Patience

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16:00.

Une fois toute l'émotion redescendue, tu es maintenant confrontée à deux problèmes, et pas des moindres : primo, comment sortir du bar, alors qu'il y a aujourd'hui, comme par hasard, des clients, et deuzio, comment trouver une tenue adéquate, si tu es encore au bar, ce qui se rapporte au "primo". Dans un premier temps, tu penses à appeler Erin pour qu'elle te relaie, mais tu sais pertinemment qu'elle enverra te faire voir en beauté. Après, tu songes à demander aux autres employés, mais tu n'as pas leur numéro, donc pour les trouver il faudrait que tu sortes du bar. 

Tu t'aperçois que pendant que tu réfléchissais au moyen de t'évader, trois autres clients viennent d'entrer, créant un rappel de chaleur à la limite du supportable dans le bar.

Tu soupires. Tu n'es résolument pas prête d'être à la séance de 20:15 au cinéma ce soir ! 

Mais soudain, s'engouffrant en faisant sonner la clochette au-dessus de la porte, entre... ton magnifique, merveilleux, fabuleux, génial et fantastique...collègue Pitt ! Pitt est un américain blanc et obèse, parlant vite avec un accent à couper au couteau difficile à comprendre, et portant toujours un vieux t-shirt cartoon tâché de grosses auréoles de transpiration. Comme tu ne connaissais pas beaucoup d'américains, tu t'es dit que Pitt devait ressembler à la plupart des américains d'une trentaine d'années déjà bien tassée, peut-être même d'une petite quarantaine.

Tu te jettes sur lui pour lui faire la bise, mais tu es aussitôt stoppée dans ton élan par la grosse toux bien grasse de Pitt.

"Salut, Pitt.

-Ouais salut p'tite. Tout va comme tu veux ?

-Oui, je suis vraiment, vraiment super-ultra-giga-méga heureuse de te voir !

-Heu... Moi aussi je suis heureux te voir... Mais je ne faisais que passer, j'ai oublié ma casquette l'autre jour, et hier bah j'avais pris ma journée, donc, je reviens qu'aujourd'hui...

Tu sens ton allégresse redescendre d'un coup.

-Ah, oui. La casquette noire avec le logo de la NBA j'imagine...

-Yep c'est ça. Je te remercie bien ma p'tite. Bon courage !

-Pas de problème, mais, tu voudrais pas un peu... M'aider ?..."

Pitt avait déjà claqué la porte derrière lui, tout en vissant sur sa grosse tête chauve sa casquette.

Tu t'effondres sur un tabouret, et jettes un coup d'œil aux clients présents. Tu lâches une grimace. Le bar, est certes petit, mais est rempli aux trois quarts.

Tu te lèves avec la plus grande des réticences, te traînes jusqu'à la table la plus proche, prends la commande, passes à la table suivante, et à celle d'après. Tu retournes servir la première table, la deuxième... en t'efforçant d'être efficace. Le bar désemplit peu à peu.

17:55.

Tu prends quelques secondes pour souffler. Le bar est désormais vide, hormis un groupe de jeunes agglutinés autour du flipper. Tu t'approches d'eux afin de leur demander s'ils peuvent aller jouer à la salle de jeu, à deux pâtés de maisons, rajoutant que tu es pressée. La bande se dissout donc et s'en va en grommelant. Tu les remercies, et à peine le dernier gars ferme la porte brutalement, tu sors le balai-éponge  de derrière le porte-manteau, et te mets à lustrer avec énergie et vigueur le lino bicolore. Tu te dépêches, car tu as prévu de passer dans une boutique afin de trouver une tenue adéquate à ton rencard.

Un fois l'établissement reluisant comme un sou neuf, tu prends ton sac et sors du bar comme si le diable te poursuivait.

Tu es saisie par la chaleur, qui amenuise tes forces au fur et à mesure que tu avances dans la lourdeur de l'atmosphère sérotinale de Londres, d'habitude monstrueusement animée, mais qui aujourd'hui était beaucoup plus calme. 

Imagine George Michael...Where stories live. Discover now