Black mirror Ep01S05 STRIKING VIPERS: Bienvenu(e) dans la bromance augmentée.

Bienvenu(e) dans la bromance augmentée.

La recette d'un épisode mythique a déjà mainte fois été éprouvée par les scénaristes de BLACK MIRROR, ainsi la série se propose de plonger ses téléspectateurs dans des dystopies soit déjà existantes, ou sinon très probables dans un avenir plus ou moins proche: qui pourra oublier le cauchemar édulcoré de Nosedive, le traumatisant réveil de Men against fire?  Notre génération est désormais prévenue des possibles dérives des nouvelles technologies digitales. Si vous êtes en retard sur la dernière saison, tant pis pour vous concernant le spoil. L'épisode Striking viper nous immerge dans un univers qui repousse les limites des interactions humaines dans le domaine de la fluidité des genres. L'épisode01 S05 est révolutionnaire pour plusieurs raisons. Quels sont donc les éléments qui en font un "must match" ?

S'agit-il d'une Bromance?

Stricking Viper met en scène un trio certes classique : deux couples, composés d'un couple hétérosexuel marié, auquel s'ajoute un ami de l'époux en tant qu'élément perturbateur. Ces derniers (Anthony Mackie's Danny et Yahya Abdul-Mateen's Karl) vont voir leur relation amicale bouleversée par une expérience virtuelle questionnant la nature de leurs sentiments. La magie de cet épisode réside dans son ambiguïté permanente, à savoir qu'il offre plusieurs niveaux d'interprétations avec aucunes certitudes, la seule étant que les deux personnages principaux, amis de longue date vont désormais devoir s'interroger sur ce qui fait le coeur de leur amitié. S'agit-il d'une Bromance? Oui très probablement mais il n'y a pas de réponse toute faite, car si nous avons tous aimé un ami du même sexe sans pour autant être attiré sexuellement par ce sexe, Black miroir vous donne ici de la matière à retordre. Le pas entre aimer et être amoureux est franchi mais au delà de ça, qu'en est-il lorsque le sexe virtuel devient l'une des stimulations principales entre nos deux amis? Pour faire simple l'épisode nous propose une relation platonique entre ces deux hommes qui une fois dans le cadre virtuel se transforme en passion charnelle mais hétérosexuelle, c'est à dire que nos personnages masculins se réincarnent l'un dans un avatar féminin très attractif et l'autre dans un très beau mâle rempli de testostérone. Des avatars mettant en scène deux corps de genres différents, mais deux psychés bel et bien masculines.

Serait-ce de l'homosexualité refoulée?

La sexualité est-elle dans l'acte sexuelle réelle et consommé, ou est-elle dans la psyché et peut-on vraiment dissocier les deux? Oui, peut-être mais trop simpliste pour Black miroir qui ne lésine pas à ajouter un niveau de complexité en nous laissant en suspens! Nos deux bros s'aiment sans se le dire car c'est un tabou que l'on connait bien chez les mecs virils, pour autant cela fait-il d'eux des homos? Pas forcément! Arrive le moment où leurs sentiments ambigus ne peuvent plus être niés, Karl qui de par son célibat à l'air d'assumer son expérimentation permanente de la sexualité va confronter Anthony, qui lui a beaucoup plus à perdre à cause de son mariage hétérosexuel qu'il est en train de négliger. L'un ne doute pas que l'expérience sexuelle en tant qu'avatar femme amoureuse d'un homme lui fasse du bien. L'autre est heureux de la relation virtuelle mais tourmenté à l'idée d'être attiré par son meilleurs ami dans le monde réel. Il s'agit bien de la question de l'homosexualité, mais de qui? d'un seul d'entre eux, des deux, ou d'aucun des deux? Incapables de se reconnaitre une attirance sexuelle l'un pour l'autre dans le réel, incapables de décrocher de la passion psychique et charnelle entre leurs avatars. Le téléspectateur analyse, tente de définir, c'est pour sûr une expérience atypique, en particulier pour Karl, dans la peau de son avatar féminin.

Une expérience transgenre

 Vous avez tous surement joué à Tekken en choisissant un personnage du sexe opposé, juste parce qu'il est "badass" et capable de botter des culs, préparez-vous au niveau supérieur. Dans cet épisode, l'un de nos personnages devient une femme grâce à son avatar avec toutes les sensations émotionnelles et physiques possibles, il est en effet doté d'un vagin sensible et va s'en servir! (Le rêve inavoué de beaucoup d'hommes!) Qui ne voudrait pas ressentir l'orgasme neuf fois plus intensément tout en se plottant un magnifique 95B? C'est désormais possible, le parcours psychologique et social, les stigmas et les bistouris en moins! Notre personnage s'accepte pleinement homme dans le monde réel et jouit du corps de son avatar femme, le meilleur des deux monde! Sa sexualité dans le monde réelle est peu mise en évidence de telle sorte que l'on comprend qu'elle s'exerce principalement par le biais son avatar. Il aime le sexe en tant que femme plus que tout, Il est bonne et aime la pénétration sans complexes! Ce qui pose encore la question, est-il homosexuel? Tout l'accable, mais rien ne le prouve. Nous sommes plus ici sur le terrain de la fluidité des genres et du mouvement queer, dans lequel expérimenter son corps et ses émotions sans étiquettes devient la nouvelle norme.

Une expérience transraciale

 Un monde de noirs, alors qu'Hollywood nous a longuement expliqué qu'il était difficile pour une frange de leur public blanc de s'identifier à des personnages non blancs (L'excuse sur plusieurs générations pour éviter trop de couleur). Pour les personnages eux-mêmes, c'est l'identification à des avatars asiatiques en tant qu'homme noir. En soit rien de nouveau si on aime les jeux vidéos, cet épisode ne traite pas de race et le propos en est même très loin, néanmoins nous y sommes. BLACK MIRROR a choisi de faire fi de toutes ces interrogations en répondant d'emblée "un humain est un humain, et nous pouvons tous êtres dans une peau ou une autre, ceux que ça gène... "Thank you, next!". Au dela de ça, c'est la question pour le téléspectateur de l'identification à des personas extrêmement rares, ou du moins ayant des expériences du monde rarement traités avec autant de nuances. La révolution de cet épisode est peut-être dans le fait d'effacer toute forme de questionnement quand à l'empathie interraciale, que le téléspectateur aiment ou pas les noirs ou les asiatiques dans la vie, y soit familier ou non, il est contraint de suivre les personnages dans le plus profond de leur subconscient sous peine de passer à côté d'un des épisodes les plus fous de toute la série.

Une révolution de la représentation

Sur le terrain de la représentation, Black Mirror nous offre régulièrement des personnages noirs au caractère complexe. Dans striking Viper, les personnages appartiennent à une classe moyenne noire-américaine loin des ghettos, sans pour autant être noyés et isolés au milieu d'un quartier blanc. Ils sont noirs et sont entourés d'autres noirs de leur classe plutôt aisée. En cela, le cassage des codes est discret mais révolutionnaire pour une série grand public, non targetée "noir". Bien sûr on se souvient du Cosby show, de Ma famille d'abord, ou encore de Steeve Hurkle, oui des familles noires ouvrant le chemin à d'autres, mais principalement dans le genre Sitcom! Nous sommes ici dans le genre Sci-fi, oubliez donc le "noir comique", toujours en train de rire ou d'essayer de faire rire. Ainsi la série met en scène nombre d'acteurs noirs et POC dans des rôles centraux aux registres divers. Citons Daniel Kaluuya, Letitia Wright, Aldis Hoge, and Gugu Mbatha-Raw, Michaela Cole.