Chapitre 3

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Je passai une nuit relativement paisible. Malgré les mêmes cauchemars que dans l'après-midi, le fait d'avoir parlé à mon prof m'avait soulagé l'esprit et, pour la première fois depuis quelques mois déjà, je me levai sans avoir l'impression d'être misérable, ainsi que sans avoir envie que la journée soit déjà finie. Au contraire, j'avais hâte qu'elle dure plus longtemps en sa compagnie. Mon cœur s'affola en pensant à Baillet et mon corps se réchauffa sensiblement. Je fus un instant choquée d'éprouver enfin quelque chose de positif.

Ce qu'il faisait naître en moi était dangereux, j'en avais pourtant bien conscience.

J'étais en train de m'accrocher à mon professeur, bien plus que je ne l'étais déjà. Le fait qu'il soit devenu mon sauveur comme mon confident ne m'aidait pas à faire autrement et je n'étais pas en mesure de résister au nouvel attrait qu'il avait sur moi. Combien de fois n'avais-je pas rêvé qu'il vienne à mon secours ? Combien de fois l'avais-je imaginé arriver pour une visite surprise dans mon entreprise, pendant que Laurent me faisais du mal, pour qu'il me sauve de lui.

Avec Laurent, j'avais tout essayé. Lorsque je m'étais mise en arrêt de travail, il avait proposé à son petit frère d'inviter Victoria chez lui, dans une menace subtile, mais claire. J'avais été tellement morte d'inquiétude que lorsqu'elle était rentrée, je n'avais pu m'empêcher de la réprimander. Nous nous étions disputées, encore une fois, ce qui était fréquent quand il s'agissait de Laurent, mais j'avais compris le message et j'étais aussitôt retournée travailler.

J'avais alors commencé diverses tactiques, mais quoi que je dise, quoi que je fasse, rien ne semblait l'affecter : pleurer, ne rien faire du tout, simuler, tout. J'avais malheureusement été trop peu convaincante pour qu'il marche dans mes divers coups de bluff. La seule fois où j'avais osé simuler, il m'avait étranglée. Alors, il avait découvert qu'il aimait ça et avait renouvelé. Depuis, je portais des cols roulés pour cacher les marques de ses mains autour de mon cou.

Quand j'y pensais, j'avais le sentiment qu'il nous croyait dans une sorte de couple malsain. Son attitude n'avait jamais changé, hormis les passages dans la chambre froide, il était le même, comme si ce qu'il m'y faisait n'était qu'une étape sordide de notre relation. Comme si je l'avais tacitement autorisé à se rapprocher, à me conquérir. Et à chaque fois que j'avais cette pensée, j'avais des haut-le-cœur.

*****

La matinée commença avec la seconde partie du cours de pratique que j'avais raté la veille. En pénétrant dans le labo, aucun de mes camarades ne me demanda où j'étais passée. Je remarquai cependant un regard d'Antoine et je me rappelai avec labeur qu'il avait été le seul à demander au chef s'il m'avait trouvée. J'esquivai son regard, comme avec les autres garçons et rejoignis mon plan de travail de la veille.

J'avais spontanément choisi celui près du chef, ce qui était un problème, ce matin. S'il devait travailler à côté de moi toute la matinée, ça allait être difficile de me concentrer, avec le retour de mes émotions, après un temps en sommeil. Cependant, je devais reconnaître que c'était le choix le plus sensé : il s'agissait du seul plan de travail que je n'avais pas à partager.

Je m'y installai en me mordant la lèvre inférieure tandis que Baillet entra à ma suite et me salua avec un regard étrange. Je compris qu'il était étonné que je ne sois pas venue plus tôt, après son invitation à le rejoindre pour discuter. En vérité, je n'avais pas osé. Après avoir tenté de me rappeler le brouillard de la veille, j'étais parvenue à la conclusion que je n'avais plus envie de me souvenir de cette journée, de ma tentative de suicide, de mes confidences. Celles-ci étaient encore bien trop douloureuses et me rendaient trop malheureuse pour que je veuille m'épancher à nouveau. Je n'y étais pas prête.

Ne pleure pas mon angeTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon