Angélus

Chapitre 16

Sean O'Brien, détective au NYPD (New York City Police Department)...

Enfin...

Je vais faire la connaissance de Kruger. Et revoir la jolie Wallis, par la même occasion. Cette histoire d'incendie ne me dit rien qui vaille. Je flaire un loup quelque part, il suffit de trouver où il se cache exactement. J'ai sonné à la double porte d'entrée, impeccablement blanche et élégante avec ses luxueuses poignées dorées. Je suis impatient, c'est la première fois que je me coltine une affaire intéressante. C'est Kruger qui ouvre. D'emblée, je conviens que je ne l'apprécie pas et ça semble largement réciproque, pourtant nous nous gratifions mutuellement d'un sourire hypocrite.

— Détective O'Brien, enchanté monsieur Kruger !

— Moi de même ! lâche-t-il du bout des lèvres.

Je jette un regard soucieux vers la ravissante copine de ce type. Ces grandes prunelles sont rougies, visiblement elle a beaucoup pleuré. On dirait que ma présence la rassure un peu.

— J'espère que vous allez coincer ces crapules, renifle-t-elle.

— Je l'espère aussi, mademoiselle de Vitto ! Pouvez-vous me décrire vos agresseurs en détail ?

Elle se force à réfléchir, plisse délicatement ses sourcils, et finit par donner quelques maigres indications :

— C'était des latinos et ils étaient tatoués. J'ai eu très peur quand Angélus s'est battu avec eux.

Kruger tire un peu la gueule, comme s'il préférait largement qu'elle la ferme. Je ne vais pas me priver d'une petite remarque :

— Vous auriez pu être gravement blessé monsieur Kruger, ou pire. D'habitude, ce genre de voyous attaquent leurs victimes à la machette, ils combattent rarement à mains nues.

— Il a été vraiment courageux, renchérit Wallis. Il les a mis en déroute à lui tout seul.

De mon point de vue, un mec normal ne fonce pas sur des racailles tatouées sans y laisser au moins un œil. Et puis il y a cette implacable froideur qu'il dégage constamment. Un dangereux joueur sur un échiquier invisible, prévoyant déjà quelles pièces il devra sacrifier pour anéantir l'adversaire.

Bien sûr les dépendances ont cramé, il ne reste plus que quelques pans de murs noircis par les flammes. C'est encore pire en ce qui concerne la bagnole. Et les fameux chiens au fait ? Je l'interroge d'un air suave :

— Mademoiselle de Vitto m'a parlé d'un accident concernant deux gros chiens ?

Kruger prend une mine attristée et serre la menotte de Wallis entre ses doigts.

— Je m'en veux terriblement, les pauvres bêtes sont mortes sur le coup ! précise-t-il. Elles n'ont sans doute pas souffert.

— Avez-vous porté les dépouilles chez un vétérinaire, afin qu'il consulte les puces d'identification pour informer un éventuel propriétaire ? demandais-je encore avec la ferme intention d'en apprendre plus.

— À vrai dire, je n'ai pas eu le temps ! réplique-t-il aussitôt. Un employé de la maintenance s'en est chargé, dans l'incinérateur de l'hôpital... mais ils étaient très sales, c'était sûrement des chiens errants.

Quel enfoiré ! Il ne va pas s'en tirer comme ça, cette histoire de clébards ne tient pas la route.

— Vous allez vite en besogne, monsieur Kruger ! J'aimerais connaître le lieu exact de l'accident et il me faut aussi le nom de cet employé.