Premier

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L'alarme retentit d'un seul coup. En sursaut et paniquée, je me lève de mon lit, froissant ainsi mes draps blancs. J'ai peur, j'ai froid, je suis brusquée. Aucune lumière n'est allumée dans la pièce, aucun son au dehors. Étrangement tout est calme. Il n'y a que cette alarme, assourdissante, qui vrombit inlassablement, écrasant mon ouïe, broyant mes tympans. La peur enlisée dans mon ventre, l'adrénaline me pousse à mettre mes chaussures, prendre mon bipper et ouvrir la porte. Sortir de ce placard qui me sert de chambre. En sortant alors, aucun bruit. Rien, personne n'est présent. Et l'alarme est bien présente. Chacun a déjà dû rejoindre la pièce centrale, le clocher. Ma marche se fait rapide et cadencée dans le couloir, les plafonniers éclairent tout juste le passage, faiblement. Quelques portes sur les côtés gauches et droites sont ouvertes, montrant des dortoirs vidés en vitesses, les draps par terre, froissés, d'où la chaleur humaine s'en dégage. Mes pas se pressent un peu plus vers le clocher, le long couloir finit sa route sur un escalier qui descend. Je l'emprunte, parcourant les marches quatre à quatre, toujours sans trop de luminosité, mais mes yeux sont habitués. Je passe le premier palier, continuant de descendre, le bruit commence à se faire entendre. Il y a des gens pas loin. Arrivée au quatrième palier je pousse la porte vitrée et m'engouffre dans le nouveau couloir, qui pour le coup n'est éclairé que par intermittence, en cadence avec l'alarme. Elle résonne encore plus fort, je suis obligée de porter mes mains à mes oreilles. Le brouhaha permanent des gens mélangé à l'alarme ne fait que m'insupporter encore plus. J'essaye de me faufiler parmi tous ces gens, qui cherchent désespérément à se rendre au clocher, qui crient, qui suent et se réveillent. Le capharnaüm qui s'est répandu ici est tellement horrible que je peine à respirer. La peur est toujours bien présente. Jouant de mes coudes je parviens à me hisser jusqu'à l'engouffrement pour rentrer dans le clocher. Mais tout est bondé. Tout le monde s'est rassemblés, les uns plus paniqués que les autres. Incapable d'y voir clair dans cette marrée humaine je monte sur la table à droite, les gens installés dessus se pousse, m'insultant pour avoir écrasé une main, des cheveux, des doigts. Et puis de l'autre côté je vois Timéo. Je redescends de la table et me bats  pour avancer en sa direction. Tout le monde se serre, se colle, piétinent sur place, impatients et peureux. La grande place d'habitude si grande ne ressemble plus qu'à une grotte avec des milliers d'Hommes. Jouant des coudes, et déterminée je parvins enfin à rejoindre Timéo et Alice. Mais au moment de les regarder, ces deux la me fixent. Complètement obnubilés par ma personne, accaparés par mon visage et surtout complètement affolés.

« - Tes yeux... Murmura Timéo

- Quoi mes yeux ? demandais-je

- Ils sont blancs Erra. Ils sont complètement blancs. »

Le choc de l'annonce me laissa en plan. Alice dégluti, Timéo passa sa main nerveusement dans ses cheveux. Mes yeux sont blancs. Et ça ce n'est vraiment pas bon signe.

On me poussa violemment contre mes amis, des cris se firent entendre encore plus fort, cachant même jusqu'au bruit infernal de l'alarme. Mes yeux sont blancs. Et au moment où elle plaça ses pieds sur l'estrade en haut, vers la tour du clocher, les gens se turent. Plus personne ne bougea. Elle regarda tout le monde de son air supérieur. Puis son regard dévia vers nous, le seul groupe qu'elle peut encore craindre. Et son regard se porta sur moi. Je me liquéfia sur place. Incapable de bouger, de respirer, ou même de la défier. Mes yeux sont blancs, et elle les a bien remarqués. Son sourire carnassier ne fait que s'amplifier, comme ma peur. Elle retourna son regard en face de la communauté. Et prononça la bénédiction habituelle. Sans se départir de son sourire, de ses yeux fourbes et cruels. Ses yeux aussi noirs que le fond d'un océan. Et ça. Cet ensemble-là, marqua le premier jour de mon appartenance. Ma première bêtise. Ma fin comme mon début. Le jour de mes vingt ans. 

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