Chapitre 5

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Quand Anaïs se réveilla, une vision familière l'accueillit. Elle se frotta les yeux avant de se placer en position assise, puis posa ses paumes dans le sable tiède du désert gris. Décidément, elle avait beaucoup d'impressions de déjà-vu.

Son regard se déposa sur le jeune homme, toujours sous sa forme humaine, à ses côtés, assis quelques mètres plus loin. Il observait le collier qu'il lui avait dérobé, perdu dans ses pensées. Quand il remarqua que la jeune femme était consciente, il rangea le bijou dans sa poche et se releva.

- On est où ? s'enquit Anaïs encore groggy de sa perte de conscience.

Avant qu'il ne puisse répondre, une magnifique femme à la crinière noire et à la peau brune apparut derrière le jeune homme. Elle était coiffée d'un disque solaire entouré de deux cornes de vache. Petit à petit, la lumière frappa son esprit. Le désert, l'ankh, la tête bizarre qu'elle avait aperçu sur le jeune homme sur les quais, la tenue étrange de la jeune femme...

Ok, si je me souviens de mes cours d'il y a quelques années... Ça nous donne Anubis et Isis. Vraiment ? pensa-t-elle en roulant des yeux face à l'absurdité de la situation.

Isis agrippa le bras d'Anubis pour lui parler à voix basse. Anaïs ne put déchiffrer que quelques mots : "retour", "amulette" et quelque chose qui ressemblait étrangement à "qu'est ce qu'on va faire d'elle".

Anaïs commençait à perdre patience. On ne lui avait toujours pas expliqué où elle était et comment elle s'était retrouvée ici. Elle se releva vivement et s'approcha de la paire, poings serrés.

- Excusez-moi, allô, est-ce qu'on peut m'expliquer ce que je fous là ? cracha-t-elle d'un ton sarcastique.

Un "tsk" franchit les lèvres d'Isis alors qu'elle dévisagea la jeune femme, la détaillant de la tête aux pieds.

Eut-elle été dans un cartoon, une veine prête à éclater aurait fait son apparition sur la tempe d'Anaïs.

Déesse ou pas, pour qui elle se prend celle-là ?

Anubis daigna enfin reposer son regard sur la jeune humaine et, après une dernière œillade à Isis, déposa sa main sur son coude et la tira en avant.

Anaïs se dégagea avec hargne de sa prise, mais continua néanmoins à le suivre. Le Dieu soupira, mais ne releva pas le geste.

Après environ dix secondes de marche, l'impatience d'Anaïs éclata une seconde fois.

- On va où ? Et on est où ?

Nouveau soupir d'Anubis. Celui-ci s'arrêta pour focaliser son attention sur la jeune femme.

- Là, nous sommes dans le Douât et nous allons au Champ des offrandes. 

Anaïs acquiesça, mais ses yeux et sa moue contrite trahissaient son incompréhension.

- Bon, tu es dans l'au-delà. Nous allons au pays des Dieux et des Bien-heureux.

- Ok, répondit-elle, pas le moins du monde dérangée par cette révélation.

Après avoir atterri dans un désert gris et avoir rencontré des prétendus Dieux égyptiens, Anaïs n'était plus à ça près. Seule question qui demeurait : si elle était dans l'au-delà, était-elle morte ? Si c'était le cas, elle était presque plus rassurée qu'autre chose de constater qu'il y avait bien quelque chose après la mort. Elle avait vécu une vie simple et ne s'inquiétait nullement du poids de son âme.

Anubis se remit en marche et œilla la jeune femme.

- Tu le prends surprenamment bien, enchaîna-t-il, la curiosité vibrant dans sa voix.

Elle haussa les épaules, désinvolte.

- Je me dis "pourquoi pas". Puis c'est toujours plus intéressant que de récurer des chiottes.

- Ah, tu es une domestique. Ça explique ton langage, s'exclama-t-il, un air de compréhension et de pitié plaqué sur le visage.

- Ça te pose un problème ? marmonna-t-elle, renfrognée.

Nouvelle œillade en biais d'Anubis.

- Non.

Au loin, Anaïs put enfin apercevoir un changement de paysage. Devant eux, une simple porte tenait en équilibre sur le sol, aucune structure ne l'entourant. Mais ce qui était le plus surprenant, c'était les deux colosses à tête de crocodile qui gardaient ladite porte. Ils avaient chacun une lance et étaient parfaitement immobiles.

Tellement immobiles qu'on aurait dit des statues.

Pourtant, quand ils s'approchèrent de la porte, le regard des gardes glissa sur Anaïs. Un frisson parcourut immédiatement sa colonne vertébrale. Leurs yeux ne décollaient pas de sa personne et étaient attentifs à ses moindres mouvements. C'était glauque, et un peu angoissant.

Instinctivement, elle se rapprocha d'Anubis pendant que celui-ci poussait la double porte afin de l'ouvrir. Derrière celle-ci, elle ne pouvait distinguer que les ténèbres.

Ok, il y  des portails dans l'au-delà, nota-t-elle mentalement.

Sans poser de questions, elle le talonna de près pour traverser la porte.

Ils atterrirent dans un long couloir qui semblait encore une fois infini, avec des centaines de portes de chaque côté. La structure était en grès beige et était éclairée naturellement. Anaïs supposa que c'était par le même procédé utilisé dans le désert dépourvu de soleil, puisqu'il n'y avait ni torches, ni fenêtres laissant filtrer le soleil.

Quand elle se tourna vers Anubis pour lui demander où ils étaient, elle faillit bondir de surprise. Son apparence avait changé en traversant le portail : il avait recouvré sa tête mi-chacal mi chien noir et son pagne blanc. La réalisation la frappa de plein fouet.

- C'était toi, accusa-t-elle Anubis en le pointant du doigt. Dans mon rêve... Ah, je m'en souviens parfaitement maintenant.

Sa gueule s'entrouvrit légèrement pour déverser ses paroles. C'était un spectacle assez atypique.

- Hm... Je cherchais le collier et savais que tu étais en sa possession. J'avais juste besoin de te localiser. Tu m'as facilité la tâche en m'appelant, ricana-t-il.

- Donc ce n'était pas qu'un simple rêve.

- Non.

- Et qu'est ce qu'il a de si important ce collier ? Et il est où ?

Anubis sortit de son pagne le bijou et l'agita devant son nez.

- Tu verras, dit-il en rangeant l'objet.

- Je verrai, je verrai... On arrive quand ?

- Bientôt.

Le couloir paraissait interminable. Après ce qui ressemblait à dix minutes de marche (en tout cas, c'était l'impression qu'elle avait), le couloir se scinda en deux, révélant deux énormes portes en bois, gardées par des hommes avec une tête de serpent pour la porte de gauche et une tête de taureau pour celle de droite. Sur la porte de gauche, Anaïs put distinguer une gravure : une balance avec un cœur dans le plateau de gauche et une plume dans celui de droite.

Sur la porte de droite, celle vers laquelle ils se dirigeaient, le même style de gravure représentait cette fois des épis de blé.

Les deux gardes à la tête de taureau suivirent encore une fois tous les faits et gestes d'Anaïs, comme s'ils s'attendaient à ce qu'elle explose à tout instant. Ce qui serait le cas s'ils n'arrivaient pas bientôt à destination et si le Dieu à ses côtés ne commençait pas à répondre à ses questions.

Enfin, ils traversèrent le dernier portail avant d'atteindre leur point d'arrivée.

Les Dieux du Nil - Tome 1 : La quête d'Anubis [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant