ABEL ET LA BÊTE

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Abel

Curieusement, je ne la voyais pas du tout comme ça, sa chambre, plus dans un style romantique. Je pensais avoir discerné cette fille, mais je me suis bien trompé.

La pièce est très lumineuse, les meubles en bois clair donne beaucoup de charme à ce lieu dont la modernité prédomine. Chaque objet semble avoir été acheté avec précision afin de donner à cet endroit l'élégance auquel il prétend. Bizarrement, je me sens bien dans cet univers, bien mieux que dans ma propre chambre.

— Ça appartenait à ma mère, me dévoile t-elle alors que je scrute avec attention un petit coffret en bois blanc qui dénote avec tout le reste de la pièce.

— C'est très mignon !, je mens ne voulant pas la froisser.

— Que puis-je faire pour vous, Abel ?, me demande t-elle pressée que je m'en aille.

Elle fait tout son possible pour me cacher sa gêne, mais malgré le masque hideux qu'elle a sur la figure, je peux déceler son mal être.

Elle tripote ses mains et n'ose pas me regarder en face. Ses yeux ne quittent pas le sol ou ses pieds, voire les miens mais pas plus.

— J'aimerais vous avoir comme amie...

Je n'en dis pas plus et attends de voir sa réaction qui met un certain temps à venir.

— Pourquoi ? Pourquoi un gars comme vous, voudrait m'avoir en tant qu'amie ? Vous devez en avoir des tonnes, des copains et des copines n...

— C'est ça !, je la coupe. Je n'ai pas de réels amis, seulement des camarades de beuverie, de soirée mais rien qui représente une amitié sincère. J'ai besoin de quelqu'un a qui me confier et qui me conseille du mieux qu'il peut.

— Et vous pensez que je peux être cette personne ?, dit-elle très perplexe.

Je peux la comprendre. On ne se connaît pas vraiment, mais je suis persuadé en revanche qu'elle est la seule à pouvoir m'aider dans la situation dans laquelle je suis.

— J'en suis sûr !

— C'est absurde ! Vous ne connaissez rien de moi, comment pouvez-vous croire qu'on peut devenir des amis ?

— Car vous vous souciez des autres et au fond de moi, je sais que vous êtes quelqu'un de bien, je tente sans savoir si ce que je débite est vrai.

Je remarque néanmoins un léger sourire, c'est presque gagné !

Je ne veux pas qu'elle tombe sous mon charme, non ! Je veux seulement la convaincre de passer un petit peu de temps avec moi, qu'elle soit quelqu'un de bien ou pas, je m'en contre-fiche !

— Je pense sincèrement que vous êtes la personne qu'il me faut ! Je sens que je peux avoir confiance et qu'il me sera facile de me dévoiler à vous... je continue à sortir que des âneries, mais il faut dire qu'elle ne me facilite pas la tâche. Elle reste méfiante.

Je dois être plus convaincant mais comment ? Pendant que je réfléchis à une solution, le miracle se produit.

— Je ne sais pas... mais on peut tenter, ça n'engage à rien.

— Merci, merci et encore merci !, je m'exalte un peu trop. Nous allons être les meilleurs amis du monde.

— N'exagérez pas ! Nous verrons bien ce que cela donne... prononce t-elle toujours aussi sceptique.

— Pour fêter ça, je vous invite à déjeuner !

— Ça aurait été avec plaisir mais j'ai déjà un autre engagement pour ce midi, désolée !

Bon, ce n'est pas encore gagné ! Elle va me donner du fil à retordre !

— Vous ne pouvez pas décommander ?

— Non ! Je regrette ! Je tiens toujours mes promesses, on compte sur moi !

— Je pourrais vous y accompagner ? Si je peux ?

Je sais, ça ne se fait pas, de s'incruster de la sorte, mais il faut absolument qu'on se voit en public.

— Pas de soucis ! On a toujours besoin de nouveaux volontaires. Vous êtes donc le bienvenu !

Mais qu'est-ce qu'elle me raconte ? Où va t-elle au juste ? Et que fait-elle ?

Vous allez voir que c'est sœur Teresa et qu'elle donne de son temps libre au plus démunis,... rien à voir avec moi !

— Où ça exactement ?

— Après la messe dominicale, je donne toujours un petit coup de main à l'association « A manger pour tous ».

— Vous distribuez de la nourriture aux sans-abri ?

— Pas seulement ! Cette association réunit toutes les classes sociales afin d'aider au mieux les plus démunis. Nous déjeunons tous ensemble dans la même salle pour favoriser les échanges entre individu. Cela crée du dynamisme et permet à certaines personnes de retrouver confiance en elle et d'aller de l'avant, de trouver un travail et surtout de ne plus se sentir seule face à leurs problèmes. Nous sommes une grande famille ! Cela vous intéresse toujours autant de m'accompagner ?

Si je lui dis non, je vais passer à ses yeux pour un goujat, un mec sans cœur qui ne pense qu'à lui. Et c'est ce que je suis, je ne vais pas le nier.

Mais je ne peux pas me permettre ça ! Il faut absolument qu'elle pense que je suis quelqu'un de bien, un homme formidable et très charitable. Je n'ai pas à réfléchir pendant des lustres à la réponse qui me sera la plus favorable.

— Je viendrais avec grand plaisir !

J'en fais un peu trop, c'est vrai !

— On dit 11 heures devant la paroisse de la ville ?

— J'y serai !

J'ai enfin droit à un énorme sourire. Je n'ai plus qu'à faire en sorte qu'elle veuille passer du temps avec moi et le tour sera joué !

Je suis trop fort !

Publié le vendredi 15 février 2019