CHAPITRE 9 - Colère maternelle

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"So can we pretend that I'm 22 today?
Dancin' on the tables with you, oh yeah
Can we pretend that we all end up okay?
I just wanna forget with you, oh yeah"

- Can we pretend, Pink


Nous terminons de manger dans un silence presque religieux, interrompu par quelques tintements de vaisselle. Je ne sais réellement pas quoi penser de la situation. Il ne m'a pas fait savoir s'il est heureux que je l'aie retrouvé ou si je l'embête, lui qui semble être habitué à vivre seul. Je ne veux pas être un poids pour lui et commence à me demander si je ne ferais pas mieux d'aller dans un hôtel le temps que les choses se tassent.

— Je te remercie de ton hospitalité, Milo, dis-je d'un ton un peu trop formel. Est-ce qu'il y a un endroit à Montepulciano où je pourrais dormir ?

Le nez jusqu'à présent plongé dans son bol de pâtes, il relève la tête et me regarde étrangement.

— Ne fais pas l'idiote. J'ai une chambre d'amis.

Direct et efficace. Plus nous échangeons, plus je me rends compte que c'est un homme totalement différent. Sa joie de vivre semble être en cavale après avoir kidnappé son sourire. Ne suis-je pas idiote de penser qu'il peut à nouveau se passer quelque chose entre nous ?

Sans me laisser le temps de réfléchir plus intensément à ma présence ici, Milo se lève, met nos deux bols vides dans l'évier et m'enjoint de le suivre d'un geste. Il était beaucoup plus bavard avant. Je le suis et le laisse m'entraîner dans un couloir peu éclairé. Il ouvre une porte et me laisse entrer dans ce qui semble être ma nouvelle chambre, composée d'un lit double, d'une commode et d'un petit bureau, tous faits d'un bois clair très apaisant. C'est simple et j'en ai besoin en ce moment.

— C'est parfait, merci. Je vais juste aller récupérer ma valise dans ma voiture et je te laisserai tranquille.

Il se tient dans l'embrasure de la porte et semble m'analyser. Il tend subitement la main vers moi avec une expression indéchiffrable sur le visage.

— Donne-moi tes clés, je m'en charge.

Il a changé mais il est toujours aussi galant. Je lui adresse un petit sourire et laisse tomber les clés de la voiture dans sa grande paume ouverte. Il fait alors demi-tour et me laisse un instant seule dans cette chambre. Sa sortie s'accompagne d'un long soupir de ma part. L'atmosphère n'est plus glaciale entre nous, elle est juste... étrange. Les larmes commencent à me monter aux yeux en réalisant que ces retrouvailles ne se sont vraiment pas déroulées comme je l'espérais. Bien sûr, cela aurait pu être pire. Il ne m'a pas mise à la porte, m'a préparé à manger et m'offre maintenant le logis. Pourtant, alors que je pensais retrouver l'homme de ma vie, j'ai l'impression de faire face à un inconnu.

Je tente de réguler au mieux ma respiration, ne voulant pas qu'il me voit dans cet état-là. Il ne manquerait plus que je le fasse culpabiliser alors qu'il n'a rien demandé de tout ça... Je l'entends marcher lourdement dans le couloir et m'essuie rapidement une petite larme qui s'est échappée au dernier moment.

Ses billes chocolatées me sondent immédiatement. J'ai l'impression qu'il décèle mon trouble et je sens son corps se détendre légèrement. Il fait rentrer la valise dans ma chambre et la met à plat sur le sol, prête à être ouverte. Ses gestes sont beaucoup plus doux, comme s'il souhaitait me rassurer ou m'apaiser.

— Tu peux utiliser la commode, elle est vide. Il y a des draps propres dans le tiroir du bas, je peux t'aider à faire le lit, si tu veux.

Même si sa prévenance me touche, j'ai le besoin pressant de me retrouver seule afin de méditer sur la situation.

Un seul êtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant