Chapitre 22

Depuis le début
                                    

J'aurais aimé penser que j'étais au dessus de tout ça, que ce n'était rien qu'une fête et que de toute façon je n'aimais pas ça. Parce que c'était vrai ! Je n'avais jamais vraiment été fan des super soirées où il y a du monde et tout, même avant Schooltime. Mais là, je savais qu'il y avait une énorme partie du pensionnat à l'étage, qu'il y avait tous mes amis, qu'ils s'amusaient tous et que moi j'étais là, comme une idiote à tourner en rond pour ne pas me retrouver toute seule dans ma chambre – ça m'aurait semblé encore pire.

J'avais la douloureuse envie de pleurer depuis que ça avait commencé et je luttais pour ne pas y céder. Pourquoi ? Pourquoi une simple fête me mettait dans tous mes états ? C'était ridicule ! J'avais survécu à une explosion ! Alors des petits problèmes comme ça, à côté, c'était de la gnognotte. Et pourtant...

Une nouvelle fois, je passai devant la cafétéria, fermée à cette heure-là et je lançai mon pied dans la porte qui ne bougea pas d'un pouce.

- Sérieux Avri, soit tu retournes dans ta chambre, soit tu vas à cette fête, mais t'apitoyer sur ton sort dans les couloirs, c'est juste pitoyable ! Me grondai-je moi-même.

Oui, j'en étais arrivée à un tel stade de solitude que je me parlais à moi-même. C'était triste. Alors que je commençai à envisager de m'y rendre, je laissai s'échapper de mes lèvres un grognement : hors de question de m'abaisser à ça ! Ils ne m'avaient pas invitée, soit. Je n'allais pas quémander devant la porte pour qu'on me fasse entrer ! C'était eux les imbéciles, pas moi !

Avril et sa fierté.

Je repartis d'un pas vif. Je marchai sans m'arrêter droit devant moi si bien que j'arrivai à l'entrée de l'établissement. Sans hésiter, je la dépassai. Je savais exactement où j'allais. La nuit ne m'effrayait plus, aussi, quand elle m'accueillit dehors, je ralentis histoire de profiter de l'air du printemps. Ici, il ne faisait plus froid. Il faisait bon. Le soleil s'était couché quelques heures auparavant mais quelques oiseaux continuaient de chanter doucement.

Je pris le temps de respirer la bonne odeur des pins, d'écouter la douce mélodie de la nature et de me noyer dans cette soirée qui aurait pu être joyeuse. Mais très vite, mon malêtre me reprit et j'accélérai. Je savais où j'allais et c'est comme si mon corps était animé par une force que je ne contrôlais pas. Ce n'était pas une envie mais un besoin que j'avais de me rendre là bas. Je n'y étais pas retournée depuis l'explosion et les travaux étaient finis à présent. Ils n'avaient pas mis beaucoup de temps, ce qui m'avait un peu dérangée : après le drame qui s'y était produit, comme pouvait-on tout effacer si facilement ?

Quand j'arrivai, c'était éteint. Aucune lumière. Juste un grand bâtiment devant moi, tout noir, tout propre, qui sentait la peinture à des kilomètres. Je m'approchai encore et posai une main sur la porte. Mon cœur se mit à battre plus fort au fond de ma poitrine. Il ne restait de la précédente porte que des bouts calcinés tombés du ciel. Je pouvais presque encore les sentir griffer ma peau, la brûler alors que je m'étouffais dans la fumée grise. Mais ce sur quoi ma main était posée était neuf, lisse, doux, intact. Comme si rien ne s'était passé.

Une boule se forma dans ma gorge. J'avais failli perdre la vie et tout le monde s'en foutait. Certains rêvaient même que je ne sois plus là. J'avais réussi à faire abstraction aux paroles de Chloé pendant trois semaines. Je ne comprenais pas pourquoi elles refaisaient surface maintenant, mais le fait est que j'allais pleurer. Je le sentais.

Luttant contre les larmes qui brouillaient ma vue, je poussai la poignée. À mon grand soulagement, elle tourna et la porte s'ouvrit. J'inspirai un grand coup puis entrai. Quand mes pieds se posèrent sur le carrelage en damier nickel, j'eus un haut le cœur. Et quand je levai la tête, ce fut pire encore.

AVRIL [Édité chez Hachette]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant