Chapitre 4: Le commissariat, théâtre d'une séparation annoncée.

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Quelque part dans la ville berlinoise, une jeune femme au visage défait, les cheveux en bataille, le regard perdu dans le vide restait prostrée contre la paroi en verre. Assise par terre, Lisa se sentait incapable de bouger. Elle voyait le même film d'horreur défiler sous ses yeux en boucle et à chaque fois inexorablement la même fin tragique se produisait.

Soudain, le bruit ininterrompu du combiné la sortit de cette torpeur. Tout doucement, elle se releva et appela une compagnie de taxi se servant du panneau intérieur de la cabine. Elle ne savait pas où elle se trouvait mais assez rapidement elle repéra le fameux Vous êtes ici et le nom de la rue Winkelwiese. Il fallait qu'elle sorte de cet espace confiné car elle commençait à étouffer. Aspirant une bouffé d'air frais, accroupie sur le bord du trottoir, Lisa vit apparaître le taxi un quart d'heure après son appel.

Sans un mot, elle monta à l'intérieur de la voiture et ne prononça que quelques mots au chauffeur :

- Au commissariat, s'il vous plaît.

- Bien Mademoiselle c'est comme si c'était fait!

- Madame!

Le chauffeur de taxi ayant remarqué la tristesse et l'abattement de la jeune femme voulut la distraire en lui racontant toute sa vie ainsi que l'actualité du jour. Lisa n'écoutait pas mais elle en avait assez de ce moulin à paroles. Mais tais-toi! pensait-elle. Elle demeura silencieuse tout au long du trajet qui aurait du la guider au lieu de la libération de son fardeau. Elle livrerait son témoignage pour le meurtre de Frédéric et tout serait fini. David l'attendrait à la maison, elle s'excuserait et il la prendrait dans ses bras ô combien protecteurs . Bref elle reprendrait sa vie là ou elle s'était arrêtée avec l'homme qu'elle aimait plus que tout au monde et le petit être qui les liait à jamais.

Enfin, la voiture s'arrêta juste devant l'entrée du commissariat, un gigantesque bâtiment grisâtre et muni de barreaux. Le mois qu'on puisse dire c'était que ce lieu était tout sauf accueillant! Après avoir réglé la course, elle se dirigeait vers l'entrée lorsqu'elle fut bousculée par un jeune homme à peine sorti de l'adolescence qui portait des menottes. La nuit avait été agitée pour les policiers et pas uniquement pour elle : des voitures avaient été brûlées par des jeunes adolescents en révolte contre la politique de la chancelière Angela Merkel. La confusion régnait autour du commissariat.

A l'accueil, une femme policière au regard autoritaire semblait être débordée entre les coups de téléphone incessants et une vieille femme de 70 ans qui n'arrêtait pas de la harceler de questions notamment pour le dédommagement de la perte de son véhicule. Se faufilant parmi les victimes, elle accéda au bureau. Pardon... Excusez-moi! J'ai appelé ..... Non ce n'est pas pour ma voiture! ... C'est pour un meurtre! lâcha Lisa un peu trop fort. La policière m'indiqua d'un geste sec une chaise . Asseyez-vous là-bas et ne bougez pas avant que le commissaire vous invite à entrer!!

Lisa alla s'asseoir sur cette chaise qui trônait au milieu d'un couloir trop éclairé à son goût. Cette lumière blafarde lui faisait mal aux yeux qui étaient rougis par les larmes qu'elle avait versées. Avant de s'asseoir, elle put lire la plaque qui était accolée à la porte du bureau.

Commissaire Renaud HOFFMAN

Division des Affaires Criminelles

Ce dernier adjectif la ramena douloureusement à la dure réalité, au drame auquel elle avait assisté avec effroi. Elle allait devoir tout raconter: les cris, les menaces de Richard, le coup de feu, la mort de Frédéric et sa fuite à la recherche d'un refuge qui la protégerait de la violence et de la folie de son beau-frère. Elle en avait assez d'attendre mais que faisait ce commissaire à la fin, elle regarda sa montre qui indiquait 0 h 30. Oh mon Dieu David, le restaurant français! Non ce n'est pas possible! Il devait être mort d'inquiétude, à aucun moment elle n'avait pu l'appeler pour le prévenir. Mais comment lui annoncer une nouvelle aussi affreuse! Comment! Tant pis, il le fallait d'une manière ou d'une autre. Elle s'apprêtait à se lever pour emprunter le téléphone de l'accueil lorsque la porte du bureau s'ouvrit dans un grincement pénible. Un homme très grand à l'aspect bourru lui fit signe d'entrer ce qu'elle fit sans rechigner.

- Bonsoir Mademoiselle! que puis-je faire pour vous aider?

- Bonsoir Monsieur. Pas Mademoiselle. Madame Lisa SEIDEL. Vous devez être au courant , non?

- Ah oui, vous êtes la jeune femme qui croit avoir assisté à un meurtre, dit-il sur un ton sceptique;

- Je ne crois pas, j'en suis sûre Monsieur Hoffman.

- Si vous le dites, allez je vous écoute!

Lisa fit le récit du drame en essayant d'être le plus précis possible. Ce commissaire l'agaçait au plus haut point, il remettait sans cesse en question la moindre phrase qui lui semblait trop vague selon lui. Elle arriva au bout du récit et le poids de son fardeau semblait s'apaiser au fur et à mesure qu'elle voyait le commissaire taper le procès verbal en n'omettant pas de dresser le portrait robot de Richard. Une fois fini, il l'imprima et fit signer Lisa en bas de la page du procès verbal. Après lui avoir assuré que l'enquête serait vite menée et le meurtrier sous les verrous, il l'a congédia sans ménagement.

Elle referma la porte de ce bureau oppressant qui empesta l'odeur du cigare et la sueur. Quel horrible individu! se dit-elle. J'espère qu'il est au moins compétent dans sa fonction. N'en pouvant plus, elle alla aux toilettes pour se rafraîchir un peu le visage. Quand elle se regarda dans le miroir, elle fut effrayée par son visage qui avait été marqué par cette nuit sans fin. Elle avait les traits tirés et la douleur pouvait se lire sur son visage.

Sortant des toilettes, elle ne pensait qu'à une seule chose : appeler son mari David quand deux mains l'attrapèrent par derrière. Quelqu'un l'emmenait d'un ton ferme dans un minuscule bureau sans fenêtre.

Un homme lui prononçait ses mots Danger de mort, témoin protégé, Hoffman véreux, ami de Richard et éloignement . Pour Lisa , c'était le coup de grâce, plus rien ne lui semblait réel. Le cauchemar continuait après tout Richard l'avait prévenu et il avait réussi. Ce meurtrier dont on ne connaissait qu'une infime partie de sa vie avait fait de la vie de Lisa un véritable enfer!

Derrière le commissariat, une voiture noire banalisée était arrêtée.

A bord de ce véhicule se trouvaient cet homme et Lisa qui allait souffrir pour toute sa vie, désespérée par ce qu'elle devait faire pour protéger sa vie et celle de sa famille. Dans la poche de son manteau, elle prit son portefeuille à l'intérieur duquel deux photographies se trouvaient. Elles avaient immortalisé à jamais les plus importants et merveilleux moments de sa vie: son mariage inoubliable avec David et la naissance de leur petite fille. Elle regarda ces deux photos et une énorme tristesse l'envahit . Pardonne-moi David pour ce que je vais faire et occupe toi bien de Dana. Une larme vint brouiller à jamais l'image du couple enserrant tendrement leur petite fille.

Le chauffeur de la voiture reçut l'ordre de partir immédiatement. Ainsi elle s'enfonça dans le brouillard épais de la nuit.

Une histoire d'amour contrariéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant