Je me retournai pour réceptionner Amara dans mes bras. Elle crocheta ses mains à ma nuque et frotta son nez contre ma joue. Elle en avait le bout tempéré, mais pas au point de m'inquiéter. Les températures chutaient lentement, mais il ne faisait pas encore vraiment froid. Jusqu'à ce que le temps change du jour au lendemain et alors, il faudrait faire attention. Nos petits futurs loups pouvaient très vite tomber malades. Ça arrivait souvent sans prévenir et c'était en cela que ça pouvait être dangereux. Nous avions eu une frayeur avec Annie, qui avait à peine deux ans et qui avait une constitution très fragile.

Nous avions tendance, nous les loups, à oublier que nous n'étions pas prémunis contre tout. Et que nos enfants n'étaient pas immunisés contre les maux les plus sommaires. Être un surnaturel ne protégeait pas de tout et cela les enfants devaient l'imprimer. Ils devaient le comprendre et le retenir. La maladie n'était pas réservée qu'aux humains.

Dire qu'Annie avait failli mourir d'une très mauvaise grippe n'aurait pas été mentir. Et cela avait retourné toute la maisonnée. Ici, nous étions une famille et la perte d'un seul des nôtres était une souffrance intolérable.

Lorsque les plus vieux nous quittaient, c'était aussi un déchirement. Ce n'était pas un adieu définitif, mais tout le monde ne comprenait pas. Pour eux, l'orphelinat était leur maison. Leur chez-soi. Ils ne pouvait pas se projeter si loin.

Comme tous les autres loups dans le monde, dans le pays. Comme tous les autres qui étaient chez eux, avec leurs parents. Qui n'avait pas été abandonné. Qui ne m'avait pas été confié.

Pour une vie meilleure.

Ou pour ne pas être tué. Tout simplement. Bien que rien ne semblait aisé dans ce genre de situation. Jamais.

Je reposai Amara au sol et elle détala presque aussitôt, suivie d'Eamon et de Bijan. Ils étaient respectivement âgés de cinq, trois et sept ans. Avec Annie, la petite dernière de l'orphelinat, ils étaient les plus jeunes. Pas forcément les plus turbulents, mais les avoir à l'œil tout le temps relevait presque du miracle. Heureusement, je n'étais pas toute seule pour réussir cet exploit. Sinon ma tête serait déjà toute blanche et j'aurais eu une durée de vie limitée. Ce qui ne pouvait pas arriver.

Il y avait trop à faire. Il y avait trop d'enfants qui avaient besoin de quelqu'un pour vivre. Juste pour vivre.

Eamon tira sur ma main et je posai un regard bienveillant sur lui. Tous les enfants n'étaient pas là. En tout il y en avait dix. Les plus grands suivaient un programme scolaire dans la ville la plus proche avec une institutrice qui savait mieux que personne comment ils étaient puisque Syrine les connaissait tous et qu'elle savait comment l'orphelinat fonctionnait, elle-même venant d'ici. Mais même si aujourd'hui nous étions samedi, certains des plus grands avaient choisi une tout autre occupation que le loup dans les bois.

— Le premier arrivé au porche, criai-je pour donner le top départ.

Il n'en fallut pas plus pour qu'Amara, Eamon, Emery, Bijan et Maxan détalent vers la maison où Brielle devait déjà les attendre de pied ferme. Je souris en les voyant se pousser un peu pour être sûrs de gagner et pris moi-même la direction de la bâtisse s'offrant à mes yeux.

L'orphelinat ressemblait à un immense manoir construit il y avait bien des siècles et qui avait su supporter les intempéries et les pires tempêtes que ce petit coin de pays ait connues. Nous avions dû bâtir une petite dépendance il y avait de ça dix-neuf ans pour agrandir le tout, mais nous tenions tous dans la maison centrale. Tout avait été pensé pour, et agencé de telle sorte qu'il y ait un espace pour les enfants et un espace pour nous.

La maison tenait certes debout, mais il y avait quelques travaux à effectuer, comme changer complètement la toiture sous risque de prendre l'eau. Nous étions entourés d'hectares et d'hectares de terrains, nous permettant ainsi d'élever des chevaux et du bétail. Nous vivions quasiment en parfaite autarcie, nous débrouillant par nos propres moyens pour ce qui était de la nourriture ou du chauffage. Coupés du monde, nous l'étions. C'était une réalité que j'avais moi-même cherchée à l'époque où j'avais découvert cet endroit. C'était un lieu sûr, entouré d'une immense forêt et bien plus encore, entouré d'une barrière magique. Tout le monde ne pouvait pas venir ici. Tout le monde ne pouvait pas s'approcher de mes enfants.

DE SANG ET D'ARGENT T7 Half of a man [Terminée]Where stories live. Discover now