Chapitre 10

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On fit incinérer Commode au cours d'une cérémonie digne de son rang, mais intime, et sans le faste ni les longs jours de deuils habituellement réservés aux empereurs. Maximus, Lucilla et les sénateurs étaient présents pour saluer sans grande émotion celui que désormais on appelait seulement « le fils de Marc-Aurèle ». Seul le jeune Lucius avait sincèrement pleuré son oncle.

Les semaines qui suivirent ce renversement du pouvoir furent un épouvantable casse-tête pour les sénateurs, qui devait élire et nommer les nouveaux responsables des provinces, et recréer de toutes pièces la structure hiérarchique et décisionnelle qui aboutissait jusqu'au Sénat.

Gracchus s'en donnait à cœur joie, ne comptant pas ses heures ni sa peine, suivi par Gaius et une dizaine de sénateurs motivés, prêts à réinventer une république idéale. Les choses n'étaient pas si simples, mais chaque problème qui se présentait donnait lieu à d'interminables heures de débat et finissait, bon gré, mal gré, par trouver une solution.

Maximus, de son côté, avait renvoyé son armée à Ostie. Il n'avait gardé qu'un millier d'hommes dans la ville et autour du Sénat, pour assurer la sécurité des sénateurs – cette période de transition étant propice aux attentats en tous genres – et transmettre les ordres. Lui, officiellement réintégré dans ses fonctions de général, restait au palais pour régler les ennuis au fur et à mesure qu'ils se présentaient. Le reste du temps, il était libre d'organiser son propre départ, qu'il espérait voir arriver le plus vite possible.

Il avait fait libérer ses compagnons d'arène des prisons du Colisée, avait fait révoquer leur statut d'esclave et leur avait fait verser une récompense en or pour leur permettre de recommencer leur vie confortablement, où ils le voulaient. Il avait fait inhumer Proximo et le grand Hagen avec les honneurs qu'on réservait aux soldats morts en héros, et à cette occasion il avait pu revoir Juba. Le Numidien se préparait lui aussi à repartir vers le sud, dans son pays, et les derniers jours que les deux hommes passèrent ensemble furent chargés d'émotion et d'amitié. Puis, un matin, Juba embarqua sur un navire en partance pour Carthage et ce fut le temps des adieux.

_ Ta femme et ton fils vont t'attendre encore un peu, mon ami, avait dit le grand Numidien. D'ici là, sois heureux et rends-les fiers de toi.

Maximus s'y employait sans le vouloir. Car si ses journées étaient bien remplies par ses devoirs envers la nouvelle république, ses nuits n'appartenaient qu'à lui, et il ne les aurait pas échangées pour tout l'or du monde.

Le jour où Indira était venue le soigner, il s'était abandonné avec délices à ses massages et ses caresses, laissant son corps endolori se détendre et goûter un plaisir bien mérité. Elle avait passé la nuit avec lui. Elle revint la nuit suivante, et la nuit d'après, et finalement cela devint une habitude. Dans la journée, elle ignorait superbement Maximus, se contentant de tenir sa place invisible d'esclave, dans l'ombre de Lucilla. De temps à autres, le général parvenait à lui arracher un regard furtif, un vague sourire, mais la plupart du temps il la regarder aller et s'activer auprès de sa maîtresse sans mot dire.

Le soir, en revanche, alors qu'il renvoyait ses propres esclaves, il attendait avec délice le moment où elle paraîtrait dans ses appartements, complètement changée. Souvent, elle nouait de nouveau ses cheveux en une longue tresse qui tombait sur son épaule, et elle relâchait un peu les rubans de sa stola pour laisser apparaître ses épaules et la naissance de ses seins. Parfois, elle se parfumait, ou mieux : elle apportait des onguents et des huiles exquises dont elle enduisait le corps du général en de longs massages terriblement sensuels dont il ne se lassait pas.

Ils ne faisaient pas toujours l'amour. Parfois, épuisé par ses journées, parfaitement détendu par les irrésistibles caresses de la jeune femme, Maximus s'endormait tout contre elle. À d'autres moments, il la prenait contre un mur ou sur la terrasse, sous le vent tiède de la nuit, ou s'enroulait avec elle dans les draps fins de sa luxueuse couche.

Ombre et poussièreWhere stories live. Discover now