es multicolore. Je vais te faire goûter le goût de tes yeux, Pernelle.

Romain est peintre. Il me peint. Je suis multicolore. Toutes ces pensées s'envolent lorsqu'un toucher humide me caresse les lèvres.

-         Qu'est-ce que c'est ? je chuchote.

-         Un pinceau. Il est bleu.

Romain fait courir la couleur sur l'arrondi de ma bouche, c'est agréable. La fraîcheur de la peinture s'imprègne sur ma peau. Le pinceau quitte mes lèvres et j'attends impatiemment son prochain assaut.