CHAPITRE 8 - L'éclat de ses yeux

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"I don't know what love is
If I can't have you here
I don't know what love is
I think that it's just fear"

- I don't know what love is, Lady Gaga & Bradley Cooper


Florence, 17 février 2020

— Erin, c'est toi ?

L'écho de sa voix retentit dans ma cage thoracique, imitant les battements de mon cœur. Je ne réponds rien, n'arrive pas à me concentrer sur autre chose que son visage. Illuminés par le flash de mon téléphone, ses traits me semblent comme marqués au fer. Des ombres se bousculent sur sa peau dorée et je ne parviens pas à distinguer l'éclat de ses yeux qui m'hypnotisaient à l'époque. Il me paraît différent et en même temps, j'ai l'impression d'avoir le même homme devant moi. Celui d'il y a dix ans.

— Erin ! s'exclame-t-il, exaspéré par mon mutisme.

Cette fois, sa voix me fait l'effet d'une claque. Je ressens son impatience et son incrédulité et ne sais quoi faire. L'air frais de cette nuit de février me brûle les joues et une sueur froide envahit mon dos. Il n'a pas l'air très heureux de me voir.

— Oui... Oui, c'est moi, dis-je en me raclant la gorge.

Abasourdie par la banalité de nos retrouvailles, je laisse retomber mon bras le long de mon corps, le flash n'éclairant plus que les graviers. Nous nous faisons face dans l'obscurité sans rien dire. Est-ce mentir que de dire que je ne m'attendais pas du tout à ça ? La déception m'envahit instantanément alors que nous n'avons échangé que deux mots. Qu'est-ce que j'espérais au juste ? Retrouver le jeune étudiant sexy de vingt-et-un ans qui m'avait fait vivre la plus belle année de ma vie avant de me briser le cœur sur un malentendu ? Non, bien sûr que non. Je ne suis pas non plus celle qu'il a rencontré il y a dix ans.

Un puissant frisson me parcourt le corps et je lâche un petit gémissement qu'il distingue parfaitement.

— Suis-moi, me lance-t-il.

Je vois sa silhouette s'éloigner de moi et se diriger vers la grande maison. Je le suis, désireuse d'entrer dans un endroit chaud, l'ambiance glaciale entre nous faisant baisser la température ressentie en-dessous de zéro.

Après avoir bataillé avec ses clés, il parvient enfin à ouvrir sa porte d'entrée et allume la lumière. Je m'engouffre à sa suite et me frictionne les bras pour éliminer ce froid. Nous sommes directement dans une immense pièce de vie. Je l'observe ôter sa grosse polaire, découvrant un dos musclé emprisonné dans un tee-shirt noir. J'enlève mes chaussures, imitant ses faits et gestes et m'avance doucement dans cette maison inconnue. Un seul coup d'œil me permet de voir que c'est un très bel endroit. 

Une cheminée crépite doucement sur la droite de la pièce et m'appelle à la rejoindre. Devant ce puit de lumière, des canapés et fauteuils sont disposés, créant un petit salon à l'allure très confortable. Une haute bibliothèque est plaquée contre un mur de pierres anciennes et fait face à une grande table de salle à manger, juste à côté des canapés. Dans le côté gauche de la salle, il y a une grande cuisine ouverte, visiblement remise à neuf il y a peu. La décoration subtile et simple crée une vraie sensation de réconfort. Je ne peux m'empêcher de me demander s'il vit seul ici. J'aperçois une unique tasse abandonnée sur la table basse, quelques paires de chaussures de la même taille, des vestes presque toutes identiques... Tous ces éléments me laissent penser qu'il n'y a personne d'autre ici que Milo.

— Viens te réchauffer, me dit-il.

Il attise les flammes endormies du feu, accroupi devant la cheminée. Je m'approche sur la pointe des pieds, mal à l'aise. J'attrape un petit pouf qui attendait sagement près de la table basse et m'assois juste à côté de lui. J'avance mes mains et lâche un soupir de contentement tandis que la chaleur revient peu à peu dans mon corps. Je pose mes yeux sur lui et ne peux qu'admirer son visage léché par les flammes désormais dansantes. Ses traits me paraissent beaucoup plus doux que tout à l'heure mais j'aperçois quelques rides apparues avec l'âge, et sûrement le stress. Il a coupé ses cheveux plus courts et je constate avec déception que ses mèches rebelles ne viennent plus jouer sur son front. Ses joues sont maintenant habitées par une barbe assez fournie mais qui reste relativement courte. Il se tourne alors enfin vers moi et m'accroche de ses prunelles. Je sursaute. C'est son regard qui a le plus changé. Ce sont toujours deux billes chocolatées qui me fixent, mais elles ont noirci. Avant qu'il ne reporte son attention sur le feu, j'y décèle une certaine tristesse que je n'avais jamais vu chez lui auparavant.

Un seul êtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant