Je me crispai, comme sous l'effet d'un coup et me remis à trembler. Je ne voulais pas qu'il me questionne, je voulais juste être seule, tranquille, ne penser à rien. Même si le dernier point était impossible, puisque je ne pensais qu'à ça, seule. Les lèvres tremblantes, je sentais mon souffle se coincer tandis que mon désir de disparaître me heurta de plein fouet et je déglutis difficilement.

— Ne me demandez rien... S'il vous plaît, ne me demandez pas...

— Je t'en prie...

Son ton suppliant me brisa le cœur.

— Je... je ne peux pas !

Il lâcha mon visage et resta silencieux une nouvelle fois. Comme si je n'avais pas assez pleuré de la journée, des larmes coulèrent lentement le long de mes joues. Je me sentais prise au piège, absolument démunie face à lui, à sa détermination à me faire cracher la vérité. Il n'allait pas me laisser en paix, que ce soit aujourd'hui ou demain. Il me harcèlerait jusqu'à ce que je lui dise tout. Dans ma tête, une petite voix murmura : pourquoi retarder, dans ce cas ?

— Ma sœur... Ma petite sœur..., répétai-je en me balançant malgré moi.

Je m'interrompis et déglutis, tandis qu'il patientait, sentant que, malgré mon insistance à refuser de parler, j'étais doucement en train de m'ouvrir à lui.

— Elle n'a que treize ans... Elle est complètement amoureuse de Laurent... Son petit frère est dans la même classe qu'elle et elle... ferait n'importe quoi pour... pour pouvoir...

Je butai sur les mots, mais il fit preuve d'une extrême patience, me laissant m'exprimer sans m'interrompre. Je pris une profonde aspiration et m'acharnai à regarder le bout de mes doigts tandis que ma gorge se serrait et mes larmes continuaient de couler. J'ignorai les trémolos de ma voix.

— Laurent le sait... Il serait prêt à en profiter pour me faire payer de parler. Et il serait prêt à... lui faire du mal.

— Comme il t'en a fait à toi ?

Le ton de sa voix était sourd, je devinai que, sous son calme apparent, il bouillait de rage et d'indignation. Je me tassai sur moi-même et attendit qu'il reprenne la parole, ce qu'il ne fit pas. Il devait attendre que je confirme ses doutes, que je lui avoue tout. Résignée, je dissimulai mon visage dans mes mains.

Il sait, pensai-je, atterrée.

— Oui, avouai-je, en proie à une soudaine crise de larmes.

— Qu'a-t-il...

Il s'interrompit, souffla et, à travers mes doigts, je vis sa mâchoire se crisper.

— Que s'est-il passé ?

Dans ma douleur, j'avais soudain besoin de me confier, enfin. J'avais besoin d'aide, je le savais, même si je refusai cette aide. J'étais à bout, je le sentais. Mon épuisement eut raison de ma conscience et c'est avec une immense lassitude que ma langue se délia. Les mots sortirent d'eux-même, comme si j'avais pensé à voix haute, d'une voix faible et apeurée. Je détestais soudain l'image que je devais donner.

— On s'entendait si bien, on était vraiment amis. Je lui disais presque tout, il savait beaucoup de choses... Il était attentionné et compréhensif. Je ne sais pas pourquoi, je ne comprends pas, qu'est-ce que j'ai fait ?

Ma voix se brisa et de nouveau, les bras de M. Baillet m'entourèrent et j'enfonçai mon visage dans son pull, pleurant tout mon saoul, secouée par les sanglots, frissonnante à repenser, malgré moi, à ce qu'il s'était passé.

— Il t'a frappée ?

Je déglutis, repris mon souffle et serrai mes doigts sur son pull en secouant la tête.

Ne pleure pas mon angeWhere stories live. Discover now