Une Balade en Foret

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Un sourire. C'est fou comme un sourire, un seul sourire, peut avoir un impact énorme. Un sourire, juste deux lèvres qui se courbent légèrement pour former un croissant de lune. C'est incroyable comment deux si petites lèvres peuvent faire battre un cœur si vite. Cœur qui pousse le sang pétillant et presque bouillant d'émotions dans les veines, plus petites les unes que les autres.
Leena ne lui avait fait qu'un seul sourire, et ce n'était qu'un simple sourire d'au revoir. Un sourire poli. Ce n'était même pas un mot, c'était juste un geste.
Aspen ressentait presque la même émotion qu'avec Jessica. Jessica... Elle repensa à tous les moments passées avec sa première et dernière copine, avant de secouer la tête d'un geste frustré, et de se remettre au travail.
Les maths n'étaient malheureusement pas très passionnants, surtout en cet après-midi ensoleillé qui ne voulait qu'une chose : la pousser dehors. Malgré toutes les peines qu'elle eut, elle parvint à se concentrer. En tout cas assez pour finir une partie des devoirs. Elle ferait le reste demain, tant pis. Elle pris son gilet et mît des chaussures, puis sortit de chez elle en claquant la porte. Il faisait plutôt frais pour un mois de juin, et les examens finaux approchaient à grands pas, ainsi que la fin de l'année. Elle était terrifiée à l'idée de terminer l'année et d'être ensuite mise dans une autre classe alors qu'elle commençait tout juste à connaître ses camarades.
Aspen s'enfonça dans la forêt sombre alors que le ciel se couvrait soudainement. Le parfum des fleurs et de l'herbe encore mouillée lui rappelait son enfance. Au loin elle vit une silhouette se dessiner peu à peu. C'était une femme, enfin non, une fille de son âge. Elle ressemblait drôlement à...
« Aspen! » s'écria Leena.
« Leena...? » Le ton d'Aspen était nettement moins enjoué. « Que fais tu ici? »
Leena sourit. Encore ce sourire.
« Je me balade. Et toi? »
« Pareil que toi, je me promenais. Tu habites où, d'ailleurs? »
« Derrière le supermarché, dans une petite rue avec 4 ou 5 maisons... et toi? »
« J'habite dans la rue parallèle à celle du supermarché. On est pas loin je crois, » remarqua Aspen.
« Bon et bien... On peut rentrer ensemble. »
Aspen fit oui de la tête et suivit la nouvelle qui n'avait plus l'air si timide.
Aspen priait pour que leur promenade soit éternelle, qu'elles se baladent dans cette forêt interminable jusqu'à en mourrir. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et celle ci fut douloureuse. Elles avancèrent, un pied après l'autre, discutant de tout et de rien.
« J'espère juste que je vais pouvoir rester assez longtemps, » dit Leena, « je voyage énormément. »
« Oui, ce serait chouette. »
La balade prit fin quand elles arrivèrent à la maison de Leena. Suivit alors un moment de gêne mutuel, car les 'au revoir' entre jeunes amies sont toujours délicats. Elles finirent par se faire la bise et puis un signe de main. Et un sourire.

Tout au long du chemin du retour vers chez elle, Aspen songea à cette balade dans les bois. Elle soupira en ouvrant la porte d'entrée, et trouva sa mère dans la cuisine.
« Ah, te voilà enfin! Où étais tu passée ? »
« Je suis allée dans les bois... »
« Et tes examens alors? Ils vont s'étudier tous seuls peut-être? »
Aspen leva les yeux au ciel. Un geste malheureux qui eut pour effet d'irriter sa mère encore plus. Puis elle se calma.
« Bon, ce n'est rien, tu as encore quelques jours, et puis ça t'a sûrement fait du bien de sortir... tu es sortie avec quelqu'un ? »
« Avec la nouvelle du lycée, Leena. Elle est adorable, » elle dit avec des yeux rêveurs. Son père s'incrusta dans la cuisine et renchérit immédiatement.
« Tu n'es pas sortie avec un garçon j'espère? Tu me le dirais non? »
« Mais enfin, calme toi, si elle dit qu'elle est sortie avec une amie, » le calma sa mère, « et puis de toute façon, elle aura bien un copain un jour. C'est comme ça. Bon, le dîner est prêt, donc à table avant que ça refroidisse ! »
Ils s'exécutèrent sur le champ. 'Si tu savais,' pensa Aspen. Si tu savais qu'il n'y a jamais eu de garçon. Mais il y a eu une Jessica, et ça, ça valait tous les garçons du monde...
La purée était bonne mais la viande pas assez tendre, et le dîner se termina rapidement. Aspen, contrainte à retourner dans le monde des mathématiques, monta dans sa chambre. Mais au lieu d'ouvrir son cahier, elle ouvrit le tiroir de son bureau. Lentement, des photos d'une fille au beaux cheveux bruns apparurent. Jessica. Elle les feuilleta pendant quelques minutes, puis s'arrêta sur une où elles étaient toutes les deux. C'était un selfie qu'elles avait pris au centre commercial, après avoir acheté des chapeaux assortis. Deux sourires se dessinent sur les visages des deux filles.
Les yeux d'Aspen se fermèrent lentement, laissant tomber la photo sur son bureau.

Ils se ré-ouvrirent deux heures et demi plus tard, la nuit déjà tombée et la pleine lune visible dans le ciel rempli d'étoiles. Elle se frotta les yeux en se demandant ce qui c'était passé. Elle rangea la photo, puis se dirigea vers son lit de l'autre côté de sa chambre. Elle bailla, et se laissa tomber dans un monde de doux rêves.
La nuit fut longue et agitée. Les doux rêves habituels se transformèrent en cauchemars terrifiants, et quelques larmes vinrent se déposer sur l'oreiller.

Encore une fois, entre le sommeil et le réveil, Aspen se demanda ce qu'il l'empêchait de tout dire à ses amies. Elles étaient amies, pourquoi ça changerait? On aime ses amies pour qui ils sont réellement au fond, pas qui ils aiment. Qu'une fille aime les filles, ce n'était pas un drame. Comment l'amour peut il être une telle source de haine ? Comment peut-on maltraiter les gens, les ôter de toute humanité, pour un amour? Un simple amour. Une passion. Une flamme, qu'on s'empresse d'éteindre petit à petit. Chaque geste, chaque violence est un pas en une direction qui ne nous mènera nulle part.
En plus, ses amies étaient ouvertes d'esprit. Il n'y avait strictement aucune raison de s'inquiéter. Et pourtant, chaque fois qu'elle voulait le leur dire, sa bouche demeurait muette et les mots se faisaient rares. Aucun son ne parvenait à sortir de ce chaos intellectuel. Aucun. Elle le voulait, elle le voulait plus que tout. Ça ôterait un poids de son cœur et de ses épaules. Mais non, ça ne voulait pas sortir.

Aspen se rendormit sur ces pensées, tournant et se retournant dans son lit. Les pensées se coursaient dans sa tête et refusaient de la laisser tranquille.

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