Chapitre 5

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La nuit était tombée depuis longtemps lorsque les derniers lieutenants l'avaient quitté, après avoir longuement discuté du plan proposé par Indira, qui avait finalement été adopté par tous. Enfin seul, le général avait ensuite mangé, veillé à ce que tous ses ordres soient correctement exécutés, s'était fait apporter de l'eau et une tunique propre, et assez de bois pour nourrir le feu toute la nuit. Puis il avait renvoyé ses serviteurs.

Il retrouvait avec plaisir la vie quotidienne du camp, qui, en dehors du fait qu'il était libre de ses allées et venues, n'était finalement pas si différente de celle des gladiateurs de Proximo. Mais la journée avait été longue. Il avait passé beaucoup de temps à calmer l'excitation que son retour avait créé dans les esprits, et avait du prendre quantité de décisions cruciales pour s'assurer qu'il reprenait bel et bien le contrôle total de son armée, et préparer la marche sur Rome et la répartition des troupes selon leurs missions. Il s'était enfin laissé tomber sur sa couche, mais malgré la fatigue il ne trouvait pas encore le sommeil. Il écoutait les bruits familiers du camp, les hennissements isolés de quelques bêtes, les cliquetis des armures qu'on nettoie et des armes qu'on affûte, les pas des hommes qui patrouillent entre les tentes, les conversations à voix basse autour des feux. L'excitation qui avait suivi les nouveaux ordres et les préparatifs pour le départ du lendemain ne se ressentait plus : les hommes savaient à quel point leur sommeil était précieux et ils se tenaient tranquilles pour en profiter le plus possible.

Maximus, perdu dans ses souvenirs de camp militaire, tressaillit en entendant bruisser les tentures de l'entrée. Il se redressa aussitôt et aperçut, à travers le voilage qui séparait sa couche du reste de la tente, une silhouette sombre. Aussitôt, il se leva.

_ Indira ?

Il ne l'avait pas revue depuis les débats au sujet de l'invasion du palais et l'éclatante démonstration qu'elle avait faite. Cette fois, la jeune femme s'était enveloppée dans un manteau de laine. Elle rejeta en arrière la capuche qui lui couvrait le visage et lui adressa un demi-sourire tandis qu'il approchait.

_ Tu as besoin de quelque chose ? demanda Maximus. J'espère que mes hommes te traitent convenablement ?

_ Oui, je te remercie. Je n'ai besoin de rien.

Il y eut un silence juste assez long pour devenir gênant. La jeune femme ne semblait pas pressée d'expliquer pourquoi elle était venue le trouver, et sa présence, dans cette tente vide, prit soudain beaucoup de place. Pour se donner une contenance, Maximus se dirigea vers un plateau contenant quelques restes de nourriture, et se versa du vin.

_ Tu en veux ? proposa-t-il.

_ Non.

Indira retira son manteau et l'abandonna sur une banquette. Puis elle s'approcha.

_ Que sont devenus les prétoriens que tu as délogés ? demanda-t-elle.

_ Je les ai fait enfermer avec les autres fidèles de Commode, répondit le général en portant le gobelet de vin à ses lèvres. Je n'ai rien contre eux, ce sont des soldats dociles et ce n'est pas à moi de décider de leur sort. Je veux simplement les mettre hors d'état de nuire le temps que nous achevions ce que nous avons commencé. Ils resteront ici, gardés par quelques uns de mes hommes.

Il pointa du menton la carte du palais, toujours étalée sur la grande table.

_ Tu nous as impressionnés, tu sais, dit-il avec un sourire, en évitant délibérément le sujet de la participation d'Indira à l'invasion du palais. Quand tu es partie, Claudius et Dias ne parlaient plus que de toi. Aucun de nous n'aurait jamais imaginé passer par les termes, tu es devenue un atout plus précieux encore que je ne le pensais... Tu ferais un bon stratège.

Ombre et poussièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant