Chapitre 1

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Lorsque Maximus déboucha du tunnel, l'air humide de la nuit lui frappa les narines. Il avait abandonné sa torche derrière lui et ses yeux mirent quelques secondes à s'habituer à la lumière froide de la lune qui éclairait faiblement le paysage. Le tunnel qu'il avait emprunté depuis l'école des gladiateurs débouchait près d'une des portes de la ville, dans un véritable goulot d'étranglement envahi de broussailles, entre deux hautes falaises. L'endroit parfait pour un guet-apens, ne put-il s'empêcher de songer.

Il aperçut bientôt la silhouette à cheval de Cicéron qui l'attendait un peu plus loin, mais son instinct de soldat l'empêcha de se précipiter. Méfiant, il se dissimula derrière d'un fourré et siffla doucement pour attirer l'attention de son aide de camp. Aussitôt, la silhouette sur le cheval tourna la tête.

_ Maximus ! cria-t-il.

Cicéron n'eut pas le temps d'en dire plus. Le cheval, pris de panique, s'échappa au galop, abandonnant son cavalier, auquel on avait lié les mains et au cou duquel on avait passé une corde. Sans son appui, le corps de l'aide de camp se mit à pendre dans le vide, agitant les jambes en un effort aussi désespéré qu'inutile pour reprendre pied.

C'était un traquenard, Maximus l'avait déjà compris. Mais en voyant son compagnon s'agiter misérablement au bout de sa corde, il cessa de réfléchir et se précipitant en hurlant vers lui pour tenter de le retenir.

Il était déjà trop tard. Le malheureux aide de camp n'eut que le temps de murmurer quelques mots d'excuse étranglés : une volée de flèches s'était abattue sur lui et l'avait transpercé. À peine avait-il rendu l'âme qu'une horde de cavaliers dévalait dans le détroit par la droite et la gauche, tandis qu'une impressionnante rangée d'archers se montrait sur les hauteurs. Pour arrêter le plus grand gladiateur de Rome, on n'avait pas lésiné sur les effectifs...

Maximus, impuissant, laissa retomber le corps inerte de son ami; il ne pouvait plus rien pour lui. Il fit quelques pas en arrière, cherchant une issue, et par réflexe il tira son glaive. Mais son arme lui parut soudain dérisoire. Il n'avait qu'elle pour lutter contre la quarantaine de soldats de la garde prétorienne qui fondaient sur lui à cheval. Il n'était pas de taille. Le complot qu'il avait voulu mettre sur pied mourait déjà dans l'œuf et lui-même ne tarderait pas à rejoindre l'autre monde.

Soudain, une silhouette jaillit des fourrés tout près de lui, l'attrapa par le bras et l'entraîna sur le côté sans que Maximus, éberlué, ait le temps de réagir. Une seconde plus tard, la silhouette se retournait, lui faisait un croc-en-jambe et Maximus s'étalait de tout son long dans la poussière.

_ Rampe ! lui intima l'inconnu.

Alors que Maximus cherchait encore à comprendre ce qui se passait, son corps réagit instinctivement à l'ordre qu'on lui avait donné. Entraîné par des années de combat, il se mit aussitôt à ramper sur le sol, cherchant le pied des bosquets pour se fondre dans l'ombre et éviter les faibles espaces encore éclairés par la lune.

Les cavaliers de la garde prétorienne, qui arrivaient sur place, n'avaient que quelques secondes de retard. Ce fut suffisant. Du haut de leur rempart, les archers avaient pu suivre la scène, mais avec la distance et les ombres floues de la nuit, ils furent incapables de pointer l'endroit exact où le fugitif et son sauveur inconnu avaient disparu. Des cris furent échangés de part et d'autre. Décontenancés, les capitaines criaient des ordres et tentaient de se réorganiser, mais avec le grand nombre de soldats et de chevaux excités, la confusion régna pendant plusieurs minutes.

Maximus ne se rendrait compte que bien plus tard à quel point tout s'était joué sur ces quelques instants. Si les gardes étaient arrivés à peine plus tôt, ou n'avaient pas perdu de précieuses secondes à maîtriser leurs chevaux et à demander l'aide des archers pour orienter leurs recherches, il ne leur aurait pas échappé.

Ombre et poussièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant