CHAPITRE 5 - Livia

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"You can't stop the girl from going
You can't stop the world from knowing
The truth will set you free, oh
You can't stop the girl from going
You can't stop the world from knowing
The truth will set you free, oh"

- You can't stop the girl, Bebe Rexha


Florence, 16 février 2020

Après avoir difficilement bu mon ristretto, j'ai erré pendant des heures dans la ville, reconnaissant un à un les endroits où Milo et moi avions l'habitude de venir. La nostalgie me serrait les tripes encore plus fort que la peur que j'éprouvais à l'idée de le revoir.

À midi, j'ai mangé une part de pizza napolitaine assise sur les marches en bas de l'immeuble où Milo vivait quand il m'a envoyé la lettre. Était-il à l'intérieur  ? Je suis restée une heure, espérant le voir apparaître devant mes yeux. Me trouvant ridicule, je suis rentrée à l'hôtel.

J'ai fait les cents pas toute l'après-midi. J'ai même un peu pleuré. Vers dix-huit heures, je me suis décidée à y aller. J'ai enfilé une robe moulante et des bottines après une longue hésitation. Il vaut mieux qu'il me voit sous mon meilleur jour !

Pourtant, la motivation m'a rapidement quittée et je me tiens debout devant le miroir de la chambre d'hôtel depuis trois-quarts d'heures. Le reflet qu'il me renvoie ne me plaît pas du tout. J'ai la photo de nous deux dans le champ de tournesols en tête. J'étais si jolie, si fraiche, si... jeune. Cela fait dix ans qu'il ne m'a pas vu. Et en dix ans, on change beaucoup... J'ai beaucoup changé.

Sur ce polaroïd, j'avais les cheveux longs et ondulés, aussi blonds que le blé. Milo s'amusait souvent à me dire que j'avais des cheveux de princesse, et en y repensant, c'était vrai. J'avais un regard perçant, les yeux verts et malicieux, une bouche rosée et des pommettes arrondies. Et dire qu'à cette époque, je me trouvais hideuse. Il est toujours marrant de remarquer qu'on ne se plaît presque jamais. Pourtant, Milo me répétait tout le temps que j'étais magnifique. Je me disais que c'était pour me séduire.

Je ne devrais pas me comparer à ce cliché d'il y a dix ans, mais je ne peux pas m'en empêcher. Devant ce miroir, je remarque tout ce qui a changé depuis mes vingt ans. J'ai coupé mes cheveux en carré court il y a cinq ans maintenant et je n'ai pas changé de coiffure depuis. Je passe une main dedans, cherchant les beaux reflets que j'avais auparavant mais ils me paraissent plus ternes que jamais. Ils sont encore chauds du fer à lisser que je viens d'utiliser. J'ai tendance à les vouloir raides pour je ne sais quelle raison mais je me rends compte que ça me donne un air beaucoup trop strict. Mon regard fatigué poursuit son analyse acharnée sur mes yeux et mes lèvres qui sont entourés de petites rides naissantes. Suis-je la seule à les remarquer ? Je mets un peu de poudre dorée sur mes paupières, tentant à tout prix de les masquer. Mes talents de maquilleuse ne ressortent pas vraiment ce soir et je remarque mes pommettes trop saillantes et la maigreur de mon visage qui me répugne soudainement. J'ai trop été obsédée par mon poids ces dernières années et au final, cela me vieillit encore plus.

Une larme coule le long de ma joue. Comment puis-je prétendre le séduire à nouveau ? Je cours dans la salle de bain et me mouille les cheveux, la tête au-dessus de la baignoire. Je les shampouine rapidement et les rince. J'attrape une serviette à l'aveugle et me frictionne le crane pour les essorer. Je me redresse et me plante devant le miroir. J'attrape le sèche-cheveux et fait voler mes mèches dans tous les sens. Après de longues minutes à me demander si c'était une bonne idée, j'observe enfin le résultat. Ma chevelure a toujours été souple et même courte, elle retombe en plusieurs mèches ondulées, redonnant vie à mon visage trop fin.

Un seul êtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant