"Pas mal, Iris, pas mal, répondit Marc, mis à part que notre rouquine préférée à raté le réveil ce matin, ajouta-t-il goguenard en me donnant un coup de coude,

- Oh bonne mère !s'exclama-t-elle,  Albane !? Et c'est comme ça qu'on est sérieuse à l'école ?

- Ah non Iris, pitié, la suppliais-je, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! Je n'ai jamais été en retard de toute ma scolarité à l'académie, j'ai bien le droit de manquer le réveil une fois dans ma vie sans pour autant qu'on en fasse un drame ...

- Ma pauvre mère serait encore de ce monde que tu entendrais parler du pays, ma petite... Si tu ne veux pas finir comme moi, échouée au fond d'un trou, tiens ton sérieux aussi raide que la langue des pendus et places tes leçons au dessus de tout ! professa Iris

- Je sais, je sais ..., soupirais-je, exaspéré d'entendre encore parler de cette histoire de réveil manqué."

Iris me considéra un instant d'un œil que je savais faussement sévère, puis secoua la tête et se mit en devoir de nourrir les affamés que nous étions, moi en tête car avec toute cette histoire, je n'avais pas pris le temps de petit déjeuner.

"Comme d'habitude pour tout le monde ? demanda-t-elle en repartant déjà vers sa cuisine."

Nous émîmes des grognements enjoués, sachant que nous allions au devant d'un festin qui avait la suprême élégance de se renouveler à chaque fois qu'ils venaient manger à la taverne. Ainsi était la cuisine d'Iris : inchangée sur le menu et chaque fois pourtant si différente dans l'assiette. Comme Cléo lui avait précisé, Marc mangea pour deux. Isaac, comme à son habitude, déjeuna de silence et de fruits sec, tandis que j'engloutissais mon assiette, débordantes d'une nourriture surnageant dans une sauce au beurre et aux épices.

"Eh ben mes loulous, vous allez ronfler comme des soufflets de forge cet après midi en classe !" rit Iris en nous voyant dévorer ce qu'elle avait mit tant de temps à préparer.

Nous ne tardâmes pas à nous mettre en route après cet intermède gourmand. Je pressais les autres de retourner en cours, je ne voulais pas arriver en retard à la classe de l'après midi. Dans une seule et même journée, ça aurait été le comble. Nous arrivâmes à l'entrée de l'académie un peu avant l'heure. Marc traînait les pieds, ce qui nous faisait perdre un temps considérable. Je le houspillais pour qu'il avance plus vite, tandis qu'Isaac suivait distraitement, ayant replongé dans ses manuels, décrétant que tant qu'il étudiait dans les livres ce que les professeurs étaient susceptibles d'aborder dans leurs leçons du jour, il n'était pas grave d'arriver en retard. Avec deux oiseaux pareils, je voyais mal comment je pourrais arriver à l'heure. 

"Dépêche toi, bon dieu de bon dieu ! m'énervais-je, tu vas nous mettre en retard !

- Je ne peux pas aller plus vite, si j'accélère l'allure, je vomis, se plaignit Marc"

Et joignant le geste à la parole, il fit mine de se plier en deux et de régurgiter le contenu de son estomac.

" Ah ça, c'est sur qu'avec tout ce que tu as avalé à midi, tu ne risques pas de courir un marathon !"

Il restait là, à faire l'andouille, se tenant le ventre comme un malade atteint de coliques. Prise d'un élan de colère envers cet abruti chronique et et le poteau encyclopédique qui restait planté derrière lui, je tournais vivement les talons et me mis en chemin pour ma salle de classe, espérant arriver à temps. Je passais l'énorme porte cloutée et me plongeais dans le dédale des couloirs de l'académie, remplis de monde et de chahut, me frayant un chemin jusqu'au quatrième étage de l'aile A, aile où se trouvait l'espace réservé aux étudiant en informatique de quatrième année. Je constatais, avec soulagement, que la porte de la salle de classe était grande ouverte, signe que le cours n'avait pas encore commencé. J'avais donc un peu de temps devant moi pour m'installer. Je filais droit au fond de la pièce, grande et toute pleine de colonnes, de voûtes et de plafond dont on ne voit pas la fin, toujours dans cet esprit gothique si cher à l'académie. Dallée au sol par de lourd carreaux de marbre noir veiné de blanc, de large ouverture au sommet en ogive laissaient filtré une lumière toute relative, étant donné que le verre d'une potentielle vitre avait été remplacé par un matériaux innovant qui pouvait, à volonté, être translucide ou bien opaque d'un simple touché. Ces vitres technologiques étaient ainsi gardées opaque la majorité du temps, les informaticiens n'aimant guère la lumière du jour lorsqu'ils travaillent. Au fin fond de la salle, je retrouvais mon espace de travail avec bonheur et soulagement. Situé juste à côté de celui de Cléo et juste derrière celui des deux zigotos que j'avais abandonné dehors, c'était comme mon second chez moi, ma véritable place dans ce monde. Si je n'étais pas particulièrement mal à l'aise dans le monde extérieur, c'était encore devant tout l'attirail technologique que je m'étais constitué au fil du temps que je me sentais le mieux.  Ici, chaque élève avait, à partir de la quatrième année, le droit d'installer comme il le souhaitait son poste de travail. Beaucoup des informaticiens de la formation, déjà peu à l'aise avec le matériel en temps normal, choisissaient de garder la configuration classique de début d'étude, à savoir une chaise droite et un bureau de bois, tout ce qu'il y avait de plus austère et inconfortable. Certains, plus dégourdis, s'autorisaient à travailler sur des bureaux inclinés, avec des chaises rotatives et des capteurs au bout de leurs mains afin de gagner en rapidité dans les différentes tâches que les disciplines leur imposaient. Et puis il y avait nous, le groupe de tête de la classe, Isaa, Cléo et moi. Un groupe dont Marc ne faisait pas parti, se rangeant dans la catégorie des chaises droites et des bureaux bancals, plus par fainéantise que par réel manque de capacités. Nous trois trouvions la solution aux exercices proposés tellement rapidement, que les devoirs à rendre l'étaient dans la demi heure qui suivait, grand maximum, nous laissant ainsi le délai d'une semaine entre chaque cours pour parfaire notre matériel et notre installation. Ainsi, mon petit monde se composait d'une sphère métallique qui possédait une ouverture sur son côté gauche par laquelle on pouvait entrer et ainsi se retrouver au cœur de mon installation. L'espace intérieur devait être de la taille d'une capsule spatiale, peu être un rien plus grand. C'est là dedans que je me glissais encore aujourd'hui. L'intérieur se composais d'un siège en velours, rouge comme on en trouvait dans les cinémas de l'Ancien Monde, incliné à cent vingt sept degrés très précisément, angle optimal pour éviter toutes tensions musculaires inutiles, et d'un ensemble de moniteurs, d'écrans à capteurs, de surfaces tactiles et d'interfaces holographiques qui ferait rougir les ingénieurs de ce qui s'appelait autrefois la NASA. C'était mon paradis, qui comptabilisait quatre claviers, huit moniteurs avec un affichage de haute qualité, deux interfaces holographiques, l'une pour les systèmes de sécurité, l'autre pour cartographié la région informatique dans laquelle je me trouve dans le réseau, afin de pouvoir bien dissimulé mes traces ensuite. Tout ce matériel avait été mis en place à grand renfort de patience, de temps et surtout de coups de mains de la part des meilleurs élèves de la section art mécaniques et technologiques de l'académie, qui parvenaient toujours à mettre la main sur des composants informatique de premier choix pour leur travaux pratiques, qu'ils nous échangeaient ensuite contre quelques services numériques, toujours de la broutille, même pour les moins dégourdis de la classe. C'est avec délice que je m'installais dans mon "chez moi". Je fermai l'accès à ma bulle, déclenchant ainsi le processus de vérification de l'identité, que j'avais automatisé afin de gagner en temps et en efficacité lorsque je commençais une session de travail.

"Veuillez placez votre oeil ouvert dans la zone paramétrée." Demanda une voix désincarnée et robotique, émanant de deux haut parleurs intégrés au plafond de ma sphère, une petite fantaisie que je m'étais accordée pendant mes temps libres, qui étaient nombreux ses derniers temps.

C'était une intelligence artificielle  que j'avais moi même programmé pour être mon bras droit, là encore pour gagner en efficacité dans mon travail, mais aussi pour des raisons de sécurité, les IA sont généralement in-soudoyables et toujours très strictes, qui que soit la personne qui se trouve en face d'elle. Afin de pouvoir me replonger dans toutes mes manipulations, j'exécutais l'ordre qui m'avait été donné en me soulevant légèrement de mon siège pour que mon œil se place dans un raie de lumière, un faisceau laser analysant ma pupille. En une demi seconde, le système avait comprit qui était en face de lui et allumait l'ensemble de mes écrans sur un fond légèrement gris et unis, hormis l'écran principal, au centre, qui affichait une fenêtre aux bords noirs, demandant de rentrer un mot de passe. Double sécurité, on ne sait jamais. J'entrais le mot de passe fait d'une suite complexe de caractères majuscules, minuscules, chiffres, symboles spéciaux et étranger avant de valider. Un petit tintement m'indiqua que le code renseigné était bien le bon et sur ma droite, une surface tactile s'alluma d'une douce lumière verdâtre.

"Veuillez procéder à l'authentification biométrique, demanda cette fois-ci l'IA"

Triple protection, on n'est jamais trop prudent. J'apposais ma main sur l'écran tactile qui analysa la surface de ma main, avant de me reconnaître définitivement comme la propriétaire de ce système informatique et de m'en donner l'accès total. Je voyais renaître les activités que j'avais laissé en plan la veille : éditeurs de codes informatiques, systèmes de sécurités piratés ou en cours de piratage, flux de données défilant à une vitesse folle, représentant la masse d'informations traitées par ma machine qui était, avec celle de Cléo, la plus puissante de toute l'académie. Les projecteurs holographiques affichaient leurs informations respectives en relief, les claviers associés aux différents moniteurs rétro-éclairaient  d'une douce lueur des touches parfaitement propre. Tout reprenait vie, et moi avec. Dans l'un des accoudoirs de mon siège se trouvait un gant semi rigide que j'enfilai. C'était l'accessoire qui me permettait d'agir sur les interfaces holographique d'un simple mouvement de doigt. Pour parachever l'ensemble de cet équipement, je mis à mon oreille une sorte de petit dispositif grand comme une clé USB de l'Ancien Monde, une oreillette qui me permettait, malgré mon isolement au sein de ma bulle, de garder le contact avec Cléo, Isaac et Marc, mais aussi, et c'était l'essentiel, avec mon professeur. C'est ainsi équipée que je me mis à travailler sur les failles des systèmes de sécurité de l'Ancien Monde en attendant que ne commence les cours de l'après-midi.

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⏰ Last updated: Apr 15, 2020 ⏰

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Santa KatrinaWhere stories live. Discover now