Chapitre 66

10K 796 114
                                    

Tout devint flou, sans aucune netteté, oublié par mon esprit trop occupé par autre chose. Et alors même que je savais que je devais m'en méfier, alors même que je savais que nous étions totalement exposés, alors même que je savais que le couvre feu était déjà passé, je ne m'arrêtai pas.

Pire que cela : je répondis à son baiser. Tout autour de nous s'était effacé, la forêt n'était plus qu'une masse informe sans délimitation et seuls nos légers halètements semblaient percer le silence qui s'était créé. Comme si ma vue s'était ternie et que je ne pouvais plus rien faire d'autre que d'éprouver la délicatesse de son contact sur mes lèvres.

Le froid ne me touchait plus non plus. Bien au contraire, depuis que ses lèvres avaient pris possession des miennes, la glace avait fondu et le résidu d'eau qui s'en était écoulé avait même bouilli jusqu'à évaporation.

Je plaçai mes coudes sur son torse et encadrai sa mâchoire carrée sous mes doigts, me décollant un instant de lui pour le contempler. Il me fixait de ses magnifiques yeux ambrés, des vagues de désir obscurcissant le centre de ses iris et dilatant ses pupilles.

Je sentis au moment même où je me détachais légèrement de son contact une certaine crispation dans son corps entier. Comme si le simple fait que je ne l'embrasse plus pouvait le mettre dans une colère noire. Cette idée était d'ailleurs... plutôt plaisante.

Il fit mine de lever la tête pour nous lier de nouveau mais je reculai, un sourire farceur sur les lèvres. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais j'adorais l'embêter, c'était un fait établit, plus il s'énervait et plus je m'amusais, jusqu'à ce qu'éclate entre nous une dispute violente. Cela se passait toujours comme ça.

Et pourtant je ne pouvais m'en empêcher, m'empêcher de le charrier, de lui rendre la tâche difficile alors qu'il savait très bien qu'il avait parfaitement réussi son coup puisque j'étais totalement accro à sa petite personne. Mais il avait beau savoir que j'éprouvais beaucoup de sentiments à son égard, je passais mon temps à le fuir... Le pauvre...

Le latino se redressa d'un coup tentant de capturer ma bouche à nouveau mais je parais son geste et tournai la tête pour ne lui offrir que ma joue rougie par l'amusement.

Il laissa s'échapper un grognement tandis que j'explosai de rire :
– Tu n'arriveras jamais à me battre à ce jeu là, se mit-il à chuchoter ;
– Tu crois ? L'interrogeai-je, piquée au vif.
Il se fendit d'un sourire moqueur alors même que je lui présentais mon expression la plus déterminée :
– Oh mais j'en suis sûr, Avri, déclara-t-il sur un ton langoureux ;
– C'est bien ce qu'on va voir, lançai-je, prête à le remettre à sa place.

À peine ces mots se furent échappés de mes lèvres qu'il attrapa chacun de mes deux poignets, me fit basculer pour se retrouver au dessus de moi et monta mes bras par dessus de ma tête.
– Tu penses toujours pouvoir me battre ? Demanda-t-il d'un air narquois ;
– C'est vrai que tu as une bonne technique, mais il y a tout de même un très gros défaut dans ta démarche. Répondis-je ;
– Ah oui, et lequel ?
– Tu as tendance à me sous-estimer ! M'exclamai-je tout en passant mon pied gauche entre ses jambes pour l'obliger à se retourner d'un coup de hanche.

Il se retrouva la tête dans la terre et moi sur son dos en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire ce qui me fit rire encore plus.
– Alors monsieur le macho, qu'est-ce que tu dis de ça ?
– J'en dis que c'était tout mignon ! Marmonna-t-il avant de tirer brusquement sur mes bras qu'il n'avait pas lâchés pour me faire valdinguer en face de lui.

Sans que je n'ai rien compris, j'étais de nouveau allongée sur le dos et cette fois, Jeff s'appuyait sur mon ventre pour m'empêcher de me relever. Avec un grognement de frustration, j'arrivai à me libérer une main et tentai d'attraper son épaule pour reprendre le dessus mais il fut plus rapide et cloua, encore, mes deux bras au dessus de ma tête.
– Je suis désolée bella, mais j'ai gagné, murmura-t-il triomphant dans mon cou, ce qui me fit frissonner.

AVRIL [Édité chez Hachette]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant