Chapitre 7 - Les Bayous

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Sous les yeux étonnés de Galenn, Val flatte doucement avec de grands gestes sur la poitrine du plus gros des Bayous et une grande poche rosâtre s'ouvre en effet.  
Non, c'est pas vrai ! Je ne vais pas entrer là dedans et voler... dans les airs ?

— Je... je crois que je vais... marcher et vous re... rejoindre... articule tout bas Galenn, qui sent ses jambes trembler.
— Galenn La Breïss, voyons, fait Ja d'une douce voix.  On va y allez ensemble.  Tu verras, on sera très bien, à l'abri et nous arriverons bien plus vite à la mer.
— Non. Pas question. Je vais courir et cela ira. Allez-y !
— Voyons Le Grand ! riposte Xen. Tu vas pas t'arrêter à si peu !
— Xen ! riposte Ja. Pas comme ça.

Galenn les prends alors tous par surprise, alors qu'il pose une main sur le manche de son épée, fait descendre Ja de son épaule et se recule d'eux, l'air menaçant.

— J'ai dit « Non » ! grogne-t-il en s'éloignant du monticule rocheux. J'ai monté votre petite cheminée et votre couloir étroit.   C'est assez.  Je n'entrerai pas dans la poche thoracique de ce Bayou, même si c'est doux et confortable.  Même si c'est plus vite.  Je veux du sol sous mes pieds ou un destrier solide qui a le sol sous ses sabots.  Pas une poche thoracique qui monte dans le ciel !

Galenn est impressionnant, les yeux flamboyants, les cheveux au vent et l'épée en partie déployée.  Xen, Val et Ja ont reculé, indécis et à vrai dire, même apeurés.  Mais Lenn, à la surprise des autres Shoof, s'avance vers le guerrier qui le surplombe, les poings fermés et ployant sous le poids de son sac à dos :

— Tu as raison Galenn, dit-il, la voix ferme. On ne va pas entrer là dedans. Je suis avec toi !
— Lenn ? Qu'est-ce qui te prends ? demande Val.
— Ne t'approche-pas Val ! Je suis du même avis que Galenn. Voler avec les Bayous... non !

À ses mots, les Bayous grondent un peu. Lenn qui voit qu'ils les a froissés, leur lance un petit sourire incertain que Galenn ne peut voir.

— Galenn, tu m'as dit quand nous avons grimpé que tu étais prêt à me porter avec mon sac ?
— O...oui.
— Alors, c'est le temps Le Grand. Mets-moi sur ton épaule et on part, ajoute Lenn d'une voix autoritaire.
— Lenn... attends, fait Ja.
— Non, c'est ce que je dois faire, affirme le Shoof.

Galenn tend sa main ouverte pour que le Shoof s'y accroche et le pose, tel un hibou, sur son épaule. Lenn s'agrippe d'une main solide à la tunique de l'homme.

— Range l'épée, Galenn.  Maintenant.  Nous partons.

Rassuré de ne plus être seul dans ce chemin, Galenn obéit. Lenn observe le sol autour de Galenn puis, il ouvre son poing qu'il gardait fermé depuis le début et souffle dedans. Une poudre ocre s'envole vers le visage de Galenn alors que le Shoof saute habilement jusqu'au sol en criant :

— Poussez-vous !

Galenn, surpris par le geste prend une grande respiration pour protester mais inspire ainsi la poudre. Il n'a que le temps de voir Lenn à ses pieds qui fuit le plus rapidement possible, puis le sol lui saute littéralement au visage, et ensuite,  le noir complet l'enveloppe. Il entend Ja,  dans un gouffre d'inconscience :

— Galenn !
— Bien joué Lenn ! admire Val. Un sang froid et une maîtrise du saut que tu n'as pas souvent !
— Merci ! Venant de toi, c'est rare.
— En effet, ajoute Xen, bien joué.
— Bien joué ! rage Ja. Il a failli se briser le nez au sol ! Imagine qu'il soit tombé sur un caillou, ou pire : déboulé dans une pente.
— Je sais que tu as un faible pour l'homme bronzé, fait Lenn tout en riant du rose qui monte aux joues de la petite Shoof. Mais j'ai calculé mon coup, cette fois-ci.
— Il fallait que quelqu'un réagisse, confirme Xen. Il devenait menaçant envers nous.
— Jamais il ne nous ferait du mal ! proteste Ja. Il avait peur.
— Justement : un guerrier qui a peur est plus dangereux encore, fait Val.
— Bon, ce n'est pas tout, mais on a un autre problème que le vertige de Galenn...
— Lequel ? demande Lenn.
— Comment allons-nous l'amener dans la poche maintenant.
— Facile, répond Xen qui prend sa flûte et joue de petites notes puis fais des signes vers Brick.

Le Bayou s'avance vers Galenn accompagné par Xen, puis du bout des dents, il  attrape Galenn par son vêtement et l'insère dans sa poche. Rapidement, Lenn l'y suit et, en sortant sa tête de la poche, il dit aux autres :

— Dépêchez-vous ! Je ne sais pas combien de temps la Poudre va faire effet sur Galenn !
— Vous le traitez comme un bagage, s'insurge Ja.
— Un bagage avec une dague et une épée, riposte Val en montant vers la poche thoracique de Brick, qui l'aide en arquant sa patte comme un marchepied. Je l'aime mieux endormi que sous l'emprise de la peur.
— Brick ! Lia ! déclare Xen, amenez-nous vers la mer. Nous recherchons notre ami Virko le Géant. Ouvrez vos yeux, votre sonar et toutes vos habiletés. Je compte sur vous, mes amis. Nous vous aiderons depuis la poche de Brick.

Et Xen rejoint ses amis à l'abri dans la poche, dont l'ouverture se referme dans un pli du thorax. À l'intérieur, il fait bon et chaud. La paroi en est translucide et les Shoof sont témoins de l'ouverture des ailes des Bayous dans un nuage de poussières et de feuilles au vent. Puis, une poussée des jambes les propulsent très haut. Les grandes ailes déployées les amènent à l'apogée du ciel très rapidement. Le paysage se déroulent sous eux et les passagers ressentent ainsi l'altitude qui augmente sous eux.

— J'avais oublié en effet à quel point c'est haut, murmure Lenn.
— Tu as toujours l'option de t'octroyer toi-même un souffle de poudre, rigole Xen.
— Non, non ! réplique le petit mage en s'assoyant sur le sac de Virko. Ça va aller.

Puis, il se tourne vers Val et l'invite du geste à s'assoir avec lui.
Ja, proche du visage de Galenn, observe le profil de l'homme. Oui, elle ne veut pas qu'il lui arrive du mal.  Elle veut l'aider.   À quoi ! Elle l'ignore.  Mais, comme l'a dit leur Géant, il y a une histoire derrière ses tatouages. Et Ja sent que cette histoire a fait souffrir Galenn, et elle ne veut plus qu'il souffre davantage.

Elle est convaincue que sa réaction était dictée par la peur des hauteurs, de l'altitude. Un vertige immense.

Elle formule le souhait qu'il dorme pendant tout le voyage. Elle ouvrira très grands ses yeux de Shoof et lui racontera tout ensuite.

Galenn - Le chemin des PierresWhere stories live. Discover now