" Regarde comme dehors c'est sans soleil."

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La Cinquième Lune tardait ce soir-là. Il était tôt dans la nuit. L'été était rude, plus chaud, plus long que d'habitude. Ce n'était pas vraiment un problème pour les habitants. Ils marchaient, couraient, se bousculaient, grouillaient dans les rues bondées, sans se soucier des autres. Concentrés dans leurs casques holographiques, les appels, les messages et les vidéos étaient plus importants que le monde qui les entourait.
Les néons éclairaient la ville de leur lumière aveuglante, sans interruption. Bleu, violet, rose, rouge. Pas de vert, pas de jaune, parce que trop terrestre, trop solaire.
Les voitures aéroportatives fusaient, rapides, dans une direction précise, sans ralentir, pas le moindre accident, jamais.
Et le bruit, le bruit constant, qu'on ne pouvait pas fuir parce qu'il était partout. Le murmure insupportable qui s'échappait du cœur de la cité, un concentré de l'agitation des Hommes et des grincements de leur technologie. Tellement, tellement de bruit !

Un homme observait sa ville, perché en haut d'une falaise de roche noire, assis les jambes dans le vide.
Ses yeux lui faisaient mal à force de parcourir cette fourmilière étincelante.
Ses oreilles bourdonnaient à force d'entendre ce brouhaha sans fin.

« - Tout est calme ici, pourtant... »

L'homme se retourna, découvrit un autre homme, pas bien vieux, plus jeune que lui. La lampe de son casque était allumée, permettant de voir son apparence. Un gamin de petite taille, les cheveux noirs en désordre, aussi sales de suie que son visage rond et candide. Les yeux très bleus, grands ouverts, rieurs, un sourire enfantin avec un petit défaut de dentition qui renforçait cette allure de petit garçon.
Pourtant son corps n'avait rien de celui d'un enfant: une musculature fine, des épaules robustes, ses jambes semblaient être taillées pour la course. Il portait un débardeur noir, un pantalon cargo qui devait être beige avant, des chaussures de sécurité et des bandages aux mains.
Ce petit travaillait sûrement dans un garage...

« - Tu veux quoi, gamin ?
⁃ Je m'appelle Sonori, et toi?
⁃ Venkril.
⁃ Cool ! »

Le petit s'assit à côté de lui, et observa. Sa tête était relevée, n'accordant aucune importance à la ville, ses yeux fixaient le ciel.
Il sourit.

« - Tu sais Venkril, les gens en bas sont moches.
⁃ Moches?
⁃ Oui, ils sont vides, ennuyants. Là-haut tout est bien plus beau.
⁃ Là-haut? Tu fixes le vide, là.
⁃ Non. »

Il rit, la phrase semblait être drôle pour son esprit. Il continua de regarder en l'air, il avait l'air tellement heureux de ce qu'il voyait.

« - Les étoile sont belles, elles sont vivantes.
⁃ T'es sûr que ça va petit? Tu devrais rentrer chez toi.
⁃ Tu dis que je fixe le vide alors que je regarde le ciel. Je regarde les étoiles. Dis-moi, as-tu déjà rencontré quelqu'un avec des étoiles dans les yeux ?
⁃ Non ?
⁃ Alors tu ne regardes que du vide. »

Venkril tourna la tête et fixa les yeux étincelants du jeune homme à côté de lui.
Pour la première fois, il ressenti de la chaleur en regardant quelqu'un.
Ce gosse ne devait pas avoir la vingtaine, mais il semblait en savoir bien plus sur la vie que tous les habitants de cette planète.

« - T'as quel âge gamin?
⁃ J'ai 19 ans.
⁃ T'es pas trop vieux pour dire des trucs dans le genre ?
⁃ Quels trucs?
⁃ Tes histoires d'étoiles et de vide.
⁃ Venkril, tu ne crois quand même pas que l'on est seul dans l'univers...
⁃ C'est pas mon truc les histoires d'aliens.
⁃ Friday, affiche MAP 1015. »

Son casque fit s'afficher devant eux une énorme carte holographique, représentant  l'espace. Venkril était impressionné par les détails.

Un petit système était représenté, leur système, composé de la planète en plein milieu, autour de la quelle tournaient inlassablement cinq Lunes plus ou moins grosse.
Ces Lunes servaient de calendrier des saisons, elles produisaient de la chaleur ou non, qui parvenait jusqu'à la planète centrale. Chacune Lune représentait une saison, soit automne, hiver, printemps, été et suspend. Cette dernière saison était la période entre l'été et l'automne, car elle n'était pas comme sur Terre, le temps semblait s'arrêter. Les feuilles ne tombaient pas, il ne faisait pas froid. Mais il ne faisait pas une chaleur insoutenable, les eaux ne s'asséchaient plus. La Cinquième Lune annonçait le début de cette nouvelle saison.

La Cinquième LuneWhere stories live. Discover now