#3 Téléphone

176 18 13
                                    

🌍🦉

Azazel remettait un peu d'ordre dans sa librairie. C'est une idée fausse que de penser que l'enfer était propice au désordre et au chaos. C'était même l'inverse, il n'y avait rien de plus bureaucratique et droit que l'enfer.

Le cercle de l'administration était même plutôt important parmi les cercles de l'enfer. Il était conduit par un ancien Archange, avec qui Azazel préférait échanger plus qu'avec tous les autres, et surtout plus qu'avec Gabriel.

Ce dernier se matérialisa sur le sol (ou plutôt, à travers de le sol... encore un tapis d'Orient ruiné) de la librairie. Il venait le prévenir que son rapport de productivité mensuel (dire que Raphaël se plaignait d'entretiens trimestriel...) était disponible à l'administration.

"Pourquoi ne pas me l'avoir apporté en main propre?
-Oh, il fallait que les petits démons d'Uriel le tamponne, le classe, le reclasse et le compulse, tu sais bien. Si je vais le réclamer comme d'habitude pour demander à le reclasser ensuite, j'aurais probablement à nouveau une ou deux désincorporation de désespoir sur les bras. Cela fera encore plus de paperasse et Uriel m'en voudra terriblement."

Cela signifiait que s'il y allait lui-même, le papier n'aurait pas à sortir du cercle et il n'y aurait pas (trop) de tracas administratif.

"Hum, j'irais demain, dans ce cas. Ou au moins dans la semaine.
-Merveilleux! Alors, comment vont les affaires?
-Oh, comme d'habitude. Quelques petites tentations en gourmandises au restaurant hier...
-Mais non, je ne parle pas de ça! ta librairie..."

Azazel du se retenir de regarder derrière lui pour voir s'il avait planqué tous les ouvrages pornographiques. L'autre avait vidé son stock une fois, prenant pour prétexte de vouloir faire un cadeau d'anniversaire à Métatron, mais il savait bien que c'était à lui et non pour le Maître des enfers que la lecture impie était destinée.

"Rien de bien nouveau pour l'instant, j'en ai peur."

🌍🐍

Raphaël s'approcha doucement du jeune couple qui se promenait main dans la main. Il venait de les bénir, mais maintenant, il se rendait compte de son erreur. Fichu Az', était-ce d'eux dont il parlait avec son maudit pari?

A n'en pas douter, il venait de consacrer l'amour d'une chasseuse de sorcier rigoriste et d'un sorcier hippie (et gigolo, à ce qu'il avait cru comprendre). Quel désastre.

Il sponsorisait l'armée de l'Inquisition depuis longtemps, histoire de garder un oeil dessus et vérifier qu'il ne ferait aucun drame moderne, du genre brûler des gens ou les plonger dans une mare aux canards. Il savait très bien que la fameuse armée n'était plus qu'une poignée de bigotes qui se donnaient des grands airs, et Tracy était la plus jeune.

D'un autre côté, il adorait l'esprit peace and love du jeune Shadwell, beaucoup plus en phase avec ses propres croyances. Cela rendait ses déboires d'autant plus tragique aux yeux de l'ange.

Après tout, peut-être que le pari d'Az' donnera naissance à un miracle plutôt qu'une catastrophe?

Tournant au coin de la rue St. Patrick, il s'éloigna des deux jeunes gens pour se diriger vers la librairie. Autant il adorait rouler avec sa Bentley, autant il lui préférait parfois une belle promenade, surtout dans les petites rues de Londres.

Une présence démoniaque lui glaça le sang lorsqu'il arriva devant la librairie. Dans le sens, une présence démoniaque inhabituelle. Il connaissait la présence d'Azazel, mais ça, c'était plus imposant et plus pénible.

Un coup d'œil à travers la vitrine lui confirma ses craintes: Gabriel prenait un thé (il tenait une tasse en tout cas, pas sûr qu'il souille son corps démoniaque avec de la matière désordonnée) assis confortablement dans un fauteuil...

Only YesterdayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant