CHAPITRE XVII

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« Alors c'est tout ? »

Je n'aurais jamais cru que Nicolas Combes pouvait être collant à ce point-là. Chewing-gum catégorie poids lourd. Non mais sans blague, je comprenais l'irritation qu'éprouvait Amélie, à présent. Avoir Nicolas Combes à ses basques, c'était comme demander à un chien sourd de vous lâcher le mollet : il avait résolu de faire de moi son prochain repas.

« Laisse-moi ouïr en paix cette leçon des plus palpitantes, s'il te plaît. Je ne voudrais pas échouer aux examens. »

Nicolas leva la tête de son cahier (une sorte d'épave remplie de caricatures au stylo bille) et fixa son regard sur le tableau de la vieille Mme Ursule. Il dut juger le schéma du système digestif des vaches laitières peu intéressant car il s'empressa de me harceler de nouveau.

Quelle mouche m'avait piqué lorsque j'avais accepté qu'il s'asseye à côté de moi en S.V.T ?

Doux Jésus.
J'étais dans une sainte merde.

« Mec, réveille-toi, Louis est plus con qu'un ballon, tu ne vas pas le laisser filer avec cette put...
- Gourgandine », le corrigé-je promptement.

Manquerait plus qu'il déblatère des insanités en ma présence.

« Ouais, c'est ça. Bref... Enfin non. Comment tu peux dire des trucs pareils ? Tu t'endors en lisant le dictionnaire ? »

Tout à fait. Et c'est extrêmement instructif.

« Quoi ? Moi ? Dictionnaire ? Le soir ?Non ! Jamais ! Aha. »

Son haussement de sourcils me dissuada de continuer à m'embourber dans mes mensonges.

« Admettons que je n'ai rien entendu.
- Parfait. Et si tu te taisais ? Car en ce moment, c'est toi qui m'empêches d'entendre le cours.
- Ne me fais pas croire que tu t'intéresses aux leçons de S.V.T.
- Pas toi ?
- Bah non. »

Ah.

« Dans ce cas, qu'est-ce que tu fais là ?
- J'évite les heures de colle. »

Hum. J'avais passé la majorité de mon collège à me demander pour quelle obscure raison on appelait des retenues "heures de colle". Était-ce parce que le détenu était obligé de coller des documents pendant des heures ? Ou parce qu'à force de rester assis, son séant était collé à la chaise ?

«... Et qu'il faut qu'on parle. »

Très mélodramatique. J'adore. On se croirait dans un Teen-Movie Américain. Ou une comédie romantique. Le mec s'appelle toujours John/Brandon/Hayden dans ce genre de truc. Il se pointe chez la fille (Sally/Annie/Amanda) et lui demande un entretien d'une voix basse et ténébreuse. Un peu comme dans Grease. C'est ma comédie musicale préférée. Je peux la regarder en boucle sans m'en lasser. Bref. Après quoi, soit le mec rompt, soit il avoue son amour inconditionnel pour la fille discrète/timide et/ou maladroite qui lui a tout de même accordé une gifle lors d'un unique (mais mémorable) moment de gloire pour s'être montré méprisable.
Donc. "Faut qu'on parle".
Étrange que la même réplique ait deux significations si opposées.

« Je ne suis pas en mesure de t'écouter. Je dois reproduire ce fabuleux schéma afin d'obtenir la note maximale au prochain contrôle.
- Mais c'est important !
- Si tu as une irrésistible envie de t'exprimer, adresse-toi au mur.
- Pardon ?
- M'est avis qu'il est de charmante compagnie. »

Nicolas me fusilla du regard. Mme Ursule profita de son silence momentané pour nous offrir un PowerPoint délicieux sur le devenir des excréments des pachydermes. Je fis mine d'être ébloui lorsque la vieille chouette posa son regard acéré sur mon visage.

« Une remarque, Monsieur Eckart ?
- Non, non.
- Dans ce cas, cessez de bavasser avec votre voisin. Nous sommes en classe, pas dans un salon de thé. »

Une réplique qui devait être délivrée en même temps que le diplôme d'enseignement. Je l'avais entendue tellement de fois qu'il m'arrivait d'en rêver. Bien que la plupart du temps, elle ne me soit pas adressée.

Onze minutes et trente trois secondes plus tard, Nicolas m'importuna de plus belle.

« Ne me fais pas croire que tu te fiches de Louis.
- On a conclu un pacte d'amitié il y a une demi-heure. Je ne peux donc décemment pas dire que Louis me passe au-dessus de la tête. »

Nicolas renifla avec dédain.

« En tout cas, il risque de te passer sous le nez si tu ne te bouges pas pour le récupérer. »

Touché, coulé.
J'ouvris la bouche, la refermai. Et scrutai l'atroce figure de notre professeur.
Elle avait la physionomie d'un chameau : un menton rond qui gesticulait au rythme de ses paroles, des dents immenses et mal brossées, une haleine épouvantable et un nez écrasé qui surmontait une bouche constituée de deux gencives proéminentes. De quoi faire peur à un troupeau d'élèves boutonneux et paresseux. Ses yeux noirs me trucidèrent lorsque j'ouvris la bouche pour répondre à Nicolas.

« En quoi ça te concerne, de toute façon ? Si Louis est heureux avec cette jeune fille, autant qu'il reste avec elle. Et depuis quand t'intéresses-tu à ce genre d'histoires ?
- Depuis que mon meilleur ami est amoureux de quelqu'un de bien mais qu'il n'est pas foutu de s'en rendre compte. »

Je rougis. Nicolas se balança négligemment sur sa chaise en observant le dos de Louis qui était assis un peu plus loin. Il dormait sur Amélie, qui rêvait la bouche ouverte. Magalie la dévisageait d'un air désapprobateur. Magalie dévisageait toujours Amélie d'un air désapprobateur.
Je remarquai la place vide de l'autre côté d'Amélie et fronçai les sourcils, perplexe.

« Pourquoi tu ne t'es pas installé comme d'habitude avec Louis et Amélie, au fait ?
- Amélie m'a viré », grogna Nicolas.

J'aurais dû m'en douter.

« Mais je croyais que vous aviez trouvé un terrain d'entente ?
- Oui. C'est ce qu'on appelle des arènes de combat. Ou un champ de bataille. »

Nicolas n'avait pas vraiment la carrure d'un gladiateur. Néanmoins il s'était battu pour défendre mon honneur et celui de Louis. Je doutais qu'il se soit laissé faire aussi facilement. Amélie disposait certainement de techniques d'attaque impressionnantes. Sa voix exquise et des noms d'oiseaux devaient en faire partie.

Louis s'ébroua, ses mèches dorées auréolant ses traits séraphiques. Il inclina la tête dans notre direction et me coula un sourire en coin qui fit ricaner Nicolas.

« Non mais regardez-vous, franchement. Tu sais quoi ? Tu n'as pas le choix. Si tu ne veux pas que je t'empêche de suivre les cours, tu vas être obligé d'aller pécho Louis. »

Pécho. Voici un nouveau mot à ajouter dans mon carnet de vocabulaire adolescent.

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Hey ♥ merci encore pour vos retours sur le dernier chapitre !
Je suis en pleines révisions du BAC (c'est la m...ort) du coup je n'ai pas beaucoup le temps d'écrire mais j'ai eu le temps de pondre ceci dans le train ce matin. Voilà, en espérant que vous avez apprécié le duo Nicolas-Aaron ?

À bientôt ♥ et dites-moi si vous aussi vous avez des examens ou si vous travaillez ou au contraire, si vous êtes déjà en vacances 🐙 (petits veinards).

RAYONNANT [BoyxBoy]Where stories live. Discover now