De Mondes Différents

Coup de Fil Innatendu

Il faisait drôlement chaud ce matin, même pour un mois de Juin, alors que la veille avait été une journée plutôt fraîche. Sacré climat.
Le trajet de métro passa anormalement vite comparé aux autres jours, et elle faillit même rater l'arrêt. Elle finit par descendre et marcha jusqu'au lycée. Elle vit Leena, assise sur un banc, toute seule.
« Pourquoi elle est là-bas, toute seule? » elle s'empressa de demander à Sam. Celle-ci haussa les épaules.
« C'est elle qui s'y est mise, ce n'est pas ma faute hein. »
Aspen se tourna vers le banc solitaire de Leena puis finalement elle s'assit en compagnie de ses amies. Enfin, Leena osa s'approcher d'elles.
« Euh, salut..., » elle murmura d'une voix presque inaudible. Sam, comme à son habitude, lui lança un regard sympathique.
« Salut, » lui cria presque Sam.
« Je peux m'assoir? »
Le contraste entre la voix timide de Leena et celle joyeuse de Sam était bluffant. On crut presque voir une scène d'un mauvais sketch humoristique.
Sam lui dit oui, et Leena prit place à côté des trois filles.
« Alors, ça va? »
Leena, trop timide pour répondre, hocha juste la tête en guise de réponse. Aspen, essaya à son tour de faire parler la nouvelle, croyant qu'elle aurait plus de chance après leur promenade de la veille. En vain.
« Bien dormi? Moi je n'ai fait que des cauchemars, » dit elle doucement. Leena lui répondît à peine, au grand désespoir d'Aspen, qui commençait à bien l'aimer. Elle réessaya deux ou trois fois d'engager une conversation, mais rien n'y fit, Leena restait muette. A croire que leur promenade d'hier avait été oubliée.
La sonnerie retentit, et les filles se levèrent pour aller en cours.

Leena fut tirée de son imagination par un bras qui poussait légèrement le sien. Elle tourna sa tête légèrement vers la gauche, et vit Aspen qui lui tendait une petite feuille sur laquelle étaient écrits quelques mots.

Tout va bien?

Elle choisit un stylo et gribouilla une réponse.

Oui.

Aspen ne cacha même plus sa déception face à la sécheresse des réponses de Leena. Elle était néanmoins pas décidée à abandonner. Leena devait savoir qu'elle pouvait compter sur elle!

Tu es sure? Tu n'as pas l'air en forme.

Leena commençait à être visiblement agacée.

Tout va bien.

Je sais que c'est sûrement impoli et égoïste de continuer à demander comme ça, mais je veux juste que tu saches que tu peux compter sur moi dans n'importe quel cas.

C'est gentil.

Leena n'était visiblement pas décidée à répondre un peu plus chaleureusement, et Aspen laissa tomber. Tant pis. Au moins elle savait qu'elle était là si elle ressentait le besoin de parler.
Aspen se retourna vers le prof, et tenta tant bien que mal de se concentrer sur ses paroles. Rien n'y fit, elle n'y arrivait pas. Elle savait même pas de quoi il parlait, et ça ne l'intéressait pas plus que ça non plus. Elle suivit le reste du cours d'une oreille distraite, plus intéressée par ce qui tourmentait ainsi sa voisine de droite. Ce fut un soulagement quand elle entendit la sonnerie, et pour une fois elle fut la première dehors. Elle continua ainsi le reste de la journée, cherchant à éviter Leena au maximum. Si elle n'était pas décidée à parler, Aspen non plus ne lui parlerait pas. Vengeance quelque peu inutile, mais vengeance quand même.
A la pause de midi Leena était introuvable, et ça arrangeait bien Aspen. Sam et Max ne posèrent aucune question, de peur de la vexer. Les cours de l'après-midi furent une attente interminable, durant laquelle elle cessait de se demander ce que faisait Leena. Sam et Max, comme à leur habitude, écoutaient le cours tout en papotant de temps à autre.

Les cours se terminèrent un peu plus tôt pour Leena et Aspen, car leur prof était finalement absent. Elle rentraient toutes les deux en métro, et la rencontre était inévitable. Elle prirent le même métro, et osèrent se regarder au bout d'une dizaine de minutes. Finalement, Aspen brisa la glace en s'approchant levèrent de Leena. A sa grande surprise, cette dernière ne recula pas. L'action d'Aspen semblait presque la rendre contente.
« Tu... ne veux toujours pas me parler? » demanda Leena d'une voix timide.
« Eh, ce n'est pas moi qui ai arrêté de parler ! » fit remarquer Aspen. Leena ne put s'empêcher de rire.
« Ce n'est pas faux, » elle dit d'une voix un peu plus joyeuse.
« Tu ne veux toujours pas en parler? »
« Il n'y a rien de spécial, en fait. Juste... une mauvaise journée. Je suppose. »
Aspen cligna des yeux. Elle voyait très bien ce que Leena voulait dire.
« D'accord. Tu sais que je suis toujours là. »
« Merci. »
« De rien. »
Le métro arriva à l'arrêt de Aspen, et les filles durent se séparer.
« A demain! »
Leena lui sourit avant que les portes ne se referment.

Aspen reçu un coup de fil un peu plus tard dans la soirée. Surprise que quelqu'un l'appelle, elle répondit. C'était Leena au bout du fil.
« Leena? »
« Salut... Je voulais juste... je sais pas trop...parler... » elle dit d'une voix encore plus timide que d'habitude. Mais au lieu de paroles, il y eut un long silence. Pas un silence gênant ou on ne sait pas quoi dire. Non, un silence presque comfortable qui pourrait durer des années qu'on arriverait encore à le tenir.
« Il a fait beau aujourd'hui hein? » Aspen se lança. Elle qui d'habitude n'était pas si téméraire, elle se surprenait elle même.
« Oui c'est vrai ça, » dit Leena. Ça y est, le silence avait été rompu.
Elles discutèrent de tout et de rien, jusqu'à ce que Leena engage une conversation un peu plus sérieuse.
« Je crois que j'aime les filles. » La voix de Leena était difficilement compréhensible tellement elle était discrète. Il y eut encore un silence.
« Aspen? »
« Oui? »
« Désolée. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça d'un coup. Excuse moi. »
« Je crois que moi aussi. »
« Comment ça? De quoi? »
« Je crois que moi aussi j'aime les filles. »
Décidément, les silences commençaient à se faire nombreux ce soir. Aspen réengagea la discussions.
« Et... tu as déjà eu une copine? »
Leena soupira avant de répondre.
« Non. Enfin oui, mais ça ne s'est pas très bien terminé. »
« Raconte. »
« C'est une très longue histoire. » Elle accentua le mot 'très', comme pour dissuader Aspen de vouloir l'écouter. Mais Aspen resta curieuse.
« J'ai le temps. J'ai déjà mangé, et je ne compte pas dormir de si tôt. Allez, raconte. »
« Bon, ok. Mais tu ne le répètes pas, ok? »
« Compte sur moi. »
Et voilà. Elle était incapable d'annoncer son homosexualité à ses amies les plus proches, mais une fille qu'elle connaissait depuis a peine quelques jours était déjà au courant. Quelle logique.