Les amants du clair de lune

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Les enfants étaient assemblés dans la tente du conteur et pépiaient gaiement. La nuit était tombé sur le désert, le froid était arrivée avec lui et comme à chaque fois était venue le moment où tous étaient réunis pour s'amuser. Cette heure-ci appartenait encore aux enfants. Les adultes étaient plus en retrait et bavardait une coupe à la main.

— Regarde Azhur les lunes sont toutes brillante ce soir ! dit le jeune Ari.

Voilà qui l'inspira. Il savait quoi leur raconter ce soir :

— Parlant de lunes laissez-moi ce soir vous conter la légende des amants du clair de lune !

Les visages des petits s'éclaircirent et le fixèrent, pendues à ses lèvres, prêts à savourer son histoire comme on savoure une bonne pâtisserie.

— Tout commence avec un jeune nomade du nom de Ness, le cœur encore pur, l'esprit toujours innocent. Il était celui qui s'occupait du troupeau et il aimait ses bêtes si affectueuses. Une nuit que l'une d'elle s'était égarée il s'était enfoncé dans le désert à sa recherche. Les lunes étaient toutes rondes dans le ciel, sa visibilité n'était donc pas trop mauvaise. Il retrouva l'animal en compagnie d'une créature des plus éblouissantes. C'était une femme et elle était belle. Oui si belle. Sa peau était aussi blanche que les astres lunaires, ses cheveux noirs comme la nuit et des yeux bleus comme le ciel. Ness n'avait jamais vu une créature aussi belle.

Il se tut un moment, observant les enfants qui l'écoutaient religieusement, avant de reprendre :

— Il s'approcha alors de cette beauté et elle se retourna vers lui. « Reste où tu es ! » ordonna-t-elle d'une voix si douce qu'elle lui rappelait la caresse du vent. « C'est mieux ainsi. Tu ne dois pas me toucher. » Il fut étonné mais obéi. Lui demanda donc s'il pouvait lui parler. Elle lui affirma qu'il n'y avait aucun problème. Alors il lui déclama des poèmes, proclama n'avoir jamais vu femme plus belle, elle l'écouta charmée, lui conta des histoires oubliées qui le laissèrent bouché bé. Puis, alors que la nuit approchait de sa fin elle ordonna : « Il faut partir ! Va ! Merci pour cette nuit ! » « Ne pourrait-on pas se revoir ? » demanda Ness paniqué à l'idée de ne plus jamais revoir cette créature qui lui plaisait tant. « Eh bien nous pourrons mais à une condition. Il nous faudra toujours nous retrouver loin de ton camp, au clair de lune. Si la nuit est noire et sans astre nous ne pourrons nous voir, si c'est le soleil qui brille nous ne pourrons nous voir non plus, sous aucun prétexte. » Ness accepta et repartit au camp le cœur plus léger que jamais. Il suivi ses ordres, ne la toucha jamais, ne la rencontra qu'en pleine nuit, éclairé par les lunes. Les nuits sans lunes, même s'il se présentait sa douce, elle, n'était pas là.

Observant les enfants toujours concentrés sur son histoire il se tut un moment avant de reprendre.

— Pour Ness cela n'était pas assez. Il voulait la prendre dans ses bras, il voulait passer toutes ses nuits avec elle, et voir en plein jour son sourire. Il s'en plaignit à elle, souvent. Elle lui répondait toujours que cela était impossible. Une nuit il insista pourtant : »Il doit bien y avoir un moyen ! J'ai besoin de te voir ! , elle se tut un moment avant de lui apprendre qu'il y en avait bien un. Mais que jamais il n'y consentirait. Il avait beau lui affirmer du contraire elle en était certaine. « Dis-moi et nous verrons ! » ordonna-t-il. « La mort. Si tu veux à jamais être avec moi il faut mourir. ». A cela il ne sut que répondre. Il ne voulait pas mourir. Il devait bien avoir un autre moyen. Pour lui prouver que non elle lui permit de lui prendre la main. Il ne put, parce qu'il n'y avait rien à prendre. Elle n'était qu'un esprit. Son corps avait trépassé longtemps auparavant. Ness rentra plus malheureux que jamais, sans savoir que faire.

Il but une gorgée avant d'entamer la fin de cette histoire.

— Le lendemain sa décision était prise. Il fit ses adieux à ses bêtes, retrouva celle qu'il aimait, poignard en main et lui dit : « Puisqu'il en est ainsi je meurs pour toi ». Il s'enfonça sa lame en plein cœur, son sang coula sur le sable éclairé seulement par les rayons blanchâtres des lunes et mourut seul. Son âme s'éveilla aux côtés de sa bien-aimée, sa main dans la sienne, mais devant le maître de la mort. « Mon maître, voilà un nouveau cadeau ! » déclara-t-elle en offrant la main de Ness à la Mort. Il la saisit de son étreinte glacé et la belle disparut. Ness eut beau hurler son nom il s'était offert volontairement à la mort et était désormais son esclave, tandis que celle qui l'aimait n'avait plus pour lui le moindre intérêt. Plus jamais Ness ne fut vu, ses bêtes le pleurèrent, les siens aussi. Ils ne se doutaient pas que le maître de la mort avait son âme qu'il lui avait offert de bon cœur. Tandis que sa bien aimé, elle, attendait chaque nuit dans le désert le prochain amant qui se donnerait tout entier pour elle.

Il baissa la tête, signe que cela était fini.

Les petits le dévisageaient avec des yeux émerveillés.

— Il était vraiment bête ce Ness ! Mourir pour une fille.

— Tu comprendras un jour mon garçon que l'amour peut te pousser aux pires décisions.

— Et elle elle était méchante !

— Elle n'existe pas j'espère ?

Il eut un sourire énigmatique avant de se relever. Un conteur ne dévoilait jamais si son histoire était réelle ou non. 

Les Murmures de l'ombreWhere stories live. Discover now