— Alors comme ça, on cherche à s'enfuir ? entame une voix rauque et familière, non loin de mon oreille. Je ne te pensais pas si idiot, vois-tu.

Non, connard, je partais faire un pique-nique.

Mes sourcils se froncent alors que j'entrouvre les paupières, un frisson parcourant mon échine à cette proximité. Avec hésitation et réticence, je laisse mon vis-à-vis saisir ma mâchoire pour m'obliger à le regarder. J'ouvre de grands yeux et me décompose à vue d'œil tandis que, parallèlement, ma libido s'enflamme à la vue de Bagheera. La peur et le désir se confondent, si bien que toute rationalité disparaît. Rectification : je suis fou, complètement fou pour réagir de pareille façon.

Tu ne vois pas que ce n'est pas le moment ?

Stupide corps en manque !

Je me racle quelque peu la gorge, tentant au mieux de chasser ce trouble mal venu dont je suis envahi. Celle-ci m'offre justement un gentil rappel de ce que j'ai subi et me fait instantanément regretter mon geste. Je promets de ne plus recommencer si je sors de cette situation en vie. Juré, craché !

Silencieux, j'espère de tout cœur qu'il ne sente ni ne remarque la réaction purement naturelle de mon corps déconnecté de la réalité. À sa question, je tente de secouer la tête pour lui donner un mensonge tout cuit dans le bec et garder ainsi bonne figure. Mais sa prise autour de ma mâchoire m'en empêche, ce qui ne m'aide en rien à paraître le plus naturel et calme possible.

— Non, j'avais... l'intention de revenir.

— Vraiment ? J'ai du mal à le croire avec ce chauffeur qui avait l'air de t'attendre avec suffisamment de nervosité pour que je le sente à des milliers de kilomètres à la ronde. Sans exagération, bien sûr.

— C'était juste Net. Mon copain, balbutié-je en espérant qu'il ne se rend compte de rien. Je lui ai dit que j'allais devoir partir un certain temps donc... il a voulu qu'on se voie une dernière fois pour jouer au docteur.

— Au docteur ?

— C'est ça, au docteur, confirmé-je en sentant le rouge envahir mes pommettes.

— Quel dommage qu'il soit parti dans ce cas, il ne va pas pouvoir te satisfaire, souffle-t-il suavement. Surtout que tu as l'air d'avoir envie de jouer d'après ce qui émane de toi. À moins que ce ne soit à cause de moi...

Grillé.

Mayday, mayday !

On se replie, on est grillé !

Ses prunelles d'un vert hypnotisant se détachent des miennes pour se baisser sur mes lèvres où il passe lentement son pouce, les entrouvrant sur son passage. Brièvement, j'inspire à ce geste que mon trouble se repait. Un sursaut me prend de court à la simple sensation de son genou contre mon entrejambe, provoquant ainsi le froncement de mes sourcils quand il se met à se mouver à la même allure que ce doigt sur ma lèvre inférieure. La surprise passée, je cherche à le sonder, à comprendre ce à quoi il joue. À part à m'allumer, bien sûr. Ce pour quoi, autant mon corps que moi-même, nous ne sommes pas contre. Seulement la situation est, disons, tendue.

Son regard remonte vers l'obscurité de mes iris pendant que la proximité entre nos lèvres diminue à petit feu. Trop lentement, à mon goût. Mon pouls s'affole et j'en reste tout simplement... scié. Et puis merde ! Je cède le premier et redresse le menton pour venir les effleurer, obtenant un grognement bas en réponse. Cependant, il ne se laisse pas avoir pour autant et recule même son visage pour garder les idées claires. Chose qu'il faudrait impérativement éviter à l'heure actuelle.

— Tu penses que je vais gober ça ? Tu aurais dû trouver un bien meilleur mensonge, Isaac. Mais je dois dire que, en dépit de ça, j'ai été surpris de te voir évoluer et esquiver chaque sentinelle sur ta route aussi aisément. Malheureusement, tu n'as pas été assez futé pour surveiller tes arrières.

Cœur de Glace [Revient très bientôt]Where stories live. Discover now