Chapitre 1

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Julien se laissa glisser du lit et se retrouva à genoux la tête posée sur le matelas. Il avait une gueule de bois monumentale, une envie de vomir sourde mais présente. Ses muscles lui faisaient un mal de chien. Il releva un sourcil puis l'oeil qui va avec. Le lit, lui aussi, avait connu une nuit de folie. Mona gisait au milieu, parmi une furie de draps froissés, sur le ventre, posée comme une étoile de mer sur la plage à marée basse, son adorable cul offert à la caresse. Julien y pensa, quelques instants, mais non, il avait tout donné ces dernières dix heures. Il était fourbu, harassé, cassé. A cet instant ces priorités étaient: une double dose d'aspirine et une douche bouillante. Tel un marathonien exténué qui franchit la ligne d'arrivée il quitta la chambre. Primo, direction les toilettes, il fallait qu'il pisse de toute urgence. Tout en s'exécutant, il se surprit à sourire niaisement. Des flash-back de la nuit passée lui revenaient en mémoire. Une vrai nuit de débauche, bon resto, beaucoup de bons vins, énormément de bonne baise. Maintenant la cuisine, un grand verre d'eau et une dose massive "d'anti-migraine", il trouva l'eau glacée absolument délicieuse, comme quoi selon les heures et l'état de son foie on pouvait avoir des opinions gustatives très contrastées. Enfin la douche, "alleluia" entonna Julien pianissimo, l'eau bouillante décontractait ses muscles endoloris, peu à peu Julien revenait à la vie et les miasmes de sa nuit agitée disparaissaient en même temps que l'eau savonneuse par la bonde de la douche. Après s'être frictionné activement avec le drap de bain, il enfila un vieux jean et un vieux pull en cachemire. Rien de mieux pour le confort du sportif et pour s'apprêter à boire son expresso du matin. Malgré la fatigue il ne pouvait empêcher les idées d'affluer. Oui, Mona était une fille épatante. Il l'aimait beaucoup, tout lui plaisait chez elle: son physique: c'était une vraie belle fille, athlétique, naturelle. Son mental:spontanée, intelligente, drôle et toujours prête pour une soirée de bonne bouffe et de jambes en l'air. Que demandez de mieux! Et en plus totalement indépendante! Julien avait envie de rire mais soudain une ombre passa, oui Mona et lui avaient atteint cette nuit des sommets orgasmiques, mais ceux-ci lui laissaient un arrière-goût peu euphorique. Lui revenait à l'esprit l'espèce de sauvagerie qui l'avait saisi lors de leurs ébats. Mona ne s'en était guère offusquée bien au contraire, elle l'avait même encouragé. Elle aimait ça. Mais avec le recul, Julien réalisa combien cette attitude n'avait rien de sexuel. Bien au contraire elle était le fruit de l'énorme frustration qui le tenaillait depuis plusieurs semaines. Depuis presque un mois il n'avait pas écrit une ligne ou quoi que ce soit d'intéressant. Son livre qui devait sortir dans six mois était au point mort et pas à deux ou trois chapitres de la fin. Non! En plein milieu! Panne sèche, plus d'idées, le vide abyssal, la vraie merde et ça le rendait fou. Hier soir Mona avait sonné chez lui, elle rentrait de reportage, crevée mais satisfaite de son travail. Elle voulait fêter son retour avec son "écrivain préféré". L'aubaine était trop belle, Julien l'avait agrippée comme le naufragé la bouée de sauvetage et s'était littéralement jeté à corps perdu dans le tourbillon de cette soirée agitée. L'euphorie passée, une boule lui étreignait la gorge, il se trouvait moche et con, il était aux bord des larmes.

-Bonjour champion! Pas trop fatigué? Mona lui claqua un énorme baiser sur la bouche.

Il avait sursauté, elle n'avait rien vu. Elle était resplendissante, nue dans la chemise de Julien, déjà une tasse de café à la main. Cette fille était une tornade, un concentré de vie, il était fou d'elle.

-Tu ne dis rien? Oui, je sais, toi le lendemain t'es fourbu et un peu tristounet. Moi par contre, tout le contre, le sexe ça me booste, je pète le feu! Et vraiment cette nuit c'était apocalyptique mais joyeux, formidable!

-Joyeux? En es-tu bien sûre?

-Absolument, sincèrement, oh... Je t'adore quand tu as ton petit air penaud de panique existentielle. Elle l'embrassa de plus belle, goulûment. Oh merde! Il est dix heures, je dois me dépêcher. J'ai rendez-vous avec Fred à son labo. On doit voir ensemble et sélectionner les photos que nous avons prises pendant notre périple. Je file sous la douche et je me sauve. Tu m'en veux?

-Pas du tout, moi aussi je dois partir.

-Je t'ai vexé?

-Pas le moins du monde mais je viens de réaliser que j'avais envie d'un énorme coup de vent iodé de l'Océan Atlantique.

-Ah? Alors tu pars loin d'ici?

Loin? Pourquoi loin? Dois-je te rappeler que l'Océan Atlantique baigne une grande partie des côtes françaises. Tout le monde ne te ressemble pas. On peut voyager sans faire des milliers de kilomètres. Je pars au Pays Basque, je vais chez Ama, il y a longtemps que je ne l'ai pas vue.

-Elle est malade?

-Du tout, elle porte gaillardement ses quatre-vingt-deux ans. Elle ne sait pas encore que je vais venir. Je viens de prendre la décision à l'instant.

-Génial! J'arrive et toi tu fous le camp!

-Tu plaisantes j'espère. Qui de nous deux est le courant d'air? Pour être franc, je dois bouleverser mes habitudes, je tourne en rond, depuis plus d'un mois je bloque complètement sur la suite de mon bouquin, ce que j'écris est à chier. "Ton écrivain préféré" est un gros naze, un zéro, une nullité intégrale, une grosse merde,...

-Stop! Tu as fini avec tes lamentations! Si tu veux je te fournis les verges et tu te fouettes!

-C'est malin!

-Ouais, mais je suis d'accord avec toi. Tu as vraiment besoin de t'aérer les neurones, tu transpires le loser chiant et pleurnichard.

-Sympa!

-Peut-être pas, mais tellement vrai! Bon allez grouille toi, fais ton sac de voyage prends le premier TGV et va te saouler à l'Irouléguy, sniffer du piment d'Espelette et te roulez des joints au Pata Negra.

-Mona!

-Quoi?

-Tu m'exaspères mais je t'adore!

Mona se délectait des derniers mots de Julien pourtant elle ne répondit rien et telle une bourrasque elle se rua dans la salle d'eau. Vingt minutes plus tard la porte de l'appartement de Julien claquait. Mona dévalait l'escalier. Julien se précipita à la fenêtre.

-Je te téléphone dans une semaine ou deux, tu pourras descendre me rejoindre?

-Occupe-toi d'abord de ton bouquin et quand tu auras cassé ton cercle maléfique appelle-moi, je me ferai un plaisir de serrer Ama dans mes bras. A bientôt Rocco!

Julien claqua la fenêtre en la fermant. Décidément cette fille avait vraiment la langue trop bien pendue. Quelle adorable chieuse!

A défaut de l'air marin de l'Atlantique, Julien ouvrit toutes les fenêtres de son appartement. Puis en célibataire endurci et méthodique il fit un ménage spectaculaire de toutes les pièces, changea les draps du lit et finit par boucler son sac en y logeant précautionneusement, son autre moi, son Mac chéri. Dans le taxi il téléphona à Ama pour la prévenir de son arrivée, il serait bientôt là. Peut-être pas pour dîner avec elle, Ama soupait tôt mais il espérait être là pour les environs de vingt-deux heures. De toute façon, elle n'irait jamais se coucher sans l'avoir embrassé. Il avait décidé de louer une voiture à Bayonne et de descendre jusqu'à Saint Jean de Luz par la route de la côte. Il avait envie d'entendre le fracas de la houle et de sentir l'odeur des embruns. Rien que d'y penser, il en frissonnait de plaisir. Quitter Paris le mettait en joie, revoir Ama et se faire dorloter par la vieille dame lui rendait le sourire. S'imaginer fouler le sable gravillonneux de cette côte ou arpenter les sentiers de l'arrière-pays avec Peyo son vieux pote d'enfance le bouleversait. Il allait retrouver un peu de son enfance. Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt? Il allait se faire du bien, physiquement, moralement, après on verrait.

OxygèneDonde viven las historias. Descúbrelo ahora