DE SANG ET D'ARGENT T7 Half of a man [Terminée]

4.1 Honor

Il était debout devant les nombreuses photos accrochées au mur. Il y en avait des centaines. Elles racontaient des histoires, des vies.

C'était un mélange du passé et du présent. C'était un long chemin vers le futur. J'avais toujours pris soin de garder des traces. Il y avait eu les dessins avant. Tous précieusement gardés dans ma chambre.

Chaque mur était recouvert de photos. Les enfants, ceux partis et ceux qui revenaient. Ceux restés, ancrés dans ce lieu jusqu'à ce qu'ils en décident autrement.

C'était une histoire. Un fil rouge qui liait tout le monde, du plus jeune au plus vieux. C'était un album de photos grandeur nature.

Nous étions une famille et chaque moyen était bon pour ne jamais l'oublier.

— Combien sont-ils ? demanda Priam en observant un cliché de Jashue, Ly'ann et Shun.

Je m'avançai vers lui, m'obligeai à garder une distance entre nos deux corps.

— J'ai vu grandir bien des enfants ici, répondis-je. Ils sont onze maintenant.

Je ne pouvais pas ne plus compter Unai. Il n'était peut-être plus là, il ferait toujours partie de cette fratrie.

— Beaucoup sont partis ailleurs et sont dans de grandes meutes. Quelques-uns sont restés.

Ly'ann, Shun et Ebony. J'ignorai ce qu'ils trouvaient ici, ou peut-être que je n'arrivais pas à l'accepter, moi qui souhaitais plus que tout les voir aller dans le monde.

La peur n'était pas la seule chose qui les retenait. C'était plus que ça. Ly'ann adorait la vie ici ; la tranquillité dont il jouissait. Shun finirait pas s'en aller, je le sentais. Il était vieux et il avait envie de voir le monde. Pas juste les États-Unis. Ça allait bien au-delà de ça. Ebony, elle, ne s'en irait jamais. Cet endroit était son ancre, sa vie.

— Et eux ? s'enquit Priam en pointant un cliché où les plus vieux, les piliers de notre toile, se trouvaient.

Jashue était appuyé contre une faucille et Brielle lui disait quelque chose, se moquant ouvertement. Nérys fixait l'objectif, avec une légère moue. On la voyait rarement sur les photos ; elle n'aimait pas ça, mais elle se laissait prendre au jeu pour les plus jeunes.

Mon doigt effleura le cadre.

— Ils sont mes premiers. Les enfants que j'ai aidés parce que je le pouvais.

Pour Jashue, c'était différent. Tout était différent avec lui. Il me rappelait l'enfant que j'avais moi-même abandonnée et que j'avais confiée à Priam.

Il était mon fils. Peut-être celui qu'aurait été ma chair si j'avais bien voulu d'elle.

— C'est une grande fratrie.

Je souris doucement. Oui. Tous frères et sœurs de cœur. Certains liés par le sang, mais ça n'avaient aucune importance ici.

— Savent-ils tous qui ils sont ?

Je me dirigeai vers la cuisine et Priam m'y suivit. Son regard me brûlait. Je le sentis sur moi, comme s'il n'y avait que moi.

Je ne voulais pas me concentrer sur le moment où j'avais senti son souffle sur ma bouche ; caresser mes lèvres et faire se fissurer quelque chose en moi.

— As-tu reconnu certains enfants, Priam ? Sais-tu qui en sont les géniteurs ?

Je me tournai vers lui. Il avait la mine grave. Bien sûr qu'il savait.

Les premières Mains. Toutes liées par un serment. Des frères. Alors Priam savait.

Il savait que Joaquim Weaver avait des bâtards ici.