CHAPITRE UN

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LUCY

« Aujourd'hui : quatre septembre. Ce jour est enfin arrivé : la rentrée. Quand bien même un nouvel environnement, un nouveau mode de vie m'attendent, la routine de la rentrée, elle, reste toujours la même, que ce soit ici ou ailleurs. On doit retrouver le courage de se lever tôt, dire adieu aux réveils à plus de onze heures, se préparer et remettre les pieds dans un établissement scolaire pour tenter de se construire un avenir plus ou moins radieux. »

C'est de cette façon que débute mon roman, publié sur WATTPAD, mais jamais je n'aurais cru qu'il ferait autant écho à ma vie réelle; à ce qui est en train de se passer maintenant: ma rentrée des classes. En terminale. Année scolaire 2017/2018. Dans un nouvel endroit. C'est exactement comme le personnage de mon roman.

Mon niveau de trac est à son maximum mais mon esprit tente vainement de se donner du courage en se remémorant la suite du début de mon roman. Il faut dire que le prologue est ancré dans ma tête, maintenant... Je le connais par cœur, à la virgule près, tant je l'ai peaufiné, corrigé, recorrigé, relu, encore et encore.
Au début du livre, le personnage principal est confiant, pas stressé, positif à propos de cette rentrée, et j'essaie désespérément de m'insuffler le même état d'esprit.

Sauf que pas de bol : ça ne marche pas.
Mon ventre est serré comme pas possible; ma tête est baissée de la même manière et j'avance vers le bâtiment en regardant mes pieds tandis que les autres élèves discutent entre eux.

Saint Kaaris est véritablement trop différent de saint Booba. C'est le jour et la nuit; Mercure et Vénus; la Terre et le ciel!

Moi qui était tant habituée au formalisme de mon ancien établissement; à ces élèves qui portaient de la marque de la tête aux pieds; politisés à droite pour la plupart, me voilà presque dans un autre monde. Un monde moins prétentieux; plus naturel... Et la chose me fait presque peur. Après deux ans à adopter les codes de St. Booba, leur façon de parler un peu b-c-b-g, de parler du bac matin, midi, et soir; leur façon de penser un peu élitiste et toutes ces conneries, me voilà dans un établissement diamétralement opposé. Où, étrangement, je ne m'y sens pas à mon aise, pas à ma place, presque étrangère. C'est presque arrogant, comme façon de penser, mais ils sont trop différents. Je me sens en décalage, alors même que je n'ai discuté avec aucun d'entre eux.

Les questions fusent dans ma tête : est-ce que ça ira, niveau intégration? Comment sont les professeurs? Les élèves? Est-ce que le niveau d'exigence est le même? J'ai tant baigné dans l'esprit de compétition de St. Booba que la question s'impose à moi comme une évidence. Et rien qu'à cette pensée, ma tête se met à ressasser le négatif. J'ai un mauvais souvenir des deux ans à St. Booba, où le travail était de rigueur constamment, où les sorties se faisaient rares, où l'on se comparait constamment les uns les autres. Si j'ai changé d'établissement, c'est avant tout pour l'option Grec, mais aussi et surtout, pour échapper à cet enfer... En espérant ne pas le retrouver.

Tandis que je monte les marches des escaliers, en direction de la salle 216 aux côtés de plein d'autres élèves, j'essaie de chasser toutes ces pensées négatives.

Po-si-tif. Po-si-tif. Po-si-tif. Tout se passera bien. Ne pas avoir d'aprioris. Po-si-tif.

Je répète ces quelques phrases et mots en boucle jusqu'à arriver devant ma classe. Où, étrangement, seules deux personnes sont présentes devant la porte. Je m'installe en face d'elles timidement, et les observe. Un garçon et une fille. Tous deux les cheveux teints. La chose devrait être naturelle mais pour moi, elle ne l'est presque pas: le garçon a les cheveux roses pâles un peu ébouriffés, et la fille assise à ses côtés, d'un blanc comme la neige. C'est le genre de choses que la direction de St. Booba n'accepterait pas: « Vous vous imaginez venir à un entretien d'embauche avec les cheveux arcs-en ciel » ?

Tout doucementWhere stories live. Discover now