J'ai mis un bout de temps, tout à l'heure, à me remettre de mon chagrin. Je ne sais toujours pas comment Abel va réagir à mon véritable visage, mais j'ai décidé de ne pas m'en soucier pour le moment, et de profiter à fond de ce dernier instant d'insouciance avec lui.


— Euh ! je m'éloigne un peu du robinet, tentant de connaître les raisons de cette eau qui me tombe dessus.


Je lève les yeux au ciel, je ne vois rien qui puisse m'alarmer, et tout d'un coup, d'autres gouttes suivent sur tout mon décolleté. Il y en a un qui joue avec le feu, si vous voyez ce que je veux dire. Je scrute Abel de mes yeux rouges de colère, mais celui-ci fait comme si de rien n'était, et en rajoute même, en me faisant son plus beau sourire. Dieu, qu'il est séduisant ! Monsieur est d'humeur taquine à ce que je vois. Je me venge et lui jette, non pas, quelques perles d'eau, mais toute une rasade, ce qui trempe tout son haut.

J'ai un peu abusé, c'est vrai ! Mais c'est lui qui a commencé, je n'ai fait que me défendre.


— Tu n'aimes pas beaucoup t'amuser !


Si ! Pourquoi il dit ça ? Ma sœur et moi, on a fait de belles gaffes ensemble. Mais là, il faut dire que je ne suis pas d'humeur, et surtout par ce jeu débile qui risque de mettre à mal mon masque. Même si je veux profiter un maximum de cette soirée, je n'arrive pas à me laisser aller, je suis bien trop stressée avec ce qui m'attend dans les prochaines vingt-quatre heures.


— Contente ? Je vais devoir me déshabiller ! m'annonce t-il tout en enlevant sa chemise avec beaucoup de sensualité.


J'en ai l'eau à la bouche. Il est telle... tellement alléchant ! Zut ! Attirant ! Bon, vous avez compris, il est tout bonnement appétissant ! Oh non, carrément parfait ! Il faut me reprendre, ou je ne donne pas cher pour les sablés. Je dois rester concentrée !


— Tu n'aurais pas un tablier à me prêter par hasard ?

— Euh... je reste bouche bée devant son torse complètement dénudé face à moi. Non ! Euh... Si ! Attends !


Je cherche dans un tiroir, le tablier qui devait appartenir à ma mère. Il est noir dans mes souvenirs, donc ça devrait faire l'affaire, si je le trouve...

Le troisième tiroir est le bon, plusieurs tabliers s'y trouvent, dont celui que je portais étant enfant. Je reste statique devant ce bout de tissu. J'avais complètement oublié sa couleur, pourtant il était chouette, d'un bleu foncé avec plein d'étoiles de toutes les couleurs.


— Inès, tu trouves ? s'inquiète Abel du temps que je mets à lui tendre la blouse de cuisinier.

— Je l'ai !


Il est bien noir, mais pas très masculin, je dois l'avouer. Il est inscrit aux couleurs de l'arc-en-ciel : Je suis la meilleure des mamans. Je me souviens, maintenant, c'est moi qui lui avais choisi pour la fête des mères, et elle a adoré, au point de l'enfiler immédiatement. C'était une mère formidable ! Elle me manque terriblement.

Je finis par lui tendre l'étoffe tant espérée, mais avant de le mettre, il ne peut s'empêcher de sourire en lisant les quelques mots marqués en gros.


— Je suis l'homme le plus viril dans cet accoutrement ! fait-il la pose comme un mannequin.


Je me mets à rire de sa blague. Même si avec cette tenue, je le trouve séduisant à souhait. Cet homme m'a carrément envoûté, je suis sous son charme, il n'y a plus aucun doute possible, et je vais très vite déchanter malheureusement. Lorsqu'il apprendra pour mes affreuses cicatrices, il partira et ne voudra plus jamais me revoir. Je n'aurais aucun moyen de le retenir, à moins de le séquestrer... Non ! Arrête tes sottises ! Je deviens complètement folle ! Reste concentrée ! Oublie qu'il est torse nu, et à quel point il est attrayant, même avec ce tablier de femme ! Quoi qu'il advienne, je ne dois pas flancher ! Pas maintenant ! Pas avant de lui avoir dit toute la vérité !

Je vais profiter, comme je me le suis promise, de cette dernière soirée à deux qui nous est offert, et en savourer chaque instant, comme si c'était les derniers, mais pour cela, je dois absolument arrêter de reluquer mon partenaire de cuisine de cette manière, à m'en lécher les babines. Stop !



Publié le samedi 25 mai 2019


ABEL ET LA BÊTEWhere stories live. Discover now