Chapitre 13 - Le Géant

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Je dois me calmer. Lenn m'a aidé et toujours il a su faire ce qu'il fallait. Peu importe la manière qu'il l'a fait. Au fond, ses satanés poudres marchent !

—    Va voir le soleil levant, lui dit Val, cela devrait t'inspirer un peu de calme.
—    Bonne idée, souffle le jeune homme dont les tatouages ont encore une teinte rosée. À tantôt.

Il prend la direction du pont, puis laisse tomber vers Lenn :

— Merci Petit Mage.

Les Shoof entourent Lenn pour le calmer et le rassurer. Parfois, ils oublient la grandeur et la force de Galenn. Son statut de blessé dans la caverne est du passé. Maintenant, le Guerrier les domine en tous points.

Lorsqu'il monte doucement par l'écoutille, Galenn distingue la voix flûtée de Ja qui affirme à ses compagnons :

— Jamais il ne nous fera du mal, j'en suis sûre. Faites-moi confiance. Il est grand et a beaucoup souffert, c'est tout.

Galenn reste interdit un instant en entendant cela. La confiance de la plus petite des Shoof le touche et il se promet de faire davantage attention à ses vieux réflexes de guerrier sans peur. Il n'est plus sur un champ de bataille. Ce sont des amis.

Des amis, quelle drôle d'idée : nouvelle et incompatible avec ma vie... enfin mon ancienne vie.

Il secoue la tête et arrive sur le pont. Il éprouve encore des difficultés à coordonner ses mouvements avec ceux de la houle qui fait tanguer le navire.  Il fait de petites pauses dans ses déplacement, tentant de reprendre possession de son corps et de son cœur. Les marins, eux, se déplacent tout naturellement dans ce balancement continuel. Galenn, qui leur a montré toute sa grâce naturelle la veille, reçoit de petites tapes sur l'épaule ou aperçoit quelques sourires tout aussi moqueurs qu'encourageants sur son passage.

Comment se rendre sympathique à une bande de marins !  Me voici la mascotte du plat bord !

Finalement, il se retrouve près de l'avant du bateau. La proue monte et descend en cadence avec les vagues.  Galenn étire son regard et cherche l'horizon, comme on lui disait de le faire hier, mais il faisait noir lors de l'appareillage... il en perdait la fameuse ligne d'horizon. Mais ce matin, il fixe l'horizon et constate en effet que, de concert avec l'action de la substance que Lenn lui a soufflée, il se sent un peu mieux. Il devra penser à remercier le Shoof qu'il a transpercé impitoyablement de ses yeux tantôt.

Le bateau est un très grand trois mats, qui défie le ciel et les vagues. Il les fend comme si elles étaient faites de poudre d'eau ! De chaque coté de la figure de proue, représentant une créature des mers aux longs cheveux, avec une physionomie masculine qui regarde au loin avec détermination, Galenn respire pour la première fois à pleins poumons depuis la veille. En se tenant près de la proue, il reçoit la bruine de la mer, ce qui achève de le réveiller et de lui éclaircir les idées.

Il revient vers l'arrière du Géant et se décide à donner de l'aide aux matelots qui sont en train de nettoyer les lanternes qui sont restés allumées toutes la nuit. Il s'assoit auprès d'eux et le fait de s'occuper les mains l'aide aussi à oublier les résidus de son malaise.

Ensuite, il va vers l'arrière du navire et se retrouve auprès de la barre de direction, tenue par le second, Mikral le Barbu. Ils se sont rencontrés la veille lors du souper de  l'équipage du bateau, avant que l'estomac de Galenn ne se fasse tirailler par la haute mer. Le jeune guerrier a grandement apprécié l'attitude calme et ordonnée de Mikral, ce vieux loup de mer à la face burinée par le vent et le soleil.

—    Comment te sens-tu ce matin Galenn de l'Autre côté ? lui lance Mikral d'une voix forte afin de couvrir le bruit du vent, des vagues et des gréements qui grincent.
—    Mieux, Second maître Mikral, merci. 
—    Tant mieux moussaillon !  Tu devrais être de mieux en mieux dans la journée. Surtout que la mer va se calmer lorsque nous atteindrons le miroir.
—    Le miroir ?
—    Oui, tous les bateaux s'y font prendre, comme nous lors de nos voyages précédents. C'est une section de l'océan qui est toujours aussi lisse qu'un miroir. Tu vas te sentir à l'aise dans cette étendue de calme.  Même la mer est silencieuse, tu vas voir, c'est assez impressionnant.
—    Mais le bateau va s'immobiliser ! s'inquiète Galenn. Nous serons pris dans un piège, immobilisé sur place !
—    En effet. 
—    Mais ? questionne Galenn, surpris par le manque d'inquiétude de l'homme.
—    Héhé, petit, tu devrais voir ta mine ! rigole le vieux marin. Mais, ne t'en fais pas, les vagues reprennent parfois, dès le soir venu.
—    Toute une journée de perdue à faire du sur place...
—    Oui, si ce n'était de la Capitaine, ce serait le cas.
—    Et que fait la Capitaine Kalya Min Biggor pour sortir un bateau d'un tel tonnage de ce miroir ?
—    Tu verras ! déclare le marin avec un clin d'œil.  Tu verras !

Galenn - Le chemin des PierresWhere stories live. Discover now