Ils triomphèrent, bien sûr. Tout soldats d'élites qu'ils étaient, ils ne pouvaient pas se permettre d'autres pertes et étaient prêts à se battre, même sans s'y attendre. Se battant comme une seule entité, Alix et Léa éliminèrent la moitié des Yeux-Vides à eux-seuls. Esquivant les balles et achevant leurs ennemis, les autres soldats avaient tués le reste aussitôt. Le silence retomba sur le champ de bataille lorsque Aure retira sa lance du dernier homme – aux yeux verts – qui s'effondra au sol dans une flaque de sang, rejoignant ses camarades tombés avant lui. Tous haletant et reprenant leur respiration, ils se fixèrent, les yeux grands ouverts, laissant la lumière violette de leurs iris éclairer leurs visages encore déformés par la folie du combat et l'exaltation du meurtre.

Certains étaient légèrement blessés, Alix le remarqua aussitôt. Luc s'était visiblement pris des coups violents au visage, sa lèvre et son arcade droite étaient fendues. Vu la respiration sifflante de Niel, il devait avoir des côtes cassées. Aure boitait, mettant le moins de poids possible sur sa jambe gauche. Alix lui-même avait été effleuré par une balle à l'épaule, et c'était le cas pour plusieurs autres de ses soldats, touchés aux cuisses ou même aux bras, mais rien de sérieux ne pouvant mettre leur vie en danger.

Ils ne pouvaient pas traîner ici. Leur situation était trop bancale. Même si la nuit n'était pas finie, Alix aboya deux fois, ordonnant le rassemblement, autorisant les Chiots à rouvrir les yeux pour quitter leur formation, rejoignant les plus âgés et reprenant les rangs pour se remettre en marche.

Niel s'approcha de son général, l'air rongé par la culpabilité et frottant nerveusement la tâche de naissance sur sa joue.

« Alix, commença-t-il à mi-voix, je –

-Je prends la tête. Rejoins les rangs arrière. »

Et sans attendre plus longtemps, il transmit le rôle de guide à Léa en lui pressant rapidement l'épaule, avant de fermer les yeux et de filer dans la nuit, prenant le poste de l'éclaireur. La Seconde leva alors la main, éteignant les lumières violettes et partant à sa suite.

Les traques des Chiens étaient toujours silencieuses, mais ce silence était normalement réconfortant car habituel. Cette fois-ci, le silence était oppressant voir même menaçant. Loin devant, Alix prenait le rôle que Niel aurait normalement dû assurer, tendant l'oreille, s'assurant que la voie était libre pour que les autres puissent continuer d'avancer sans encombre. Il ne réfléchissait pas trop pour ne pas entraver son instinct et ses réflexes, mais quelque part au fond de lui il savait ce qu'il allait devoir faire le lendemain matin.

Le chemin retour dura bien plus longtemps que l'allée. Alix n'était pas un éclaireur, et malgré son adresse et sa maîtrise de la détection sensorielle aveugle, il n'avait pas l'habitude de surveiller les alentours comme un éclaireur devait le faire. Il prit plusieurs mauvais tournants, s'arrêtant à chaque fois pour se remémorer la carte des tacticiens et retrouver la route. Il retrouva finalement le chemin de la ville, non sans peine mais sans avoir repéré d'ennemis – qu'il aurait de toute façon tués au passage. Il rejoignit Léa, une fois aux frontières des bâtiments, ouvrant les yeux pour vérifier l'état de ses recrues et la présence de tout le monde, retournant à leur caste sans plus tarder.

« Allez soigner vos plaies, ordonna-t-il en ouvrant les deux lourdes portes. Je sais que vous êtes tous épuisés, alors je ne vous impose pas de débrief. Allez-vous reposer. »

Maintenant la porte ouverte, il laissa entrer ses soldats, en profitant pour les analyser. Même les Chiots ne s'étant pas battus avaient l'air à bout de forces et présentaient des égratignures causées par la marche.

« Gén- Alix... »

L'apostrophé se retourna, arraché à sa contemplation. Tout à l'arrière, Jess peinait à soutenir un jeune garçon, qui semblait à moitié inconscient, la tête pendante.

PurpleWhere stories live. Discover now